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Diviser pour mieux régner ?
La réussite d’une bonne délégation reviendrait à clarifier les contours d’une nouvelle relation entre manager et managé. Un effort conjoint sans limites ?
Déléguer, c’est grandir. Les experts RH affirment de concert que la délégation est un acte managérial de base qui permet au dirigeant ou au manager de sortir la tête du guidon, de se pencher sur les tâches à haute valeur ajoutée et de cultiver une vision long terme et stratégique de son activité tout en faisant grandir les salariés. Pourquoi la théorie se frictionne-t-elle donc autant avec les faits ?
Blocages circonstanciels et psychologiques
Les achoppements qui parfois ralentissent le processus sont nombreux. La faute parfois au manager. Stéphanie Roels, coach chez Elysée Consulting, précise : « Souvent, il s’agit d’un problème de confiance ou de temps. Le manager peut estimer qu’il peut faire mieux et plus vite. Parfois, il peut s’agir d’un besoin excessif de contrôle. Et dans d’autres cas, le manager a une posture de protecteur et craint de surcharger ou d’imposer une pression supplémentaire. Dans tous les cas, la délégation nécessite une planification claire voire une montée en compétences ».
Aussi, le fait de déléguer ne signifie pas abandonner une responsabilité ni octroyer tous azimuts de nouvelles responsabilités mais redessiner un rapport entre un manager et son (ses) équipe(s).
Si un premier travail sur la posture du dirigeant semble essentiel, il faut s’assurer que chacun demeure a sa place et apporte de la valeur ajoutée sur le périmètre auquel correspond initialement sa fonction. Déléguer est un processus qui permet de confier et de vérifier. Ainsi, la délégation doit-elle avant tout répondre à un enjeu pragmatique : comment confier pour se recentrer, à une personne qui ait le potentiel d’accomplir une nouvelle mission ? « Le recrutement ou le choix de la personne est souvent fait rapidement, pourtant c’est la base de la délégation », ajoute Stéphanie Roels. Et Jean-Pierre Henry, professeur affilié ICN Business School, président de l’association des Coachs professionnels ICN Business School, président de STAN Institute d’ajouter : « La délégation est une méthode de management à envisager au cas par cas. Au sein d’une même structure, un jeune manager peut s’épanouir dans une grande liberté de manœuvre tandis que d’autres profils juniors nécessiteront d’être guidés et d’avoir des feedbacks récurrents. Dit autrement, certains profils performeront dans une approche de type de libérée tandis que d’autres auront besoin d’un planning ».
Tout déléguer ? A quel prix ?
L’une des principales limites dans la délégation revient à ne pas clarifier ce qui va être délégué. Si tout peut être délégué d’un point de vue opérationnel, « le manque de clarté sur un objectif, les missions, les délais, peuvent donner raison au manager qui ne délègue pas parce que cela ne marche pas… Tout doit être discuté », alerte Stéphanie Roels. Jean-Pierre Henry analyse : « C’est de la préparation entre les parties pour se mettre d’accord sur la voie à prendre que dépend la qualité de la délégation. Ensuite doit s’engager une logique de dialogue et d’écoute mutuelle. Car l’échec de la délégation est un tort partagé qui peut être dépassé par le dialogue ouvert ».
Ne sous-estimons pas non plus la motivation du salarié, car la prise de responsabilité est souvent vécue comme une prise de risque et une charge de travail supplémentaire. « Une fois le délégateur motivé, il faut mettre en place une méthode avec des points incontournables qui donnent du sens et un contexte, un cadre à la mission confiée. Surtout il faut rassurer le délégataire sur les moyens qui lui sont alloués pour réussir. Trop souvent, beaucoup de patrons considèrent qu’une passation de dossier un peu floue suffira. Mais c’est souvent la meilleure manière d’échouer. Cadrer et éviter les petites dérives permettent aux deux parties prenantes de gagner en confiance », note Jean-Yves David, Mentoris, franchisé Action Coach, premier réseau mondial de coaching d’entreprise, qui accompagne surtout des TPE et petites PME.
Vous l’aurez compris. Déléguer ne se fait ni à la va-vite, ni à la légère, et exige de dessiner précisément les contours de la relation entre le manager et le managé, le temps d’un nouveau projet ou d’une nouvelle prise de responsabilité. « Si tout peut être délégué exception faite de la stratégie de l’entreprise, ce procédé ne concerne que des tâches ponctuelles. J’accompagne de nombreuses entreprises qui font le bond de 10 à 30 employés. La délégation est essentielle lors de cette phase de croissance. Mais lorsqu’il est question de croissance, les sujets de l’intrapreneuriat ou d’entreprise libérée, sont davantage une question de structure d’entreprise. Et non pas de délégation managériale. Je coache certains dirigeants pour que les entreprises tournent sans eux. Si les méthodes s’apparentent à celle de la délégation, nous sommes dans une dynamique plus complexe que celle de la simple délégation », conclut Jean-Yves David.
Geoffroy Framery