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À quoi s’attendre en termes de marketing et communication en 2024 ? Une chronique signée Julien Féré, docteur en sciences de l’information et de la communication.
On me pose souvent la question des qualités requises pour être un bon marketeur et communicant. Je réponds qu’il faut avoir des qualités « paradoxales ». Par exemple, être créatif et rationnel en même temps. Ou encore savoir anticiper et avoir une vision long terme tout en étant capable de gérer les imprévus et d’avoir une capacité à entrer dans l’opérationnel… À l’image de cette année 2024 qui s’annonce et pour laquelle je me livre à un petit exercice de pronostic sportif, une fois n’est pas coutume.
Une année 2024 extraordinaire
Même si on l’a vu dans la chronique précédente, l’an 2024 sera rythmé par des marronniers immuables qui font les grands temps forts des marchés (les jouets à Noël, les glaces en été, les roses à la Saint-Valentin, etc.), nos calendriers « marketing » habituels risquent d’être perturbés en raison des Jeux olympiques et paralympiques à Paris. L’afflux massif de populations dès le printemps avec un point d’orgue en juillet-août va profondément affecter les dynamiques sur tous les marchés de la consommation, du transport, de l’immobilier, etc.
L’effet se fera ressentir sur l’Île-de-France avec déjà des annonces de flambée des prix dans les transports, l’hôtellerie ou la restauration mais nous ne sommes qu’au début d’un effet boule de neige qui va toucher l’ensemble du territoire. Pendant quelques mois, nos habitudes de consommation mais aussi les dynamiques de communication (avec un encombrement dans les médias et une flambée des prix sur des mois habituellement creux) vont trembler, provoquant des effets de remous qui peuvent durer sur plusieurs mois, voire plusieurs années.
Car après les JO de 2024, les conséquences de l’événement peuvent se faire encore ressentir : déclenchement d’une mécanique favorable pour le tourisme sur les mois qui suivent ou au contraire effet gueule de bois sur les secteurs de la consommation ou de l’événementiel qui ont été mis fortement à contribution (et n’ont plus de moyens sur la fin de l’année). Peut-être que Noël sera moins intense que cette année, qu’il y aura moins de foie gras sur les tables ou de cadeaux dans les bas de laine car les Français auront « tout donné » durant l’été. Mais au contraire, l’économie pourra aussi avoir été « nourrie » de cette liesse populaire et de la circulation de capitaux, entraînant un rebond presque artificiel pour l’économie française.
Communiquer ou ne pas communiquer, telle est la question ?
Pour les marques, cette année 2024 est celle des choix shakespeariens. Avec deux grandes familles de marques : celles qui peuvent d’une façon ou d’une autre bénéficier de l’effet JO et celles qui n’ont rien à y trouver. C’est aussi l’occasion de faire des paris : pourquoi par exemple ne pas travailler son internationalisation dans un moment où le monde entier sera à Paris. Certes tout le monde ira de sa proposition de valeur, mais ne vaut-il pas mieux récupérer un petit morceau d’un grand gâteau qu’une plus grande part d’une pâtisserie modeste ?
Pour les marques qui ne bénéficient pas a priori de l’effet JO (en raison de leur business ou de leurs cibles par exemple), pour moi, le choix est clair : pas besoin de communiquer durant cette période, il vaut mieux garder ses noisettes pour les moments où le marché sera plus à l’écoute et où le coût d’accès aux différentes cibles sera plus raisonnable. D’ici là, optimiser sa présence, économiser sur ses coûts d’investissement et se préparer à revenir quand ce sera le bon moment.
Pour celles qui ont à gagner dans la bataille des JO 2024, les gains peuvent être de deux ordres. Pour les gains business, la question de la communication peut se poser. Dans un monde qui va être saturé de demandes (toutes les populations présentes au moment de l’événement), une « simple » activation marketing de terrain peut être bénéfique – dit autrement, s’assurer que le produit soit à la disposition du public, afin qu’il rencontre naturellement son audience. En clair, les rayons seront dévalisés, pas besoin de faire de la promotion ! Un peu « d’ambush » (c’est-à-dire une récupération maline de l’événement sans y être associé) devrait suffire à vous faire émerger, avec une vision de rentabilité car l’euro investi durant ce type de temps forts en pure communication d’image est moins rentable en raison de la saturation de l’attention.
Pour ceux qui cherchent des gains en part de cœur, c’est-à-dire les sponsors, la bataille va se faire à coups de millions. Des millions déjà pour être partenaire de rang 1, 2, X, Y ou Z de l’événement qui monnaie chèrement ses amitiés. Puis de médiatisation et là il faut ouvrir les vannes. Les partenaires pérennes (comme Coca-Cola) sont très puissants et quand on a décidé d’y aller, faire les choses à moitié serait délétère. Avant, pendant et après l’événement, il faut jouer la célébration et amplifier la rencontre en espérant qu’un peu de la poussière de magie créée rejaillira sur vous. Une manière de rentrer dans l’histoire – la petite et la grande – car c’est un peu de cela qu’il s’agit quand on parle de JO : une fabrique à souvenirs.