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Les deux visages de la fée « Entrepreneuriat »
En France, face à une démocratie qui peine à se moderniser, face même à un « Etat-Voyou » pour plagier certaines des plumes les plus virulentes de nos confrères, se dresse la fée entrepreneuriat. La France n’est pas qu’une « start-up nation », sorte d’écosystème bienveillant et encourageant à entreprendre quel que soit le domaine d’activité et quel que soit son parcours. Elle est bien plus. La France est perçue comme étant un Etat-start-up selon le livre de Yann Algan (L’Etat en mode start-up, Eyrolles, 2016) qui « disrupte » les anciens partis politiques et qui « ubérise » les processus démocratiques pour imposer ses réformes. Côté « macron »-économique, on ne s’y trompe pas. Les investisseurs applaudissent. L’indice de confiance et le climat des affaires sont au zénith. Au comptoir de nombreux bistrots adossés aux quartiers d’affaires et autres incubateurs-accélérateurs, on se réjouit. « Enfin, peut-être un gouvernement qui gérera l’Etat comme une entreprise… » Fantasme libéral, qui faute de se concrétiser, laisse subrepticement place à l’idée de vouloir de moins en moins l’intervention de l’Etat. Une croyance où l’individualisme est roi. Le Français sans le savoir devient « libertarien ». Bien que profondément libérale au sens actuel du terme, cette doctrine trouve sa raison d’être dans l’affirmation de l’individu en tant que tel. Cette lutte pour la reconnaissance de l’individu est l’un des combats rudement menés durant le fameux mai 1968. Il s’agirait donc d’un des héritages contradictoires de l’Evénement sociétal du siècle dernier, traité dans notre dossier spécial qui souhaite revenir sans idéologie sur ses conséquences… Autre héritage porteur de contradictions, celui de vouloir créer une entreprise « à la cool », comme l’ont fait les hippies dont le plus célèbre mangeur de pomme de la Silicon Valley, en oubliant que la disruption technologique se réalisait aux dépens de certaines entreprises, non sans violence économique. Un esprit à la cool, de plus en plus instrumentalisé, comme le dépeint notre article dans la rubrique « Société monde » qui montre que la « gamification » du travail demeure un vernis qui ne résiste pas longtemps à l’agressivité commerciale voulue par nos jeunes pousses de l’économie qui doivent sans cesse prouver leur potentiel de croissance. Pour autant, il ne s’agirait pas de diaboliser ce mouvement libéral qui nous touche tous aujourd’hui. Nous sommes entre le gris clair et le gris foncé. Et comme l’attestent de nombreux secteurs, l’innovation a du bon. Qu’il s’agisse des « LegalTech », analysées en « Décryptage » qui autorisent aux particuliers et aux entreprises un accès plus aisé aux démarches légales, ou des « EdTech », qui démocratisent l’éducation et la formation grâce au numérique. On ne saurait trop le dire. L’innovation et ses déclinaisons entrepreneuriales doivent être muries tant elles ont un impact sur nos modes de vie. Telle est la réflexion que nous avons voulu mener dans le « Grand Angle », en proposant une photographie de la stratégie des GAFA. Une enquête qui nous évite un tant soit peu de s’aliéner aveuglément aux nouvelles technologies et de réfléchir l’entrepreneuriat différemment. Cet effort intellectuel, à la croisée de l’optimisme réfléchi et du journalisme de solutions, nous le maintenons depuis 50 numéros. Ce numéro spécial – qui représente beaucoup à nos yeux – est toujours l’occasion de vous encourager à entreprendre vos vies avec détermination et optimisme et à persévérer dans une voie qui est aussi la nôtre, celle de l’innovation comme vecteur de progrès.
Jean-Baptiste Leprince
Fondateur & directeur de la publication
Geoffroy Framery
Journaliste EcoRéseau Business