Le selfcare est le nouveau management

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Romuald Prader, étudiant Audencia Grande Ecole

Par Agathe Allué et Romuald Prader, étudiants Audencia Grande École, dans le cadre du concours des meilleures copies étudiantes de la business school nantaise.

Seul le management par le care est envisageable. L’expression « caring management » devrait être un pléonasme : pour donner le meilleur d’elle-même, une personne a besoin d’empathie et de reconnaissance.

Voilà le diagnostic établi par le docteur Philippe Rodet. Il explique de manière scientifique que les humains sont régulés par leurs émotions, qui sont au cœur de toutes leurs activités. Nous devons donc prendre soin d’eux pour obtenir des résultats. C’est aussi simple que cela. Nous pourrions très bien nous en tenir à cette déclaration, la considérer comme une découverte scientifique. Nous pourrions nous dire que le caring management n’est pas une innovation, une « technique » managériale utilisée avec succès, mais plutôt la continuité logique dans une société moderne qui place l’homme au centre de ses préoccupations – et donc, que toute autre forme de management est à proscrire.

Le caring management est-il l’idéal à atteindre afin que tous les collaborateurs puissent aller travailler heureux et performants ? N’est-ce pas un peu utopique ?

Le caring management : mode ou idéal ?

Le caring management est une technique managériale très populaire qui consiste à booster l’engagement des collaborateurs de manière positive, c’est-à-dire en réduisant leur stress. Le manager donne donc du sens au travail de ses collaborateurs à travers le comportement qu’il adopte avec eux. Empathie, confiance, reconnaissance et proximité en sont quelques caractéristiques. Il s’agit d’une sorte de management « bienveillant » qui augmenterait directement la capacité productive des personnes. Un management qui rime avec bonheur.

Pour en savoir plus sur la réalité de cette tendance dans un cabinet de conseil, nous avons échangé avec Lucas Gentric, manager chez HumanCraft, qui nous a partagé son expérience chez SII, cabinet de conseil en informatique où il encadrait jusqu’à 60 consultants.

Lorsque nous avons demandé à Lucas s’il appliquait le caring management, il rejoignait la théorie du Dr Rodet : il n’y a pas d’autre moyen de gérer que de manière bienveillante. Pour lui, indispensable de laisser ses équipes travailler en autonomie et de leur faire confiance. Pour Lucas Gentric, il s’agit simplement de management humain. Il pense que l’expression « caring management » est avant tout une mode, une image marketing utilisée par les cabinets de conseil pour attirer les talents. En effet, quoi de mieux qu’un cabinet qui nous promet de l’argent et du bonheur ? « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’argent. » Un joli conte de fée.

Le caring management, une affaire de subjectivité, une variable insaisissable

Pour Lucas, c’est une réalité qu’il appelle le management de proximité : pas au sens de surveillance ou de micro-management, mais au sens de « disponibilité ». Le manager apparaît alors comme celui qui travaille pour ses collaborateurs afin que les projets avancent. Celui qui contribue au but final. Sorte de Jésus capitaliste !

Ce type de management est basé uniquement sur l’interaction humaine entre le manager et son équipe. Il s’agit d’une variable, d’un facteur incertain qui peut fluctuer en fonction de différents paramètres difficiles à maîtriser, tels que l’humeur du manager ou sa personnalité. Une dimension subjective, donc, qui dépend non seulement de la personnalité du manager, mais également de l’état d’esprit et de la constitution cérébrale des consultants (le terme « caring » peut recouvrir des réalités différentes). N’est-ce pas un peu dangereux de baser la viabilité économique d’une société sur un management aussi imprévisible et immatériel ? Devrions-nous considérer le caring management comme un bonus, ou fait-il partie d’une véritable culture d’entreprise ?

La personnalité du manager est en partie innée, mais son humeur peut varier en fonction de la structure dans laquelle il évolue.

Un lien entre taille et care ?

Agathe Allue
Agathe Allué

Lucas le dit bien : si son management est de nature aimable et douce, c’est parce que la structure des sociétés où il a travaillé lui a permis de le faire. Ce type de management est souvent peu compatible avec les cabinets de conseil motivés par-dessus tout par les chiffres. Lucas mentionne un grand cabinet de chasseurs de têtes qui « a atteint une telle taille que les collaborateurs sont dans une course aux résultats, quels que soient ceux qui réussissent ou qui échouent. Lorsque vous êtes dans cette logique, il ne peut plus y avoir de bienveillance généralisée. D’un point de vue managérial, c’est la guerre. C’est à vous de gérer : si vous êtes un bon élément, c’est super, mais si vous n’êtes pas un bon élément, on vous le fait comprendre et vous êtes sous pression ».

  • Y a-t-il incompatibilité entre un grand cabinet et le caring management ?
  • Plus largement, pour faire de l’argent, un cabinet doit-il à un moment donné oublier le bien-être de ses collaborateurs ?
  • Puisque les cabinets de conseil évoluent dans un marché de plus en plus concurrentiel, le caring management est-il voué à disparaître ?

Nous devons faire la distinction entre la taille d’une société et sa structure. Il existe deux façons de faire de l’argent, soit par le volume (qui garantit une croissance rapide, mais pas la viabilité), soit par la qualité du service. Dans le second cas, la croissance est plus lente, mais plus intelligente, c’est-à-dire plus pérenne et structurée dans le temps. Les services des consultants sont moins nombreux et plus qualitatifs. Le caring management est donc directement lié à la taille, mais n’y est pas nécessairement soumis. « J’ai connu des petites entreprises qui avaient une logique de rapidité. Dès que vous êtes dans cette perspective, vous laissez le care de côté. »

Une bienveillance qui peut brûler les doigts : un équilibre fragile à maintenir

Le caring management implique souvent de s’appeler par son prénom (être familier avec les autres), mais également de la sympathie, de la gentillesse, de la douceur, ce qui peut facilement être confondu avec l’amitié. Les relations sont plus détendues, ce qui maintient une ambivalence floue entre les relations professionnelles et privées. Chaque consultant est émotionnellement investi dans son travail et dans ses relations, ce qui rend chaque reproche d’autant plus personnel et blessant. Il devient difficile de prendre du recul. Privilégier l’affect peut entraîner certaines dérives : certains consultants se sentiront exclus du groupe, un peu comme des enfants dans la cour de récréation.

En fin de compte, tout dépend du manager, la clé de voûte de l’équipe. D’où l’importance de les former également dans la mesure du possible.

En fin de compte, chaque cabinet de conseil doit s’y mettre

Le caring management devient progressivement une norme dans les cabinets de conseil, ou plutôt une obligation. Il devient de plus en plus difficile d’attirer des talents en raison du marché tendu (surtout dans l’informatique), on doit savoir comment les garder, et le salaire n’est plus un argument suffisant.

Cette réflexion nous amène à repenser le monde du conseil, qui est souvent précurseur de toutes les tendances en termes de management, car il donne l’exemple. Une tendance en devenir est celle de l’entreprise libérée, où chaque collaborateur sera libre d’occuper la place qu’il désire avoir et ainsi construire l’ADN de l’entreprise.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.