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Sens du collectif, sentiment d’appartenance, management humain… le RC Lens a démontré, avec peu de moyens et sans « stars », qu’il pouvait rivaliser avec les plus grandes écuries françaises. Sorte de PME qui bataille au milieu des grands groupes.
Pour les amoureux du ballon rond, le Racing Club de Lens était sans doute la plus belle équipe à voir jouer cette saison en Ligue 1. Depuis samedi 27 juillet, et après un 17e succès à domicile face à Ajaccio (3-0), les Sang et Or ont officialisé leur participation en Ligue des champions la saison prochaine. Au même titre que le PSG, le Real Madrid, le Bayern Munich ou encore Manchester City, des cadors européens. David affrontera Goliath, lui qui a déjà coiffé au poteau sur la scène nationale l’Olympique de Marseille, et qui se classe bien devant les mastodontes français : Lyon ou Monaco.
Et pourtant, si le football était mathématique, Lens ne devrait pas tutoyer le top 5, encore moins le podium. Avec 62 millions d’euros, les Lensois terminent au 10e rang seulement en termes de budget. Un pécule dix fois inférieur à celui du Paris Saint-Germain, pour trois petits points d’écart. Ou encore quatre fois plus maigre que ceux de l’OL, l’OM et Monaco. Au royaume du foot business, Lens fait exception. De quoi expliquer toute la sympathie qui entoure ce club « local » aux ambitions internationales.
Un club de foot « est une entreprise comme une autre », estimait-on à Matignon en octobre 2013 – le gouvernement de Jean-Marc Ayrault faisait face à une grève dans le monde du foot pour protester contre la taxe des 75 %. Pas sûr qu’un club de foot soit réellement une entreprise comme une autre, il n’empêche qu’il reste tout de même une entreprise. Avec une stratégie, des objectifs, un recrutement, de la gestion de trésorerie et de capital humain. Et qui veille de plus en plus à son image de marque et à sa communication. Dans cet univers-là, Lens n’est-elle pas l’entreprise idéale ?
On ne le répète jamais assez, mais le bien-être des salariés dépend moins de la nature de leur poste que la relation qu’ils entretiennent avec leur manager. À Lens, le manager se nomme Franck Haise, c’est avant tout grâce à lui que le club artésien est passé de Ligue 2 à la Ligue des champions en trois ans. Un entraîneur reconnu, par les adversaires comme par ses propres joueurs, sans strass ni paillettes. « C’est le meilleur, tout simplement, il comprend le jeu, quand on s’entraîne on ne fait que du ballon », déclarait début mai l’un de ses joueurs, Brice Samba. Dit autrement, pas de décalage entre la vision du manager et celle de ses n-1, l’ensemble des collaborateurs avancent dans la même direction, la stratégie est intégrée (et soutenue) de haut en bas. Un homme qui guide ses troupes, proche d’elles : « L’humain avant la tactique », ne cesse-t-il de marteler. C’est par le relationnel et la confiance que l’on obtient des résultats. Nombre de managers – et notamment les plus toxiques d’entre eux – auraient tort de ne pas s’en inspirer.
Un manager qui sait fédérer et non diviser. De sorte à parvenir à une véritable symbiose, du staff à la cellule de recrutement en passant par les joueurs. « Séance hebdo de yoga, travail avec un psychologue, tout est fait pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions », apprend-on sur RMC. Le collectif prime sur les individualités, ce qui n’empêche pas les cadres de l’équipe d’endosser un rôle de leader – à l’image du milieu de terrain Seko Fofana. Un capitaine qui motive ses coéquipiers, pas une star. Profil indispensable pour faire vivre un collectif en open space.
Jouer au RC Lens a quelque chose de particulier. Ce n’est pas une entreprise comme une autre. Un club historique qui a une identité. Le club, c’est l’emblème de la ville, l’entreprise phare, comme on associe Toulouse et Airbus. Les supporters du stade Félix Bollaert ont de nombreuses fois été élus meilleur public de France. Une grande partie de la population ouvrière de la région se reconnaît et s’identifie au RC Lens. Un partage des mêmes valeurs : passion, ambition, respect, fidélité et fierté. Bref, l’on s’attache et défend Lens comme on pourrait le faire avec une PME de proximité, à l’heure où les Gafam assoient leur domination. Lens, c’est une entreprise locale qui parvient progressivement à faire naitre une sympathie au-delà des frontières artésiennes. Lens, c’est une entreprise porteuse de sens, qui ne triche pas, dans une société marquée par les bullshit jobs, la superficialité. Le football, les clubs – et notamment ceux qui font beaucoup avec peu – ont tant de choses à apprendre aux managers et aux entreprises de tous les secteurs.