Verdir la communication peut-il sauver la planète ?

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Julien Féré, docteur en sciences de l'information et de la communication
Julien Féré, docteur en sciences de l’information et de la communication au CELSA Paris Sorbonne et partner marketing communication pour onepoint. (Crédits photos : Serge Bouvet)

Alors que le Giec propose des pistes d’actions concrètes, reste à savoir si les métiers du marketing et de la communication sont du côté de la solution…

La publicité a longtemps été décriée par les défenseurs du climat et de l’environnement. Pourtant, paradoxalement, leurs slogans et leurs actions « coups de poing » (comme les happenings de Greenpeace) sont souvent des modèles du genre – une bonne pub en somme ! Alors, la publicité est-elle du côté des pollueurs ou du côté de ceux qui participeront à sauver la planète ?

De la pub (plus) verte pour baisser l’empreinte du métier

Critiquée pour sa superficialité et sa grandiloquence (des tournages à l’autre bout du monde, des superproductions pour vanter les mérites d’un détergent ou d’une voiture), la publicité a fait amende honorable et a travaillé son empreinte, tant du point de vue de la production du contenu que de la médiatisation.

Du côté de la production, les tournages à faible empreinte (et à plus faible coût) deviennent la norme : moins de décors naturels, relocalisation en France, des équipes de tournage moins nombreuses et avant même d’agir une notion d’impact qui peut être livrée aux clients sont en train de devenir la norme. Les labels et certifications qui accompagnent cette normalisation de la production permettent de garantir la démarche.

Du côté de la médiatisation, l’affichage a fait sa mue depuis plusieurs années (impression recyclée et avec encres végétales, écrans basse consommation) et les autres médias (presse, digital, TV etc.) ont également cette question de l’impact en tête, ce qui permet aux « annonceurs » de répercuter ces initiatives dans leur calcul d’empreinte globale. Cependant, l’impact de la pub dans le monde marchand reste faible en lui-même face aux produits qui sont mis en avant (textile, alimentaire, transport) et qui sont responsables de la majorité des émissions mondiales.

La planète, un argument de vente qui nourrit le système ?

Et c’est sur cette dualité que repose le paradoxe des métiers du marketing et de la communication. Exemplaires dans leur façon de produire et de médiatiser – pour une grande partie –, on leur reproche toutefois de participer à nourrir un système d’émission, ou pire, de récupérer le discours environnemental pour en faire un argument de vente. Par exemple, dans le secteur des transports, le train (qui n’a pas évolué depuis des dizaines d’années) en fait un nouvel argument marketing. De même, la grande consommation segmente ses produits en fonction de propositions RSE (traitement des producteurs, impact carbone etc.).

Pourtant, la publicité pourrait faire partie de la réponse. En effet, on s’aperçoit de plus en plus que le discours de contrainte ou rationnel n’est pas efficace pour modifier des comportements ou des usages. En revanche, notre industrie du marketing a une capacité à rendre désirables de nouvelles façons de faire. Et ainsi les nourrir en termes de valeur ou d’imaginaire. Pour reprendre mon exemple du train, peut-être que l’argument purement « émission de carbone » ne fera pas bouger les lignes – peut-être sera-t-il même perçu comme une récupération. En revanche, faire rêver autour du voyage en train pourra encourager ce mode de transport et des comportements plus vertueux. Par sa capacité à parler à l’imaginaire, la communication peut nous aider à modifier nos comportements et faire du bien à la planète à notre insu.

Le brouillage de la frontière corporate / marchand

Au-delà de l’impact sur la consommation, cette incursion de l’environnement dans les discours des marques renforce le brouillage entre le monde de la communication commerciale et le marketing. Citoyen, consommateur, interne, externe… Les canaux et les cibles ne sont plus étanches et les réseaux sociaux ont créé des lieux de rencontre où l’entreprise doit être exemplaire dans sa cohérence de discours.

Ce qui l’oblige à réfléchir ses actions à l’échelle de l’organisation (la façon dont elle traite ses salariés, ses implantations, ses importations etc.) en cohérence avec les offres commerciales qu’elle développe, sous peine d’être taxée de contradiction, voire d’être boycottée.

Cette perméabilité nous oblige à penser la gouvernance des entreprises et les frontières poreuses des fonctions support : marketing, communication (corporate et commerciale), RH, finance et direction RSE évidemment…

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