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Ergomanie, workaholisme, boulomanie, voilà différents mots pour parler d’un seul et même constat : une dépendance accrue au travail.
Chaque semaine, nous mettons à l’honneur un concept, une expression, une théorie, un jargon… directement lié à notre quotidien : la vie de bureau ! Zoom sur l’ergomanie…
En effet, l’ergomanie est un trouble du comportement émergent dans le monde professionnel. Il se manifeste par une grande obsession pour le travail, souvent au détriment de la santé et de l’équilibre personnel. Ce phénomène, qui peut conduire à un burn out sévère, est aujourd’hui au cœur des préoccupations des sociologues et des professionnels de la santé.
Danièle Linhart, sociologue et directrice de recherche émérite au CNRS, offre alors au micro de France Inter, une perspective éclairante sur cette condition. Dans ses travaux, notamment dans son livre primé La comédie humaine du travail, elle décrit l’ergomanie comme une forme d’addiction où le travail devient une échappatoire à des souffrances personnelles ou à des pressions externes. « L’ergomanie n’est pas simplement un excès de conscience professionnelle, mais un trouble pathologique où le travail remplace une vie personnelle vide ou insatisfaisante », explique-t-elle.
Le fruit de transformations managériales…
Le phénomène s’explique en partie par les transformations du management depuis les années 1990. L’ère de l’individualisation intense au travail a modifié la relation entre les salariés et leur environnement professionnel. Autrefois, les employés bénéficiaient de collectifs solides et de soutiens mutuels ; aujourd’hui, la compétition individuelle et les évaluations personnalisées sont la norme. Cette évolution favorise alors une forme de pression constante pour atteindre l’excellence, souvent encouragée par des objectifs de performance et des primes personnalisées.
Pour la sociologue, l’ergomanie est en partie nourrie par une stratégie de management qui exploite les dimensions narcissiques des individus. Les encouragements à démontrer ses capacités et à se révéler à travers le travail renforcent cette dépendance. « On demande aux individus de s’investir pleinement, parfois au détriment de leur bien-être personnel, en les incitant à se prouver eux-mêmes à travers leurs performances professionnelles ».
Ainsi, l’ergomanie reflète une dérive inquiétante dans le monde du travail moderne, où l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est souvent sacrifié sur l’autel de la performance et de l’individualisme. Pour prévenir ce trouble, il est donc crucial de repenser les pratiques managériales.
… mais pas seulement
Il faut tout de même préciser que l’ergomanie ne découle pas nécessairement que de l’envie de se dépasser et d’atteindre des objectifs professionnels concrets. Beaucoup pourraient se considérer accros au travail pour une raison bien plus universelle : la volonté de gagner toujours plus d’argent. A l’heure ou remplir son frigo et faire son plein d’essence régulièrement devient un luxe pour une partie de la population française. Certains pour s’en sortir ont plusieurs jobs. Avec une amplitude horaire chaotique et un investissement parfois maladif, ces individus cochent pourtant toutes les cases de l’ergomanie.
Ainsi, ce qu’on peut tout de même vous préconiser : réfléchir à deux fois lorsque vous lirez vos mails un dimanche ou que vous resterez au bureau deux heures de plus chaque soir. Votre santé reste la priorité.