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Nouveau renoncement à Bruxelles. Jeudi 16 novembre, la Commission européenne, puisque les États membres ne sont pas parvenus à se mettre d’accord, a annoncé la réhomologation du glyphosate – herbicide de la discorde – jusqu’en 2033.
« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », disaient notamment Pasqua et Chirac. Une maxime qui vit son apogée à l’heure de la présidence du pays par Emmanuel Macron. « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. #MakeOurPlanetGreatAgain », lançait le chef de l’État en novembre 2017 sur Twitter (désormais X). Six ans plus tard, en s’abstenant (ce qui revient à voter contre l’interdiction du glyphosate), la France rétropédale. « Une trahison, sans surprise », dénoncent les ONG Foodwatch et Générations futures.
Résultat, le glyphosate est de nouveau autorisé pour dix ans en Europe. Tant pis pour la biodiversité et tant pis pour la santé humaine. Est-ce bien de cet herbicide classé dès 2015 « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dont nous parlons ? Est-ce bien de cet herbicide qui « semble présenter » des propriétés de perturbation endocrine (selon l’Inserm) qui vient d’être autorisé encore dix ans ? N’est-ce pas le glyphosate qui est mis en cause par la Commission d’indemnisation des enfants victimes d’une exposition prénatale aux pesticides, laquelle établit pour la première fois en France, un lien de causalité entre malformations et exposition prénatale au glyphosate ?
Ce jeudi 16 novembre, l’Europe a fermé les yeux sur la perte de biodiversité. Le problème n’est pas le glyphosate en soi, mais son mélange avec d’autres co-formulants. « Des expériences sur les grenouilles l’ont démontré. En pulvérisant sur des spécimens les doses autorisées dans les champs, comme un tracteur pourrait le faire, un très haut taux de mortalité était observé. Non pas à cause du simple glyphosate, mais de tous les co-formulants auxquels il est mélangé », explique Martin Dermine, de Pesticide Action Network Europe (PAN Europe).
L’Europe, et la France au premier chef, a fait montre d’un criant manque de courage la semaine dernière. Reléguant à l’arrière-plan un principe de précaution qui, dans ce cas précis, reste encore le bienvenu. Au gouvernement, on se défend comme on peut : la France « n’est pas contre le principe du renouvellement » du glyphosate, explique-t-on au cabinet du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, mais elle « veut réduire rapidement son usage ». Sur le glyphosate, comme nombre de sujets d’ailleurs, le en même temps ne mène nulle part. Le temps perdu ne se rattrape pas.
Surtout, les Vingt-Sept, ont préféré se ranger du côté des lobbys de l’agrochimie. Souvenez-nous du Luxembourg, qui avait interdit le glyphosate, et qui n’avait pas eu d’autre choix que de faire machine arrière en avril après avoir perdu son procès face à Bayer. « Ce retrait n’était basé sur aucun élément scientifique ou réglementaire incriminant le glyphosate ou les produits basés sur cette substance », se réjouissait le géant de l’agrochimie. Le combat sera long, alors ne tergiversons pas.
Cette bataille ne doit pas se faire contre mais avec les agriculteurs. Pas d’interdiction sans solution, évidemment. « On peut trouver d’autres solutions, ce (l’utilisation du glyphosate, ndlr) n’est pas indispensable », estime Paul-Emmanuel Boulai, agriculteur en bio, en polyculture et élevage de porcs en plein air, et porte-parole de la Confédération paysanne de Loir-et-Cher. Une agriculture sans glyphosate est non seulement possible, mais elle existe déjà. Nombre d’agriculteurs ont renoncé à son utilisation, notamment en agriculture biologique, dont le cahier des charges proscrit l’utilisation des pesticides de synthèse.
« Il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place des politiques publiques fortes pour soutenir et accompagner les agriculteurs et agricultrices vers la sortie du glyphosate. Celle-ci doit aller de pair avec une transformation profonde de nos systèmes agricole et alimentaire afin de ne plus dépendre des intrants chimiques », plaide Ariane Malleret, de Greenpeace France. De la volonté politique donc et un peu de courage pour accompagner la transition de notre agriculture. Vital pour la biodiversité. Vital pour nous.