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Avec les progrès phénoménaux de ChatGPT ou Dall-E, reste-t-il une place pour ceux qui façonnent les textes et les images ? La communication, le marketing…
Alors que des étudiants trompent leurs enseignants en rédigeant de façon automatisée des dissertations, les professionnels qui conçoivent les packagings, les publicités ou les communiqués de presse se remettent en question. Ces nouvelles technologies sonnent-elles la fin des tournages au bout du monde ? Et les budgets (mais aussi les postes) qui se rattachent à la production de contenu vont-ils disparaître ?
La production dans un budget marketing et communication
Pilotage du CRM (et ses nombreux contenus), posts sur les réseaux sociaux qui ne durent que quelques secondes ou grandes campagnes pour vanter les mérites d’une innovation, les possibles de production de contenu grandissent de façon exponentielle et suivent le rythme des ruptures numériques. Et un nouveau canal ne remplace pas l’autre mais vient s’ajouter à ceux qui étaient mobilisés précédemment.
Dans un budget d’entreprise, cette stratification des moyens gonfle les enveloppes budgétaires et oblige à des renoncements ou à des inflations. Pourtant ces budgets sont souvent contraints et constituent des variables d’ajustement en temps de crise. Et tout ce qui est dépensé sur la production de contenu l’est au détriment de sa médiatisation – le nerf de la guerre pour émerger dans une société saturée d’informations.
Repenser et hiérarchiser la valeur des contenus
Pour s’adapter et rester en tête de cette course à la production, on peut repenser le coût de la création. En adaptant l’exigence de qualité au support : un film TV ou un film viral ne nécessitent pas le même rendu. En internalisant une partie des contenus via un studio. En ayant recours à des banques d’images et de vidéos, ou des territoires créatifs moins gourmands en créations ad hoc.
Mais un nouvel arsenal à disposition des entreprises pourrait modifier complètement la donne : avec quelques mots-clés, un logiciel produit des suggestions de textes et d’images qui permettent d’économiser sur les frais de production, voire le coût humain de la communication. Les progrès récents semblent mettre ce rêve d’une automatisation de la production de contenu à portée de chacun…
Pas d’automatisation mais une nouvelle façon de créer
Dans les faits, cette « révolution » s’inscrit dans une démocratisation des outils de production de la communication. Ces dernières années, les chasses gardées techniques des créatifs ont été disruptées par des propositions de valeur qui permettent à chacun de créer un logo en quelques minutes, de faire un montage ou de réaliser des mini-films montés avec un Iphone. La génération intelligente de contenu n’est qu’un pas de plus vers cette accessibilité.
L’arrivée des IA dans la création en communication va brouiller un peu plus les lignes des métiers : des créatifs un peu plus stratèges et des stratèges qui mettent les mains dans le cambouis. Et des zones de friction qui vont apporter un renouveau au produit de communication.
Pourtant, les créatifs et les stratèges sont toujours là – et ce ne sont pas les effectifs qui ont changé mais leur façon de travailler. Dans un monde où l’outil technique n’est plus une barrière, la valeur se recentre sur l’idée créative. Certes, on peut créer n’importe quelle image ou faire écrire n’importe quoi. Mais la barrière de l’accessibilité tombée, celle de l’effectivité reste très haute à franchir. Et derrière l’apparente facilité de la production se cache une expertise qui devient encore plus stratégique.
Des zones de flou et un flottement du sens…
Sur le plan économique, pour le moment, ces expérimentations ne sont pas des marchés, car le business model est encore en construction. Certaines banques d’images se rapprochent de Dall-E (et consorts) pour les intégrer dans leur offre payante, voire hybrider production ad hoc et utilisation du stock photo. Le « tout gratuit » va disparaître et les grandes consolidations sont encore à venir. Et avec elle sans doute une instruction juridique du sujet des droits qui reste encore flou.
Sur le plan sémiotique, l’intelligence artificielle nous invite à une très grande vigilance. Car dans une création publicitaire, nous maîtrisons l’ensemble des signes produits*. En déléguant cette production à une machine, nous abandonnons cette maîtrise et donc potentiellement la force du produit créatif. Pour reprendre le contrôle sur le sens, nous allons de plus en plus devoir nous inspirer du travail que mènent les sémiologues…
* chaque objet est pensé, choisi et placé pour faire sens – c’est ce que Roland Barthes affirme dans « Rhétorique de l’image » (1964) : « En publicité, la signification de l’image est assurément intentionnelle. »