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PME françaises exportatrices, prenez le taureau par les cornes ! Brexit oblige, la période d’incertitude qui s’ouvre – deal or no deal – depuis le 31 janvier vous oblige à évaluer dès maintenant tout impact possible sur votre chaîne de valeur. Radioscopie.

Quarante-sept ans de vie commune mouvementée, soldés par une rupture des plus incertaines et une question clé toujours en suspens : on sort avec ou sans accord ? Certes, le 31 janvier a sonné le glas de la présence du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Mais force est de constater que le fameux Brexit, attendu, espéré, craint, anticipé depuis plus de trois ans, est loin d’être 100 % acté. Et pour cause : une période de transition s’ouvre jusqu’à fin 2020 ! Jusqu’à cette date, le Royaume-Uni sorti des institutions européennes continuera à exister et à commercer selon les règles de l’Union. Avec une possible extension de cette transition d’un ou deux ans ! « Alors que le flou reste entier sur le scénario de sortie, difficile, dans ces conditions, de présager de l’impact concret pour les entreprises françaises exportatrices », avertit Ana Boata, Head of Macroeconomic Research au sein du cabinet Euler Hermes. Même si une analyse semble irrévocable : « Accord commercial ou pas, le Brexit reste une mauvaise nouvelle pour l’hexagone, il exigera des acteurs économiques une bonne dose d’adaptation. »

Des secteurs d’activité exposés

Selon le cabinet expert, la France est le troisième pays de l’Union européenne le plus touché par le Brexit – surtout en cas d’accord de libre-échange restreint –, après l’Irlande et l’Allemagne. La part des exportations françaises au Royaume-Uni pèse aujourd’hui pas moins de 5 % ! Un volume d’affaires complexe à substituer illico dans un environnement mondialisé ultra-concurrentiel. Du coup, la facture pourrait s’élever in fine à 2 milliards d’euros de pertes pour l’hexagone, d’après Euler Hermes ! S’il faut attendre le sommet européen de juin 2020 pour acter ou non du report d’une telle période de transition, les 30 000 entreprises françaises qui exportent au Royaume-Uni – dont les 3 000 qui y sont même installées – « ont tout intérêt à prendre les devants pour anticiper cette situation des plus incertaines », urge Ana Boata qui évalue le risque de no deal à… 15 %. Quel risque ? « Une apparition brutale et désordonnée, quasi du jour au lendemain, des barrières tarifaires et non tarifaires, et surtout, de droits de douane supplémentaires, faute d’accord commercial négocié en amont. » Pour Ana Boata, un tel scénario « certes peu probable reste assez risqué pour que les entreprises prennent le taureau par les cornes ». Le cauchemar : des files d’attente monstres de camions au départ pour le Royaume-Uni ne seraient alors pas à exclure…

Quels sont les secteurs d’activité les plus exposés ? Bien sûr, celui du commerce, les exportateurs français de vins et spiritueux en tête, pour lesquels le Royaume-Uni constitue le deuxième plus gros client en valeur. L’impact sera tout aussi négatif pour les agriculteurs français, alors que le Royaume-Uni se classe troisième client du secteur agricole hexagonal (le pays est importateur net de produits alimentaires, il ne produit plus que 59 % de sa nourriture consommée – 327 000 exploitations agricoles de 54 ha en moyenne).

Plan de contingence

C’est dire la nécessité pour tout entrepreneur vigilant « d’envisager un plan de contingence adapté surtout en cas de rupture brutale. Déjà en identifiant bien le risque sur sa chaîne de valeur et en envisageant des alternatives adaptées : une part significative de chiffre d’affaires réalisée outre-Manche à compenser, une dépendance élevée à un fournisseur britannique stratégique à résorber… Et surtout, bien se préparer à la mise en place des contrôles à la douane », préconise Ana Boata. Un point d’autant plus crucial pour les sociétés françaises qui n’ont pas commercé jusqu’alors avec des pays hors de l’Union européenne : elles seront alors soumises à un bouquet de formalités administratives, « comme obtenir un numéro d’enregistrement spécifique – le EORI, Economic Operator Registration Identification – procédure complexe qui suppose pour l’entreprise de disposer ou de se doter des compétences ad hoc en interne en la matière », précise l’experte.

Serait-il envisageable à l’extrême de se délocaliser outre-Manche afin de profiter d’un accès direct au marché ? « Une alternative que nous déconseillons, tranche Ana Boata, tant le Royaume-Uni se veut désormais plus restrictif en termes d’immigration, en baisse de 20 % depuis le referendum de 2016. De quoi induire une pénurie de main-d’œuvre et des difficultés de recrutement pour les entreprises. » Autant de tensions sur ce marché du travail qui ont favorisé une hausse des salaires de 3,5 % en 2019 selon le cabinet ! Ce travail d’anticipation incontournable pour tout dirigeant au regard de l’incertitude ambiante « devrait perdurer, très certainement au-delà de l’année 2020 alors que les dernières déclarations de Boris Johnson s’avèrent peu explicites : aucun détail sur le plan de sortie n’est précisé ».

Scénario : le Royaume-Uni pourrait-il jouer la carte du libre-échange à tout va, en s’imposant à terme comme un hub international de services aux portes de l’Europe ? En première ligne de mire de ce Brexit à l’œuvre, les entreprises anglaises dont 50 % des importations viennent du « continent » ont largement été sensibilisées, préparées à tous les scénarios. Reste à leurs homologues européens et français à se mettre au diapason.

Charles Cohen

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