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Depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas en Israël, la guerre dépasse les simples frontières géographiques pour se poursuivre à travers nos écrans. À l’heure où chaque camp s’attelle à persuader qui subit la plus grande injustice, les réseaux sociaux ne peuvent être autre chose qu’un temple de la décontextualisation, des simulacres. Bref de la désinformation.
« La parole a-t-elle encore de la valeur sur les réseaux sociaux ? », me demandais-je il y a quelques mois. Alors que le conflit entre Israël et le Hamas fait rage, je crois que ce sont les images qui, parce qu’elles s’inscrivent dans une guerre de communication, relèguent la vérité au second plan.
Des vidéos humiliantes d’otages, des images de corps déchiquetés, des cadavres qui s’amoncellent sous les bombardements… Ces contenus atroces et insoutenables alimentent le cycle de la violence et de la haine, et sont contraires à la construction d’opinions nuancées, nécessaires au débat. Ce n’est pas surprenant que deux adversaires se livrent à une guerre de communication sur les réseaux sociaux, qui représentent le terrain de jeu idéal pour la désinformation – soit la dissémination délibérée de fausses informations, de contenus trompeurs ou biaisés, à des publics mondiaux dans un laps de temps record – mais à quoi bon relayer ces images ?
Les utilisateurs de Twitter, Facebook & co doivent-ils vraiment devenir les relais de l’horreur qui se déroule au Proche-Orient ? Au risque donc de partager des contenus partiellement erronés voire complètement faux. Non, cessons de liker, commenter, republier tout ce qui a vocation à manipuler l’opinion dans un sens ou dans un autre. Arrêtons de participer à ce spectacle malsain. Surfer sur les réseaux sociaux n’a jamais été aussi anxiogène, où rafraichir une page peut vous mener à visionner les tueries d’un terroriste islamiste en plein Bruxelles sans que vous n’ayez rien demandé. À tomber sur le cadavre d’un enfant bombardé dans la bande de Gaza.
Gare à ce que les réseaux sociaux ne deviennent pas un lieu où le mal se banalise. Je pense aussi aux très jeunes qui voient ces images défiler sur leur écran, quelles seront les conséquences sur le cerveau quand ils grandiront ? « Une image pour nous n’aura pas forcément le même impact que pour les enfants qui eux vont être confrontés directement à leurs peurs […] Ils ne savent pas mettre des mots pour évaluer et débriefer l’information qu’ils ont reçue », explique la psychothérapeute Catherine Verdier pour nos confrères de 20 Minutes.
Plus aucune hiérarchie – ou presque – n’existe sur les réseaux sociaux. Les journalistes professionnels se perdent au milieu des utilisateurs lambda. Rappelons-le, posséder un compte Twitter ne fait pas de vous un expert sur le conflit israélo-palestinien. Tout se mélange, tout se confond. Et tout se commente : la récente polémique entre le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le footballeur Karim Benzema en dit long. À se demander si un jour, quand on est une personnalité connue, ne pas tweeter pour condamner ou exprimer toute sa compassion à propos de tel ou tel événement constituera un délit ? Pour l’heure cela vous donne déjà droit à des éditions spéciales sur les chaînes d’information en continu. On pense ce que l’on veut de l’attitude et de l’engagement d’un footballeur célèbre sur la Toile, là n’est pas la question, mais je m’interroge sur la place que sont en train de prendre dans notre vie les réseaux sociaux. Où tout ce que nous n’avez pas fait ou dit peut vous être reproché.
Une guerre terrible sévit déjà au Proche-Orient. Nous, utilisateurs des réseaux sociaux, ne contribuons pas davantage à une guerre des écrans.