Faire baisser le chômage « quoi qu’il en coûte » ?

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Geoffrey Wetzel, journaliste-chef de service

Face à l’angoisse d’un double quinquennat du vide, Emmanuel Macron a fait de sa priorité des priorités la lutte contre le chômage. Une façon de cacher la poussière sous le tapis ?

Macron n’a qu’une obsession : remettre la France au travail. Notamment les seniors en allongeant l’âge légal de départ à la retraite. Mais aussi les plus pauvres en conditionnant le versement du RSA à quelques heures d’activité par semaine, ou en durcissant les règles de l’assurance chômage. Réduire le chômage reste un objectif louable, légitime, voire logique pour n’importe quel président de la République. Mais pas à n’importe quel prix.

« Réveillez-vous ! Je vous le dis en toute sincérité, réveillez-vous ! On est à 7 % de taux de chômage […] Nous n’y sommes pas ». Quand les chiffres n’entrent pas dans les bonnes cases, Emmanuel Macron n’hésite pas à sermonner ceux qu’il considère comme responsables. Tantôt les chefs d’entreprise, ce qui explique le coup d’envoi d’ETIncelles, programme qui vise à multiplier les entreprises de taille intermédiaire (ETI) en France en levant les « freins administratifs » qui contrarient la croissance des petites et moyennes entreprises (PME). Tantôt les chômeurs, les bénéficiaires de minima sociaux… les pressuriser les aiderait davantage à trouver un emploi, estime-t-on à l’Élysée. Drôle de vision.

Nous sommes gouvernés par les chiffres. Macron s’en félicite : nous sommes passés « de plus de 9 % de chômage en 2017 à 7 % cette année ». Problème, voilà un président moderne qui ne vit pas en harmonie avec l’époque. Aujourd’hui, quand le chômage baisse… tout le monde s’en fout ! Parce que travailler n’est plus un rempart contre la précarité, contre la pauvreté. L’expression « travailleurs pauvres » lie deux termes qui n’ont plus rien d’antinomiques. Ils seraient au moins 1 million en France, selon l’Insee (2022). Derrière cette lutte en faveur du plein-emploi, une question : mieux vaut ne pas travailler du tout ou travailler pour rien ou pas grand-chose ? À l’échelle globale et macroéconomique, sans doute la seconde option. Et à l’échelle individuelle ?

« Cette amélioration de l’emploi s’est faite au prix d’une flexibilisation du droit du travail et d’une précarisation des emplois. Une partie des ouvriers et employés peu qualifiés qui ont retrouvé un emploi viennent gonfler le nombre de travailleurs pauvres, faute d’une rémunération ou d’un temps de travail suffisant », dénonce déjà en 2022 l’Observatoire des inégalités. Le travail ne protège pas forcément de la pauvreté. Et c’est précisément pour cette raison que la baisse du chômage ne constitue plus en elle-même une bonne nouvelle. Même si les chiffres sont flatteurs pour l’actuel chef de l’État.

Gare à ne pas aller trop loin dans cet objectif de plein-emploi. Et ne pas toucher à ce qui fonctionne : les ruptures conventionnelles par exemple. Avant l’intronisation de cette bonne mesure par Nicolas Sarkozy en 2008, seulement deux façons permettaient qu’une entreprise et un salarié se séparent : licenciement ou démission. À quoi bon s’attaquer à un outil qui a « participé à sécuriser les relations sociales » pour reprendre les termes de l’économiste Nicolas Bouzou ? C’est simple, toujours dans cette optique de réduire les indemnisations chômage – l’État préfère que vous démissionniez plutôt que vous choisissiez, en accord avec votre entreprise, une rupture conventionnelle ? Nous viendrait-on à l’esprit de revenir sur l’avancée du divorce à l’amiable ? Ce serait absurde.

Réformons ce qui ne marche pas, mais ne touchons pas à ce qui fonctionne – et tant pis pour les quelques abus qui peuvent exister, marginaux. La lutte contre le chômage ne doit pas se faire « quoi qu’il en coûte ». D’autant plus aujourd’hui où elle ne règle plus forcément ce qui était visé autrefois : la lutte contre la pauvreté.

Rédacteur en chef. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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