Le défi supercollectif par Émile Servan-Schreiber

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Tout le monde nous parle d’intelligence artificielle. Elle s’installe dans nos voitures, nos salons, nos téléphones, nos bureaux. En outre, la recherche en neurosciences se popularise jusqu’à influencer la pédagogie scolaire et nous culpabiliser d’être infestés de « biais cognitifs ».
Malgré le vent de folie qui souffle sur la planète, on sent bien que le xxie siècle sera celui de l’intelligence. C’est la tendance de fond, sous l’écume des jours. Les publicitaires ne s’y trompent pas, tout se doit d’être « smart », de nos villes à nos compteurs électriques.
Mais en plus de la cervelle et de l’artificielle, il est une troisième forme d’intelligence, moins médiatisée, et trop mal ou trop peu exploitée : celle de notre collectif.
Nous sommes sept milliards et demi de cerveaux de plus en plus intimement connectés les uns aux autres par les outils numériques. Jamais notre potentiel d’intelligence collective n’a été aussi haut.
De plus, l’humanité n’a jamais disposé d’autant de puissance de calcul qu’aujourd’hui. On estime qu’un cerveau humain est capable d’autant d’opérations par seconde que trente supercalculateurs chinois dernier cri ou trois cents millions de smartphones. À cette aune, la puissance cumulée de tous les ordinateurs du monde vaut à peine mille cerveaux humains. Et nous serons demain 8 milliards !
Teilhard de Chardin disait que « rien dans l’Univers ne saurait résister à un nombre suffisamment grand d’intelligences groupées et organisées. »
Quand on met côte à côte notre puissance de cervelle globale et le fait que nous sommes, grâce au numérique, plus que jamais en situation de collaborer, une évidence s’impose : nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de l’intelligence. Une ère où le collectif peut s’exprimer à une échelle inconcevable par les générations précédentes. Une ère supercollective où nos intelligences « groupées et organisées » peuvent bousculer l’Univers.
Quand les scientifiques ont voulu mesurer le QI des groupes, ils furent surpris de découvrir que celui-ci ne dépend pas tant des QI individuels que de la proportion de femmes. C’est parce qu’elles sont généralement plus aptes à distribuer équitablement le temps de parole, à discerner les émotions de leurs interlocuteurs et à les écouter.
L’intelligence rationnelle d’un groupe dépend donc surtout de l’intelligence émotionnelle de ceux et celles qui le compose. C’est la qualité de la communication entre les cerveaux qui compte plus que la puissance des cerveaux eux-mêmes. Comme pour Internet, c’est la bande passante du réseau qui prime sur les ordinateurs qui y sont connecté.
Pour que l’intelligence au xxie siècle ne soit pas seulement artificielle, il va falloir mieux organiser les nôtres, avec une bonne dose d’écoute et une exploitation systématique de nos diversités : sexuelle, générationnelle, ethnique et culturelle. C’est en cultivant nos différences que nous serons intelligents ensemble.

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