Chronique communication et marketing
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Ah la préservation de la planète… ne sont-ce pas ceux qui en parlent le moins qui en font le plus ? Une chronique signée Julien Féré, docteur en sciences de l’information et de la communication.

Et si les marques étaient à la hauteur de l’urgence climatique ? Dans un monde en feu, elles doivent être les artisans du changement… Sur les réseaux sociaux, ces déclarations d’intention – qui proviennent souvent de professionnels du marketing et de la communication – fleurissent. Pourtant, quand il s’agit de définir sa mission de marque, se poser en sauveur du monde est souvent une mauvaise idée. Une chronique sur le positionnement avec comme point de départ une réflexion de l’excellent stratège Julien Delatte*.

 Une pincée de RSE dans votre plate-forme de marque ?

« Committed for better energy » (« changer l’énergie ensemble »), les signatures corporate des grands énergéticiens semblent toutes interchangeables. Leur ambition ? Nous montrer que tous ces groupes participent activement à nous sauver de la catastrophe climatique et qu’ils sont du côté de la solution et non du problème. Pourtant, derrière ce jeu des similitudes et les millions (ou milliards à l’échelle de la planète) dépensés pour nous faire connaître ces beaux territoires de marques, ces entreprises ne parviennent pas à nous faire croire qu’elles travaillent à notre bien commun. Et pour cause, elles sont souvent cotées en bourse, réalisent des superprofits, nous font payer des factures et nous sommes avec elles avant tout dans une relation marchande.

Julien Féré, docteur en sciences de l'information et de la communication
Julien Féré, docteur en sciences de l’information et de la communication au CELSA Paris Sorbonne et partner marketing communication pour onepoint. (Crédits photos : Serge Bouvet)

Quand je construis des plates-formes de marque, la question de la RSE revient inlassablement au bout du travail. Comme si une marque qui se positionne sur sa dimension marchande, et sur le lien (forcément mercantile) qu’elle tisse avec le consommateur devait avoir honte de celui-ci et le cacher. Et comme si la communication – seule –  était chargée de résoudre la contradiction qui pèse sur la société : l’activité humaine (et a fortiori l’activité économique) crée une empreinte pour la planète.

Quand le greenwashing arrive à ses fins, on arrive soit à des positionnements bâtards (vous vendre des jeans mais sauver la planète) ou à des déclarations d’intention qui n’ont plus rien à voir avec le métier de la marque et ce qu’elle propose « pour de vrai » à ses clients – ce qui fait tourner son business.

Ne pas confondre positionnement de marque et raison d’être d’entreprise

Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire des choses vertueuses et réfléchir à son impact quand on est une entreprise. Mais je sépare la question du territoire de marque de celle de la RSE en entreprise. Une raison d’être a pour but de parler à toutes les parties-prenantes : interne, candidats, citoyens, investisseurs, politiques etc. Elle nous montre comment l’entreprise, comme un maillon de la société, est – potentiellement – destructrice et comment elle a pris conscience du problème en essayant d’améliorer l’empreinte de son modèle, voire de la rendre positive.

Un territoire de marque sert à plusieurs choses : se différencier sur un marché encombré, mettre en avant l’unicité de sa proposition de produit ou de service, répondre à un besoin client ou susciter un désir. C’est une ligne ténue, un point de saillance souvent difficile à faire émerger (d’autant plus quand le marché est installé et concurrentiel) qui est le point de ralliement et de départ de toutes les expressions de la marque.

Ces deux « outils » au service de la stratégie d’entreprise ont des rôles différenciés et évidemment des liens. Un territoire de marque ne peut pas aller à l’encontre de la raison d’être de l’entreprise. En revanche, ils doivent se différencier et l’un ne peut pas écraser l’autre, influencé par la doxa et les discours circulants. Un territoire de marque « aplati » par la raison d’être risque de ne jamais rencontrer son audience et met en péril le business model de l’entreprise – et donc le fait qu’elle remplisse les missions définies par sa raison d’être !

L’effet McCain

En résumé, la dimension RSE ne doit pas être une promesse qu’une marque fait à son consommateur, à moins que ce soit au cœur du métier de la marque (je pense notamment à des organismes de gestion des déchets par exemple). Aujourd’hui, aucune entreprise ne peut faire l’économie d’une réflexion sur son impact social et écologique, pourtant, quand cela devient le principal critère d’achat ou de choix, on verse dans la récupération, l’indécence et des effets business peu maîtrisés.

Comme souvent, je crois à l’effet McCain de la communication : ce sont ceux qui en parlent le moins qui en font le plus. Et comme entreprise, ce n’est pas forcément en prônant un comportement vertueux que je vais encourager ce comportement vertueux. Ce n’est pas en disant que le train est vert que je donne envie de prendre le train, mais en mettant en avant ses avantages concurrentiels : confort, ponctualité, prix etc. Ainsi je donne à mes clients des raisons positives et désirables d’avoir un comportement vertueux (souvent décorrélées de justifications RSE) : faire le bien de la planète et de la société presque à leur insu. L’impact positif devient une réassurance et non plus une promesse nébuleuse et incantatoire…

* https://onethingatatime.today

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