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C’est notre dernier semestre à Audencia et, dans le cadre de notre master, nous avons choisi de nous spécialiser dans le conseil. Durant nos quatre années d’école de commerce, nous avons beaucoup appris sur un phénomène en pleine expansion : la digitalisation. Notre spécialité, le conseil, comprend même un cours dédié à la digitalisation.
De quoi s’agit-il exactement ?
Un monstre en constante évolution qui fait peur aux Français ? Un accélérateur de croissance incontournable à déployer partout ? C’est ce que l’on entend en général, mais voyons ce qu’en pensent ceux qui sont directement concernés.
Commençons par le commencement. L’entreprise Gartner définit la digitalisation comme « l’utilisation des technologies numériques pour modifier un business model et offrir de nouvelles opportunités de chiffres d’affaires et de valeur ajoutée ». À ne pas confondre avec la numérisation qui correspond au « processus de passage de l’analogique au numérique ». La digitalisation va donc plus loin que la numérisation.
Une consultante junior dans un cabinet de conseil* résume ses principales activités ainsi : « analyser les données, effectuer des entretiens et faire des présentations ».
Ainsi, au sein d’un cabinet de conseil, un consultant junior a pour mission principale d’examiner l’entreprise cliente (son environnement, ses challenges, etc.), mais aussi, et surtout, les données qu’elle a transmises. Pour cela, il se déplace souvent chez son client afin de mieux comprendre la situation générale et se faire une idée de sa réalité objective. Il rédige ensuite des rapports qui seront traités par le consultant senior. Comme l’explique la personne interrogée, « les consultants juniors utilisent des outils informatiques classiques qui facilitent leur travail pour l’analyse (Excel) et la présentation (PowerPoint) des données. Autrement dit, ils ont recours à une digitalisation simple ».
En réalité, c’est de numérisation dont il est question ici, plutôt que de digitalisation, et cela impacte ces activités principales. En effet, l’intelligence artificielle est relativement facile à utiliser pour l’analyse de données. Elle peut même être plus efficace, son taux d’erreur étant inférieur à celui des humains. Ainsi, le Machine Learning pourrait être utilisé pour acquérir de meilleures connaissances de façon à améliorer l’IA à chaque itération. C’est ce que permet actuellement cette technologie : reproduire les actions humaines.
Cependant, l’avenir de l’IA est le deep learning et sa finalité n’est pas de reproduire le comportement humain, mais d’être complémentaire au travail de l’homme. En effet, ce dernier ne peut pas être remplacé, car à la différence des machines, il peut ressentir et comprendre les sentiments.
La digitalisation est complémentaire aux actions humaines
C’est ce que notre témoin considère comme l’autre composante principale de son travail : « Je pense vraiment que les consultants juniors et la digitalisation sont et doivent être complémentaires. Une grande part de mon travail consiste à interroger le personnel de l’entreprise cliente. Cela implique de nombreuses interactions sociales et affectives qui ne pourraient pas être remplacées par la digitalisation. Les gens préfèrent se confier à un humain qu’à une machine. Notre rôle est de discuter avec notre client de comprendre le projet qu’il souhaite mettre en place. Nous pourrions certes être remplacés par un chatbot qui s’adapterait aux employés, mais celui-ci passerait à côté d’une partie cruciale d’entretien ». Les machines, et en particulier la digitalisation, ne remplaceront pas le travail de l’homme car elles ne pourront jamais acquérir le même fonctionnement que ces derniers.
Quelle est la valeur ajoutée des cabinets de conseil ? La connaissance, bien sûr, mais aussi une méthode d’analyse. Les missions confiées aux consultants sont toujours assez complexes, car elles touchent à la fois aux personnes et aux processus.
A priori, cela peut difficilement être remplacé par des machines, même en utilisant l’IA. Cependant, la digitalisation peut être efficace pour des tâches simples, telles que l’analyse de données pertinentes, comme le suggère notre témoin. Cela permettrait aux consultants de gagner du temps, qu’ils pourraient consacrer à des aspects plus complexes de leur travail et ainsi gagner en efficacité.
Mais qu’en est-il des consultants juniors, qui doivent effectuer les tâches élémentaires afin d’acquérir des connaissances sur le secteur, les processus et le métier de consultant ? Il faudrait alors redéfinir leur travail afin qu’ils puissent acquérir de l’expérience autrement et leur permettre de devenir confirmés après quelques années. La personne interrogée nous fait part de sa réponse : « Si le travail d’un consultant junior était entièrement remplacé par la digitalisation, ce qui est peu probable, le poste de consultant senior serait lui aussi revu. Les tâches les plus simples de ce dernier seraient assignées au jeune diplômé, ce qui lui dégagerait du temps pour pouvoir gérer son équipe tout en étant présent chez le client. Par ailleurs, les tâches relatives au traitement et à l’analyse des données prendraient une place encore plus importante, ce qui pourrait nécessiter le recrutement de spécialistes des données. Le poste de consultant junior ne disparaîtrait pas, il basculerait vers de nouvelles activités ». Cela tient toujours au fait que les humains ne peuvent être remplacés dans leur humanité et dans leur compréhension mutuelle.
L’impact de la digitalisation sur les cabinets de conseil
Ainsi, la digitalisation a un impact considérable sur la politique de ressources humaines des cabinets de conseil. Le recrutement constitue un premier enjeu. Quel type de profil embaucher ? Pour quel type de tâches ? Des jeunes diplômés issus d’écoles de commerce et spécialisés en conseil ? Ou bien des jeunes diplômés issus d’écoles d’ingénieurs, capables de travailler avec les technologies de pointe ? Les cabinets de conseil doivent définir leurs besoins pour avoir une politique de recrutement efficace et pertinente. Selon la consultante interrogée, les cabinets de conseil pourraient bientôt avoir besoin de recruter des analystes de données issus d’écoles d’ingénieurs.
C’est un point clé de la définition de leur politique RH. Dans quelle mesure souhaitent-ils associer les hommes et les machines ? Comment ? À partir de ces réponses, ils pourraient améliorer le bien-être de leurs collaborateurs qui ne se sentiraient plus menacés.
* Pour des raisons de confidentialité, le nom du cabinet de conseil n’est pas mentionné.
Claire-de-Saint-Quentin
Étudiante Audencia Business School