Réseaux sociaux et recherche d’emploi

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Stéphane Dahan reçoit cinquante demandes par jour de contact direct via les réseaux sociaux. Ce recruteur d’ingénieurs pour le compte d’Alten présent sur Viadeo ou LinkedIn apprécie la démarche. « J’ai accès au CV du candidat, lui au mien. Il peut savoir qui je suis. Ce contact autorise de rentrer dans une relation d’égal à égal, sans cette posture d’évaluation. » Et de cet accès direct, Stéphane Dahan en a besoin pour boucler les quelque 4 000 embauches prévues en 2019. Un tiers des recrutements sont issus des réseaux sociaux. « Cette population d’ingénieurs est plutôt consommatrice de ces canaux de mise en relation », estime le recruteur de ce poids lourd en ingénierie et conseils en technologies. En 2018, 1 000 ingénieurs ont été ainsi recrutés via LinkedIn.
Mais Alten ne reflète en rien la réalité du marché. Aussi surprenant que ça puisse paraître, « seuls 14 % des utilisateurs des réseaux sociaux en général utilisent/construisent leur communauté sociale dans le but d’aider leur carrière, pour trouver un emploi… Même si 42 % pensent que c’est un réel avantage. » C’est LinkedIn, le réseau social américain, fort de 610 millions de membres dans le monde et 17 millions en France, avec une embauche toutes les huit secondes, qui le dit dans une étude diffusée à l’occasion de sa campagne de communication numérique, conduite de la mi-mars à ce début mai.

Rapport de force inversé

Les entreprises peinent à recruter aujourd’hui. Et c’est tout particulièrement le cas pour les cadres, mais aussi pour les carrossiers automobile, les géomètres, les couvreurs, les charpentiers, les aides à domicile, les agents qualifiés de traitement thermique et de surface (cf l’édition 2019 des Besoins en main d’œuvre publiée par Pôle Emploi). « Le marché est frappé par un vrai souci d’adéquation entre l’offre et la demande, constate Flavien Chantrel, responsable éditorial chez HelloWork (qui regroupe notamment ParisJob et RégionsJob). On peut avoir des postes, mais les compétences à mettre en face font parfois défaut. Les recruteurs ne vont pas attendre la venue des candidats sur leur site, d’autant qu’ils ont besoin d’en avoir deux ou trois qualifiés », autrement dit qui « matchent » vraiment avec le poste à pourvoir. Les entreprises ont aujourd’hui davantage recours aux réseaux sociaux pour trouver la perle rare que l’inverse. Et Flavien Chantrel de rappeler la loi de Vilfredo Pareto, économiste italien du début du xxe siècle : « 80 % des efforts des recruteurs se concentrent sur 20 % de leurs recrutements. Ils utilisent de plus en plus d’outils pour mener à bien leur tâche, mais si le candidat rentre par la fenêtre – un contact avec le recruteur en direct – il risque de les déranger. Le risque de polluer le travail du recruteur. Les réseaux sociaux doivent être utilisés avant tout pour se renseigner sur un poste, sur l’ambiance dans l’entreprise. »

Tripadvisor de l’emploi

Les gens se renseignent beaucoup avant de choisir un hôtel, ils font de même avant de candidater, tout comme les recruteurs avant d’avancer dans le processus de recrutement. Selon la dernière étude d’HelloWork, parue en décembre 2018, ils sont ainsi 82 % côté candidats et 83 % côté recruteurs à le faire. « Ils vont se documenter pour obtenir une vue inside, commente Julien Nique, directeur marketing chez Cadremploi, pour s’assurer que l’entreprise est bien en phase avec leurs priorités. Et les collaborateurs manifestent une vraie velléité de partager la réalité de ce qui se passe – conditions de travail, développement du télétravail… –, le tout sans filtre. Mais, ce n’est en rien un défouloir non plus. » En un an, la plate-forme de Cadremploi a recueilli 1,1 million d’avis supplémentaires sur « l’expérience salarié » pour atteindre les quelque 7,1 millions de contributions.
Cette ouverture vers l’extérieur s’opère via le truchement de plates-formes dédiées ou, pour reprendre le cas d’Alten, sur un canal interne, mais aussi sur Facebook, YouTube pour porter la marque employeur au-delà. « Les usages ont explosé, souligne Flavien Chantrel, avec la logique du double écran. Le trafic sur le mobile dépasse maintenant celui à partir de l’ordinateur fixe. Il y a trois ou quatre ans, c’était l’inverse. On veut postuler comme on commande à manger. Une démarche qui perd un peu de son cérémonial, mais qui ne veut en rien dire que les candidats ont moins envie d’y aller. »

Murielle Wolski

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