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Kylian Mbappé, N’Golo Kanté ou encore Sadio Mané, le nombre de footballeurs qui investissent dans les clubs sportifs se multiplie. Désir d’assurer sa reconversion ou simple stratégie économique et court-termiste ? Zoom sur une nouvelle tendance qui ravit les petits clubs.
Depuis quelques années, la chasse aux clubs est lancée. Le plus marquant d’entre eux, le rachat par Kylian Mbappé du Stade Malherbe de Caen (SMC). Un investissement de 20 millions d’euros qui lui assure 80 % des parts du club qui évolue en Ligue 2. Mais il n’est pas le seul, N’Golo Kanté a investi dans le club belge d’Excelsior Virton. Sadio Mané faisait de même avec Bourges, et Kalidou Koulibaly avec Sedan. Avant eux, des légendes du football ont également pris part aux hostilités. Zlatan Ibrahimovic, Cristiano Ronaldo et David Beckham se sont placés à la tête de clubs de second rang. Une volonté pour eux d’assurer leur fin de carrière. Mais pour de jeunes joueurs, quel intérêt ? En sachant que des clubs comme Caen n’ont pas réussi la saison précédente à générer des revenus décents. Et c’est le cas des nombreuses équipes dans lesquelles les investissements massifs voient le jour. Alors d’où vient cet engouement naissant ?
Un effet d’aubaine pour les investisseurs
Pour l’économiste du sport et professeur à la Sports Management School, Pierre Rondeau, l’intérêt récent des joueurs vient avant tout d’un contexte économique favorable. « C’est un élément conjoncturel dans le sens où l’économie du sport est en grande difficulté. Les clubs ont subi le contrecoup de Mediapro et de la crise sanitaire et donc de fait les investisseurs peuvent récupérer pour peu des clubs déjà structurellement compétents. » En effet, on observe d’un côté des clubs de Ligue 2 qui ont du mal à survivre et de l’autre une opportunité pour des joueurs de générer des profits liés à un rachat. Les compétitions footballistiques françaises sont plus attrayantes en termes de business. Les clubs anglais, par exemple, demandent eux un investissement deux voire quatre fois plus important, pour des clubs dans des catégories similaires. D’autres investisseurs sont également attirés par ce phénomène conjoncturel français. C’est même le cas avec des clubs de Ligue 1 tels que Auxerre, l’Olympique Lyonnais ou l’AS Monaco qui ont été rachetés par des investisseurs étrangers.
Un choix risqué mais qui doit être maîtrisé
Pierre Rondeau le rappelle, investir dans un club de foot constitue, globalement, une prise de risque. Sauf dans le cas où le club aurait déjà une base solide. Mais son acquisition reste tout de même coûteuse. En Ligue 2 par exemple, même si aucune certitude ne peut être faite quant à l’avenir de son investissement, les prix sont plus abordables. « Pour moins de 20 millions d’euros, on peut récupérer un club, c’est ce qui attire les footballeurs », poursuit l’économiste du sport. Avec une augmentation de leurs salaires, ils constatent des opportunités naissantes, surtout qu’ils possèdent la maîtrise du domaine sportif. Si il ne fait nul doute que les footballeurs ont une expertise précise du ballon rond, ils ne possèdent pas pour autant l’âme d’un entrepreneur. Dans ce cas, ils peuvent simplement acquérir des parts sans pour autant être au cœur des décisions du groupe. « À mon sens un bon entrepreneur doit avoir conscience de ses limites, et doit être capable de bien s’entourer, à l’image d’un Bernard Tapie », confie Pierre Rondeau. On ne connaît pas encore les retombées exactes des acquisitions des clubs sportifs. Mais Marc Keller, par exemple, a investi dans le RC Strasbourg en 2012 et a revendu ses parts à un fonds d’investissement il y a un peu plus d’un an. Une manœuvre qui lui a permis ensuite d’avoir un retour sur investissement réussi.
Une stratégie purement financière ?
Les raisons pour lesquelles les footballeurs investissent dans des clubs de seconde zone sont multiples. Mais ce qui est sûr, c’est que la quête de rentabilité ne peut constituer un élément tangible dans leur logique entrepreneuriale. « S’ils sont dans une logique de rentabiliser via des biens, des chiffres d’affaires annuels et de récupérer sur les dividendes, c’est à perte. Car un club de foot n’a pas pour ambition de générer d’abord une lucrativité économique, surtout que l’argent gagné va être instantanément réinvesti pour signer des joueurs », affirme le spécialiste.
Dans ce sens, l’intérêt stratégique à moyen et long terme reste le plus intéressant puisque le club peut évoluer et améliorer sa marque, pour atteindre ensuite une valorisation bien plus élevée. Ce qui expliquerait, entre autres, pourquoi de jeunes joueurs investissent dès maintenant dans des clubs sportifs. Un moyen d’assurer un avenir et une retraite dorée. Non seulement dans l’optique de revendre le club mais aussi de s’y installer durablement. D’autres le font tout simplement par passion et avec la volonté d’aider les clubs en difficulté.
Un intérêt certain pour les clubs
Les clubs ont tout à gagner à s’allier avec des footballeurs professionnels. Car ils bénéficient, en plus des fonds, de l’image et de la réputation du joueur. Dans le cas de Caen, le club a tout intérêt à s’allier avec Mbappé. Contrairement à un fonds d’investissement où la notoriété liée à l’image est quant à elle inexistante. Un footballeur aura également plus de mal à se « débarrasser » d’un club, là où des investisseurs n’y verraient pas de difficultés comme ça a été le cas pour les Girondins de Bordeaux. Du côté du sportif, l’intérêt de s’inscrire dans l’histoire du club, de devenir le symbole de réussite parfois de toute une ville, bénéficie à sa renommée. Même si son investissement ne rapporte pas autant, il n’a pas d’obligation de résultats économiques.
Des investissements qui soulèvent néanmoins des questions. « Quid si demain Mbappé joue un match contre Caen ? », questionne l’économiste du sport. Une situation qu’aucun joueur n’a encore connue, mais qui suppose un encadrement et des règles strictes.
CLARA SEILER