Javier Milei
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Économiquement, à quoi peuvent s’attendre les Argentins après l’accession au pouvoir de Javier Milei ?

Avec 55,6 % des voix au second tour, l’ultralibéral d’extrême droite Javier Milei devient le président des Argentins. Il prendra le relais d’Alberto Fernandez le 10 décembre prochain.

« La fin de la décadence ». Voilà ce que promet celui que la presse argentine surnomme « El loco » (le fou). Finalement rien de très original… Mais ses idées pour une économie ultra-libérale et qui ne s’encombrent pas des questions environnementales en ont fait le candidat idéal pour une Argentine à feu et à sang. Avec 120 %* d’inflation sur un an, le pays traverse une crise qui rappelle ses pires années de faillite.

C’est ce contexte qui a favorisé la montée de l’extrême droite au pouvoir. Javier Milei, l’homme à la tronçonneuse, le fou, le mauvais sosie d’Elvis Presley, incarne une idéologie contestataire, mais plus que jamais populaire. La même qui a propulsé Jair Bolsonaro et Donald Trump au sommet avant lui.

Dollariser  le pays : le nouveau « miracle argentin » ?

Pour combattre l’inflation incontrôlée, Javier Milei propose d’abandonner le peso. Alors qu’il n’était encore que candidat à la présidentielle, le trublion conseillait déjà – à sa manière – de privilégier le dollar. « Jamais en pesos, jamais en pesos ! Il a moins de valeur que l’excrément. Ce déchet ne sert même pas à fabriquer de l’engrais », lançait-il, tout en mesure. Depuis cette déclaration, la monnaie argentine dévisse. Elle atteignait même 353,8 pesos pour un dollar au lendemain du scrutin final.

L’Argentine se dirige donc vers l’adoption intégrale du dollar. Effectivement, cela pourrait stopper la hausse des prix. Les importations deviendraient bien plus faciles d’accès par exemple. Mais cette stratégie n’est pas sans rappeler celle du  « miracle argentin » qui, dans les années 1990, avait perpétré un immense désastre. Le pays, alors empreint d’une forte inflation, avait aligné artificiellement la valeur du peso à celle du dollar créant une bulle monétaire sans précédent. Si dans les premières années, le système semblait fonctionner, la bulle se dégonflera très vite et laissera le pays dans une situation de crise sans précédent. En 2001, l’Argentine se déclarait en défaut de paiement.

Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès, exprime ainsi sa réticence sur cette nouvelle tentative de dollarisation du pays. Selon lui, l’Argentine doit surmonter ses difficultés de fond avant de prétendre à adopter la monnaie verte. Surtout, en adoptant le dollar, Javier Milei pourrait inverser totalement le phénomène d’inflation dans son pays et basculer dans l’autre extrême : la déflation. Dans un tel scénario, le pays confirmerait sa récession et les taux de chômage et d’intérêts réels s’envoleraient.

« Pas de place pour la tiédeur ou les demi-mesures »

Sur les dépenses publiques, Javier Milei semble tout aussi radical. Alors que les Argentins sont 51 % à dépendre financièrement de l’État, le sulfureux a déclaré vouloir assécher une grande partie des aides aujourd’hui prodiguées. Selon lui, l’État ne doit pas se mêler de ce type de problématiques et devrait, au contraire, laisser le marché dicter sa loi. Du néoclassicisme dans le texte. De l’ultra-libéralisme en application.

C’est pourquoi, il projette de supprimer 10 des 18 ministères fédéraux qui gouvernent le pays. Ainsi, l’Éducation, les Transports ou la Santé se retrouveraient sans supervision. Sans oublier sa plus grande bataille qui consiste à « dynamiter » la Banque centrale argentine, ce qui revient à prêter allégeance totale à la politique américaine. Il priverait ainsi l’Argentine de toutes ses manœuvres monétaires souveraines qui, selon lui, sont responsables de l’hyperinflation actuelle. « Pas de place pour la tiédeur ou les demi-mesures », clamait ainsi le nouveau président du pays.

Cette mise « sous-tutelle » de l’Argentine au profit des États-Unis est violemment critiquée par nombre d’économistes. Déjà, car la FED pense sa politique monétaire en priorité pour les Américains. Puis parce que l’Argentine ne dispose pas de réserves en dollars suffisantes pour entamer cette transition.

L’élection de Javier Milei semble alors plus que jamais être un vote de « bronca » (contestation). Ses frasques et son franc-parler plaisent à un électorat populaire et déçu des précédents mandats. Après vingt ans d’une crise qui n’en finit pas, peut-être était-il temps de tenter autre chose ? Son rival, Sergio Massa, avait appelé à voter « au calme » et sereinement. Mais l’Argentine – dont 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – ne semble être ni calme, ni sereine. Elle l’a fait savoir ce dimanche 19 novembre.

*La fiabilité du chiffre fait débat notamment pour des soupçons de falsification de la réalité économique.

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