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LE PERSONNAGE
Luc Ferry. Je suis toujours étonné de voir mon ami s’acharner à condamner dans des tribunes et sur d’autres plateaux la psychologie positive et le développement personnel dont il pense qu’ils sont l’une des causes qui menacent l’Occident. Il y voit le ferment de déconstruction de tout ce qui ressemble à un effort collectif. Il appuie son raisonnement sur un livre, celui de Fabrice Midal, un philosophe français spécialiste du bouddhisme qui nous invite à devenir narcissique à travers le bien nommé Devenez narcissique, chez Flammarion. Cette injonction est devenue le leitmotiv de notre temps. Je trouve qu’il y va « un peu fort », dans le genre amalgame. Ignorer tous les ouvrages labellisés optimisme, à l’instar de ceux de Matthieu Ricard ou de Charles Pépin, eux qui se refusent à l’optimisme béat au profit de l’optimisme lucide que nous revendiquons au sein du Printemps de l’Optimisme au nom des valeurs positives, me semble abusif de la part de Luc. Le débat n’est pas nouveau entre bonheur et optimisme. Ferry confond promesses exagérées, celles-là mêmes que nous fustigeons depuis dix ans au Printemps, qui sont des balivernes, avec le travail des autres, le travail en commun, le moinous. Je veux rappeler que l’inventeur majeur de la psychologie positive, Martin Seligman, celui-là même que dénonce Luc Ferry, a montré à travers une étude menée avec ses étudiants de Pennsylvanie que depuis la nuit des temps les grandes valeurs et les caractères d’une vie meilleure se nomment sagesse, courage, humanité, justice, tempérance et transcendance. Autant de valeurs clés qui, je pense, ont de quoi réconcilier Luc Ferry avec la psychologie positive.
TROIS LIVRES
Le premier est signé André Comte-Sponville, il s’intitule La clé des champs et autresimpromptus (chez PUF). Comte-Sponville tient une place à part dans toute la panoplie des écrivains qui me sont chers. On se souvient de cette maxime sur le présentéisme : « Il ne sert à rien d’espérer pour demain sans profiter de ce que l’on a aujourd’hui. » Son livre tranche par rapport à ce présentéisme-ci parce qu’il porte sur des sujets sombres ou douloureux, du pessimisme au handicap, du suicide à l’euthanasie. Il espère qu’ils ne sont pas cause de tristesse, mais qu’ils feront accepter dans toutes nos vies chagrin et détresse au nom de cette idée qui nous est chère, la vie est belle à proportion qu’elle est féroce. « C’est la joie qui est bonne, d’autant plus méritoire et belle qu’elle est souvent difficile. »
Dans La nouvelle peur des autres, trac, timidité et phobie sociale, paru chez Odile Jacob, le trio de l’optimisme Christophe André, Patrice Légeron et Antoine Pélissolo montre que la peur des autres se révèle aujourd’hui plus fréquente et plus douloureuse que jamais, sans doute parce que le télétravail et le virtuel ont poussé les plus fragiles à se replier derrière leurs écrans et à réduire leurs interactions avec l’extérieur. Ils démontent les mécanismes de peur par le travail sur soi pour réussir peu à peu à s’en libérer. La peur nous rassemble, fait lien. Avoir les mêmes peurs, ce qui touche nos proches, existe dans nos vies. Il est sain de décortiquer pour tourner autour, travailler sur nous-mêmes et désamorcer ces peurs une fois pour toutes.
Le dernier livre est signé par le duo Bénédicte Bouillot et Christof Betschart, il a pour titre Éveille-toi mon âme, introduction à la philosophie d’Edith Stein, publié chez Desclée de Brouwer. Il est question du rapport à l’âme, religieuse pour les croyants, entrée curieusement dans nos conversations civiles. On « s’engage corps et âme », on évoque son « âme soeur » et l’on finit par « rendre l’âme », ce qui montre bien que cette âme-ci est ancrée dans notre culture. Nos auteurs professent que l’on ne peut réduire l’esprit à la raison ou à l’intellect en oubliant ou en refusant l’âme au risque de perdre une part notable de la vie humaine. Ils en arrivent à la communication en soulignant qu’à travers le geste, la démarche, l’allure, le visage, le regard nous incarnons des états d’âme, des traits de caractère, une manière singulière d’être, comme si l’âme sentait beaucoup de choses, non directement exprimées. Tout n’est pas explicable. Libre à nous de croire ou ne pas croire.