Où sont les irréductibles babas ?

"La misère serait-elle moins pénible au soleil?"

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En quête du politiquement zen

Plusieurs décennies après l’âge d’or des «babas cool», des hippies du 21e siècle peuplent toujours l’Hexagone, ça et là. Mais qui sont aujourd’hui ces individus singuliers en rupture avec leur temps ?

A quelques kilomètres de la commune de Boulc, dans la Drôme, sur les pentes raides des montagnes dioises, ils sont une cinquantaine, hommes, femmes et enfants. Les cheveux sont courts, les traces de modernité prégnantes. Il subsiste pourtant un parfum d’années 70 au sein de cette communauté d’un nouveau genre. Les termes «baba-cools» ou «hippies» sont plus volontiers remplacés par «néo-ruraux» ou «décroissants» pour les décrire. Ils semblent se définir comme des amoureux de la nature. Les voitures réparties dans l’herbe abîmée – parfois des 4×4 du siècle dernier – n’ont pourtant rien d’écologique. En guise de logements, d’étranges constructions mêlant parpaings, planches et tôle récupérées, dressées dans la boue, dénotent dans l’harmonie de la région faite de pierre et de bois. « Pourquoi ils sont là ? Qu’est-ce qu’ils veulent ? Franchement, on n’en sait rien. En tout cas, ils ne viennent pas d’ici », confient quelques riverains de toujours en fronçant les sourcils. Les plaques d’immatriculation de leurs véhicules, toutes différentes du «26», le numéro départemental de la Drôme, le confirment.

Hétérogénéité entre les “babas”, les néo-ruraux et les hippies

Souvent assimilées à une même population «néo-babas», ces communautés s’apparentent en réalité à des groupes hétérogènes quant à leurs attentes, leurs convictions, leurs contradictions. De l’autre côté du sud de l’Hexagone, dans l’Ariège, autour de la commune de Massat, les flancs de montagne sont peuplés de «hippies» ou «néo-ruraux», selon les qualificatifs employés au fil des décennies. Depuis la disparition des paysans à la fin des années 1960 et l’impossibilité de mécaniser cette terre en vue de l’exploiter sur un plan agricole, le territoire s’est mué en espace où les rêves écologistes deviennent réalité. Ici, on vit en famille, entre amis, au milieu de jardins partagés, loin des technologies et des symboles de l’industrie. Le Maxil, bar-restaurant voisin, est devenu avec les années le QG de cette population. C’est un enfant de néo-ruraux qui l’a racheté et qui en est aujourd’hui le patron. L’occasion pour lui de faire travailler les maraîchers et producteurs du coin, car l’autogestion et le fonctionnement en circuit court prennent ici une dimension sacrée.

L’engagement au cœur des forêts

Il y a aussi ceux dont le positionnement politique est bien plus marqué, à l’image des zadistes, toujours aux prises avec les forces de l’ordre sur le fameux site de Notre-Dame-des-Landes. Bien sûr, parmi les 250 individus présents depuis plusieurs années figurent des agriculteurs historiques du bocage nantais, parfois éleveurs depuis plusieurs générations et propriétaires d’une partie des terres occupées. Mais d’autres sont des «néo-ruraux» en provenance de villes quelquefois lointaines, et souvent militants altermondialistes, écologistes ou anticapitalistes.

En matière d’âge et d’origine sociale, c’est le grand écart. De la bouche même des zadistes, ils ont connu « la prison ou la rue pour certains, tandis que d’autres ont essuyé les bancs de l’EHESS ou de Polytechnique ». On y croise ainsi Céline, ingénieur agronome de formation. Elle voit dans la ZAD une opportunité « d’incarner une autre forme de vie, un moyen d’accéder à la terre pour y développer une autre agriculture, loin des valeurs de l’économie marchande ». On y rencontre aussi Benjamin, issu de Sciences-Po, qui a été séduit par la possibilité de croire en un mode de vie alternatif, « sans contrepartie de loyer ou monétaire quelconque ».

Plus au sud, dans l’est de l’Ardèche, d’autres personnes ont élu domicile dans la nature. Ils sont souvent trentenaires avec enfants en bas âge. Sans poste de télévision, et pas toujours avec téléphone portable, ils forment des porte-drapeaux d’une critique radicale de la société de consommation, de Saint-Vincent-de-Durfort à Dunière-sur-Eyrieux en passant par Les Ollières-sur-Eyrieux. Même s’ils n’arborent ni slogan ni banderole, ils croient eux aussi à des alternatives où la fabrication de miel, les cultures maraîchères et les élevages de poules, d’oies, de canards et de cochons trouvent toute leur place. Aux dernières élections présidentielles, certains ont voté, d’autres non. Non pas par désintérêt, mais parce que se reconnaître dans l’offre politique du moment se résumait à une mission impossible.

Mathieu Neu

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