Que faites-vous de vos morts ?

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En 2017, l’artiste contemporaine Sophie Calle a consacré une exposition au sujet – encore tabou – de la mort en présentant une série de photographies prises dans des cimetières en écho à la mort récente de son propre père.

Ces photos et les commentaires des visiteurs dans le livre d’or à la question posée dans le titre de cette chronique sont réunis dans un livre qui s’intitule Que faites-vous de vos morts ?, un objet d’art né de la perte et de l’absence, comme si même la mort – qui semble la fin de tout – pouvait être un terreau de création et d’échange.

Ce symbole – et désolé pour cette chronique macabre – je l’ai trouvé fertile car depuis quelques mois, je suis régulièrement confronté à des textes sur les réseaux sociaux qui annoncent des disparitions. Cela m’a particulièrement frappé sur LinkedIn cet été où les posts liés à des décès m’ont souvent fait connaître des départs en même temps presque que je faisais connaissance avec ceux qui ont été.

Je me suis fait la réflexion que le sujet de la mort avait longtemps été un non-dit sur cette plate-forme où on passe son temps à raconter ce qu’on fait et à parler de ce qui est – par défaut ce qui n’est plus ne semblait jamais commenté. L’effet de surprise passé, je me suis dit que c’était un signe que ces réseaux devenaient des lieux de vie au sens complet du terme qui embrassent tous les aspects (même les pires) de l’histoire d’une personne.

Et comme c’est tombé en même temps que la mort de Thierry Ardisson qui avait prévu sa couverture de Match, j’ai pressenti un parallèle. Peut-être y allait-il avoir une façon de scénariser la mort sur un profil comme il y a une façon de mettre en scène les épisodes de sa vie ?

Par ailleurs, cela faisait écho à un traitement pour le coup répandu sur les réseaux : les posts liés à des causes caritatives, avec à la clé des récits de lutte contre des maladies rares ou au contraire très répandues comme le cancer. LinkedIn étant un levier puissant d’engagement pour récolter des fonds, créer des réseaux et sensibiliser des populations particulières.

En enquêtant un peu plus, j’ai trouvé aussi trace de la mort sur Facebook, dont l’usage des groupes a été transformé en partie par certaines associations qui ont fabriqué des mausolées. The Aids Memorial (avec un logo qui rappelle fortement celui d’Act Up) invite des inconnus à poster des histoires d’autres inconnus morts du sida parfois il y a plusieurs dizaines d’années afin qu’ils ne soient pas oubliés.

Je me suis dit que cette nouvelle forme de récit de la mort sur les réseaux sociaux était une vraie action de communication, voire de prévention et qu’elle nous touchait en créant une proximité et en jouant sur la corde émotionnelle. Mieux qu’un film publicitaire, ces récits nous sensibilisent et nous forcent à nous projeter dans une cause ou une action particulière.

Enfin, si l’on transpose à la communication marchande, je me suis fait la réflexion que les réseaux sociaux et plus globalement le Web pouvaient être aussi le mausolée de certaines marques mortes. En dehors de celles qui sont très prestigieuses, une grande partie des marques disparues n’existent plus qu’au travers de leurs traces en ligne, parfois même animées par des communautés de fans qui vivent – par exemple – au milieu des marques des années 80 et s’échangent tous les packagings ou les publicités de cette époque.

Un peu comme si la présence en ligne faisait accéder à une forme d’éternité pour ce qui n’est plus…

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