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Alors que les USA nous jouent un remake de 1984 et Fahrenheit 451 (tous les deux à relire d’urgence) en oblitérant la réalité à leur guise, les entreprises se rangent derrière l’injonction politique et modifient profondément notre monde. Le golfe du Mexique est renommé sur les cartes, le mois des fiertés disparaît des agendas et une grande partie des marques fait disparaître de son activité toutes les actions liées à la diversité ou à la lutte contre le changement climatique. Comme le rouge ou les claquettes-chaussettes, l’écologie et la lutte contre les discriminations étaient-elles des tendances pour les marques ?
Une tendance, c’est la création d’un phénomène nouveau par la mise en relation d’objets et d’idées qui n’étaient pas connectées en vue de sa communication. À ce titre, la mode réinvente en permanence sa grammaire en proposant à chaque collection des assemblages inédits de tissus, de formes ou de couleurs et en les parant de signes décryptés par les éditorialistes de toute la presse magazine. Ce signe ainsi créé est caractérisé par son empreinte éphémère : il peut soit tomber dans l’oubli et être remplacé par de nouveaux assemblages originaux (c’est le cas majoritairement dans la mode), soit être tellement partagé et propagé qu’il devient une norme (c’est le cas du jean ou des Converse).
Dans le cas qui nous intéresse, l’environnement ou les discriminations, on aurait pu pencher pour une mise en norme de ces notions qui ont connu leurs débuts dans la deuxième moitié du XXe siècle. La lutte contre le réchauffement climatique, dès les années 80, ce sont des marginaux qui décident de vivre en autarcie et de limiter leur impact en marge du système de consommation. Quarante années plus tard, la tendance s’est propagée pour devenir une norme sociale et un argument consumériste : consommez-moi pour polluer moins. Même histoire pour les minorités qui ont toutes connu des moments de luttes avant d’être placées au cœur des politiques d’entreprise, voire au cœur des business models de certaines marques.
Alors que signifie le revirement de ces derniers mois ? Derrière toute tendance se cache une contre-tendance. En effet, la tendance peut produire des phénomènes de reproduction (c’est son modèle dominant de diffusion) mais aussi des phénomènes de contradiction. Dès lors, des groupes apparaissent qui s’inscrivent en faux car la tendance est d’abord un instrument qui nous permet de nous définir en tant qu’individus et de nous ancrer dans un hic et nunc de la société contemporaine.
Si le comportement normatif tend vers la lutte climatique ou la protection de la différence, la tendance crée son mouvement d’opposition. Et ce à quoi on assiste aux États-Unis (mais avec un effet de contagion possible), c’est la bascule du modèle dominant normatif : le courant principal se retrouve en minorité et la minorité idéologique prend le pouvoir.
La première conséquence, c’est l’effet girouette : les marques qui retournent leur veste sont démasquées : elles n’étaient pas vraiment engagées et leurs initiatives étaient cosmétiques, au nom de la conformité à une norme sociale établie. Dont acte, le consommateur les connaît et peut décider de ne plus les acheter pour des raisons idéologiques – Elon Musk voit la capitalisation de Tesla baisser de centaines de milliards d’euros. Et l’autre conséquence – que je vois comme une opportunité – c’est la capacité pour les marques à faire de ces mêmes sujets de vraies batailles de revendication. Ce n’est plus consensuel de se battre pour le climat. Dès lors, toute marque qui choisit ce champ d’expression devient différente, puissante, assertive…
En résumé, marketeurs et communicants, ne suivez pas le modèle dominant, prenez les armes et montrez aux gens que vos marques ne choisissent pas ces combats que quand ça les arrange !