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La banlieue et le Sud en odeur de sainteté ?
A l’exception de quelques grandes villes, les agglomérations françaises de plus de 50 000 habitants voient leur cœur se vider lentement mais sûrement de leur population.
Pour les salariés français, les déplacements quotidiens domicile-lieu de travail durent en moyenne 50 minutes. C’est dix minutes de plus qu’en 1998, indique la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). En Île-de-France, la durée monte même à 68 minutes par jour. Une évolution qui semble plutôt logique dans un contexte de désertification lente mais certaine des centres-villes.
Selon une étude de 2015 de l’Insee sur «la démographie des territoires depuis 30 ans», on constate que les zones périurbaines gagnent aussi bien en superficie qu’en population, au détriment des zones rurales et des centres-villes. Le nombre de commerces au sein des agglomérations, indicateur révélateur des migrations, témoigne de cet exode massif. Jusqu’en 1920, il connaissait une croissance constante. Il y a une centaine d’années, on en dénombrait environ 500 000 dans l’Hexagone. Les décennies suivantes ont ensuite été synonymes de déclin inéluctable. En moins d’un siècle, tandis que la population nationale augmentait de moitié, le nombre de boutiques a été divisé par deux.
Bien sûr, l’évolution conjoncturelle et structurelle de l’économie, ainsi que les mutations associées, ont un impact direct sur les configurations des métropoles sur ce plan. Mais la Fédération du commerce spécialisé Procos indique que le taux de vacance commerciale (c’est-à-dire les locaux commerciaux inoccupés) n’est imputable à l’économie que lorsqu’il est inférieur à 5 %.
Un rapport de Bercy publié en 2016 sur la revitalisation commerciale des centres-villes souligne que le taux de vacance commerciale a augmenté de 4 % en moyenne au cours de la seule période 2000-2015, dans les aires urbaines dépassant 50 000 habitants. Que dire alors de villes comme Béziers, Châtellerault ou Forbach, qui affichent un taux de vacance bien supérieur à 20 % ?
Des villes moyennes aux abois
Tourcoing, Valenciennes, Châteauroux, Troyes, Montauban font également partie de ces agglomérations où la désertification est galopante. Elles sont caractérisées par un niveau important de pauvreté, un fort taux de chômage, ainsi que par de nombreux logements vacants. Parallèlement à leur déclin, bon nombre d’entre elles développent actuellement des projets de reconquête commerciale censés augmenter l’attractivité commerciale locale. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le rapport de Bercy insiste par ailleurs sur la perte progressive d’équipements et de services dont souffrent ces villes, alors que leur niveau de fiscalité est supérieur à la moyenne.
Dans la même catégorie, on peut encore citer Montargis, Châlons-en-Champagne, Verdun, Evreux. Le Nord, et notamment le Nord-Est, est largement touché par le phénomène, même si Grasse et Carpentras partagent des bilans identiques. Le rapport de Bercy indique que la désertification des commerces a souvent précédé celle de la population. La faute au développement de grands ensembles commerciaux périphériques ? C’est bien possible. Pour Philippe Schmit, secrétaire général de l’Assemblée des communautés de France (ADCF), la fédération nationale des élus de l’intercommunalité, le problème se situe effectivement ce niveau : « On a constaté en moyenne une hausse annuelle de 4 % des mètres carrés de centre commerciaux construits entre 1995 et 2015, alors que la croissance de la consommation atteignait seulement 1 % par an. Il y a d’un côté un discours favorable à la création commerciale, à l’implantation de grands projets, qui est celui de Bercy, et de l’autre une logique territoriale, un code de l’urbanisme avec toutes les contraintes qui s’y rattachent. » Les commissions autorisant les implantations, et dans lesquelles siègent les élus locaux, se retrouvent par ailleurs régulièrement pointées du doigt et présentées comme des machines à dire «oui» dans un trop grand nombre de cas.
Les économies d’avenir comme solution ?
En dehors de quelques exceptions comme Paris, la France délaisse ses centres urbains. Elle est pourtant un pays de plus en plus citadin. Entre 1985 et 2015, la population des villes a crû de 9 millions de personnes. 80 % des Français habitent aujourd’hui en ville. Parmi celles qui, malgré tout, deviennent de plus en plus denses, figurent par exemple Toulouse et Montpellier. Phénomène intéressant : la croissance de leur population est directement liée à la dynamique de l’emploi et les secteurs ayant le vent en poupe comme l’électronique, les technologies de l’information et de la communication, la santé. Des domaines d’activité qui font justement la force de ces territoires. En conséquence, les populations que l’on y trouve sont jeunes. L’âge médian est de 38 ans.
D’énormes disparités existent dans l’Hexagone, puisque la moitié des emplois se situent dans 30 zones urbaines. Le pays est sur ce plan littéralement coupé en deux : au sud se concentrent des zones urbaines à fortes concentrations de cadres et professions intellectuelles, au nord des territoires plus agricoles, plus industriels et ouvriers, à l’exception de Paris et son pourtour.
Nantes, qui bénéficie d’un positionnement économique prometteur autour des nouvelles technologies et des industries d’avenir, tire également son épingle du jeu, avec une croissance démographique équivalant à 6 000 nouveaux habitants chaque année. « On remarque depuis quelques années des arrivées massives, notamment un grand nombre de Parisiens qui déménagent à Nantes dans le but de saisir localement des opportunités professionnelles intéressantes, et plus généralement pour y trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée », décrit Philippe Lefebvre, gérant du cabinet de conseil et de recrutement ST Developments. A noter que les Pays de la Loire en général sont concernés par une tendance de fond très avantageuse : ils ont gagné 670 000 habitants au cours des 35 dernières années.
Mathieu Neu