L’éthique dans le conseil, comment ça se passe ?

L'éthique a-t-elle sa place dans le conseil ?

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Par Chloé Schmitt-Chevalier et Hugo Couilleault, étudiant·es Audencia Grande École, dans le cadre du concours des meilleures copies étudiantes de la business school nantaise, mis en place par Lucie Noury.

L’éthique et le conseil n’ont pas toujours fait bon ménage. Le monde du conseil a la réputation d’être un milieu très compétitif, à la recherche du profit et axé sur les résultats et les performances, avec des horaires de travail intenses. L’éthique a-t-elle sa place dans ce milieu ? Le modèle des cabinets de conseil a évolué aujourd’hui en fonction des évolutions de la société. Plus que jamais, pour attirer les meilleurs profils, les cabinets doivent travailler sur l’image qu’ils projettent. L’éthique de l’entreprise est donc devenue un critère important pour les candidats à la recherche d’un poste. Les projets RSE et les valeurs de l’entreprise sont des enjeux essentiels, l’ensemble de la culture de l’organisation est concerné. Afin de rester compétitif et de continuer à attirer les meilleurs profils, il est donc essentiel que les cabinets de conseil se concentrent sur ce sujet.

L’éthique façonne le comportement individuel au sein des cabinets de conseil. La plupart des entreprises ont établi un code de conduite pour mettre en œuvre et diffuser des pratiques éthiques. Ils sont massivement répandus au sein des entreprises. Nous avons interrogé Marie, membre expérimenté d’un des Big Four afin d’en savoir plus sur les bonnes pratiques en vigueur au sein de son cabinet.

Elle nous a expliqué qu’une formation annuelle est obligatoire pour se former au code de conduite. Ce code couvre les cas de corruption, la lutte contre le blanchiment d’argent (les identifications sont obligatoires avant les missions) et, d’une manière générale, le comportement approprié à adopter dans les relations avec les clients. Deloitte et EY ont par exemple mis en place un code d’éthique et une formation récurrente pour tous les employés. Deloitte exige une formation à l’éthique pour chaque employé. Laquelle, cependant, reste générique. « Il s’agit de règles de base fondées sur le bon sens », explique Marie. « Par exemple, des cadeaux peuvent seulement être acceptés si le montant est inférieur à 50 euros. Si le client souhaite tricher sur son activité, vous devez le signaler, etc. De telles formations sont davantage axées sur la sensibilisation et la prévention. »

Gérer les questions éthiques en interne

La question de l’éthique ne se pose pas seulement avec le client mais aussi dans les interactions quotidiennes des employés. Les cabinets de conseil sont connus pour être très tournés vers la promotion. La barrière entre vie professionnelle et vie personnelle n’est pas très marquée et de nouveaux types de management redéfinissent les frontières hiérarchiques.

« Les nouveaux arrivants ont du mal à faire cette distinction entre le travail et la vie personnelle, cette familiarité que nous avons entre nous en dehors du travail se retrouve souvent dans les interactions au travail, explique Marie. Une fois, j’ai été témoin d’une situation où un assistant a insulté un manager. » Les relations interpersonnelles au sein même de l’entreprise sont souvent mises à mal.

Pour faire face à ces débordements, de nombreuses entreprises ont mis en place des solutions internes. Deloitte dispose d’une hotline interne qui permet aux employés de signaler tout type d’incident1. « En cas de problèmes éthiques avec un collègue, nous nous adressons directement au manager de notre département en soulevant le point, mais à ma connaissance, il n’y a pas d’entité indépendante qui traite de ces sujets », précise Marie. Les conflits sur le lieu de travail sont généralement traités au cas par cas.

Les principes moraux influencent le travail du consultant

Des principes éthiques régissent l’activité des consultants. Les nombreux scandales dans le monde du conseil ont incité les entreprises à prendre d’importantes mesures.

Comment les sociétés de conseil gèrent-elles les conflits d’intérêts ? Pour y faire face, les entreprises mettent en place un processus d’audit. Au sein du cabinet de Marie, prévenir en amont est essentiel. « Tout est fait pour facilement identifier les missions sur lesquelles vous pouvez travailler et celles sur lesquelles vous ne pouvez pas », explique-t-elle. Chaque employé doit déclarer les actions qu’il ou elle possède. Il est interdit pour un employé de travailler sur une mission dans laquelle il ou elle a un intérêt financier. Ce point est particulièrement surveillé en raison de tous les scandales. Chez EY, des alertes d’impartialité sont également envoyées à chaque employé lorsque le cabinet acquiert un nouveau client.

Dans le cabinet où travaille Marie, un département entier est consacré à l’impartialité.

« Si nous nous trouvons dans une situation de conflit d’intérêts, nous devons immédiatement envoyer un courriel à ce département, qui nous retirera de cette mission », nous dit-elle.

Conseil et éthique, une question d’image ?

Les principes éthiques tendent à réglementer le monde du conseil. Mais peut-on vraiment parler de conseil éthique ?

Malgré tous les efforts déployés par les multiples cabinets de conseil pour exercer leur profession de manière plus éthique, le doute subsiste sur leurs intentions réelles. Ils donnent ainsi davantage l’impression de vouloir soigner leur image plutôt que de changer en profondeur et de diffuser des valeurs éthiques. Actuellement, les entreprises sont conscientes qu’elles doivent refléter une image éthique et, comme l’a indiqué Marie, elles mettent en place des cours de formation en ligne qui doivent être suivis par tous leurs employés et des codes de conduite ont été mis en place. Mais tout ceci ressemble plus à une stratégie de marketing, une justification pour pouvoir prouver et mettre en avant auprès de l’opinion publique l’image de « voyez comme nous sommes éthiques »…

Malheureusement, la réalité est tout autre et l’argent passe souvent avant l’éthique. Au cours de notre échange avec Marie, nous lui avons posé cette question : « Si votre cabinet se rendait compte, au cours de la mission, que l’un de ses plus gros clients faisait quelque chose de contraire à l’éthique, mais que ces actions n’étaient pas rendues publiques, serait-il en mesure d’arrêter la collaboration ? » La réponse de Marie eut le mérite d’être claire : « Non. » L’éthique reste avant tout une histoire d’image pour les cabinets de conseil plutôt que de véritables valeurs mises en avant et strictement respectées par eux. Cependant, le tableau n’est pas tout noir. Certaines sociétés de conseil placent tout de même l’éthique au centre de leurs activités. C’est le cas des sociétés de conseil en fiscalité verte qui visent à réduire les émissions de CO2 des entreprises en fixant un seuil d’émissions au-delà duquel l’entreprise sera taxée. Comme nous le confie Marie, « les entreprises ont tendance à devenir plus éthiques ». Pourtant, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que l’éthique et le conseil ne fassent vraiment plus qu’un.

[1] Deloitte, responsabilité́ sociale de l’entreprise

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