« Gaby » devient Premier ministre

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Gabriel Attal à Matignon. Certes. Et maintenant ?

« Il y a en vous un feu, mais ce n’est pas celui dont parle Saint Bernard, c’est un feu qui brûle et qui n’éclaire pas » – La Ville dont le prince est un enfant, Henry de Montherlant, 1951.

C’est un beau roman. C’est une belle histoire. Au royaume de la communication, Emmanuel Macron a nommé Gabriel Attal au poste de Premier ministre, manquant de faire mourir d’extase les éditorialistes de BFM TV. Vous rendez-vous compte ? Il est jeune (34 ans, on le saura), joli cœur, vaguement beau-gosse, « gay » comme le rappelle Libération qui croit y voir le signe d’une « France qui progresse ». Comme si la France n’avait jamais été gouvernée par des hommes politiques ou même des Rois homosexuels… Cela n’a en vérité rien de bien nouveau et à dire vrai, la chose est même assez banale depuis la Rome antique ou la Cour du Roi Soleil. Mais c’est le propre de notre époque que d’en permanence redécouvrir l’eau chaude.

D’ailleurs, notons qu’à la différence de Clément Beaune ou d’Olivier Dussopt, Gabriel Attal n’a jamais fait de ce que l’on nomme aujourd’hui son « identité sexuelle » un argument de vente. Signant ici l’une de ses qualités principales : une sage dignité, laquelle tranche avec le voyeurisme en vogue. Celle-ci le place du même coup dans la longue tradition d’hommes politiques ayant les mêmes penchants, d’André Labarrère, ancien maire de Pau à Bertrand Delanoë, ancien maire de Paris.

Matignon, machine infernale

Voilà pour le vernis. Ensuite, les choses se compliquent un tout petit peu. Matignon est un cheval fou lancé à pleine vitesse au milieu des flammes. Autant dire qu’il faut s’accrocher, être prêt, comme le disait Alain Juppé, « à prendre vingt-cinq décisions » par jour. Quitte à déplaire, quitte à s’user. L’ancien maire de Bordeaux l’apprit à ses dépens : la préférence sondagière d’un jour n’est pas celle du lendemain. Arrivé en 1995 avec la plus haute cote de popularité, Juppé quitta Matignon avec la plus basse. Entré dans la lessiveuse, Attal est prévenu. Pas certain d’en ressortir bien coiffé. Ni même avec des sourcils, comme en témoigne Édouard Philippe.

Il lui faudra trancher, tout le temps. Du mode de calcul des retraites aux rapports de la DGSE, du classement d’une usine Seveso au budget alloué à la police. Affronter les crises, mieux encore, tenter de les anticiper ; le tout dans un monde extrêmement dangereux, où à chaque carrefour la France paraît guettée par les périls. Voilà peut-être pourquoi, en arrivant à Matignon, Gabriel Attal semblait trembler et même, à certains moments, se trouver au bord des larmes. Mais peut-être était-ce le froid ?

Gouverner, donc. « Conduire la politique de la Nation », comme la Constitution l’indique à propos du Premier ministre. Mais dans les faits, nous savons déjà que Gabriel Attal ne remplira pas vraiment cette fonction, comme tous ses prédécesseurs depuis au moins vingt ans. Alors à défaut de gouverner vraiment, il faudra faire semblant, et dans ce rôle-là pas d’erreur : Attal peut faire merveille.

Voilà les comédiens…

D’un rien ce communicant parvient à faire un tout : nous l’avons vu durant son très court passage à l’Éducation nationale où, à coup d’abayas, d’uniformes et de messages lénifiants, il passionna les médias. Il suffit d’un rien pour briller dans la grande nébuleuse de la politique française. Un petit sursaut sur l’encéphalogramme plat et déjà, les Français vous remarquent, heureux de remarquer que « ça bouge ». Mais de Sarkozy à Valls en passant par Macron, les Français savent désormais que les profils prometteurs, enfiévrés et starisés, finissent par s’échouer sur la plage rocailleuse des abandons. Oui, ils le savent certes, mais ils aiment tellement l’oublier.

Gabriel Attal pourra-t-il inverser la tendance et renouer avec ce que Jean Bodin, déjà au XVIe siècle, nommait « le parti des Politiques » ? La « neutralité journalistique » voudrait que l’on s’en tienne au seul point d’interrogation. Mais pourquoi maintenir un suspense alors que nous savons déjà qu’il n’y parviendra pas ? Au temps des dernières illusions, reste à faire semblant. Il faudra jouer au sens propre du terme. Après tout, comme son mentor Emmanuel Macron, Gabriel Attal fut comédien amateur. Alors, nous conseillons au quadra et au trentenaire l’adaptation de cette pièce de Montherlant : La Ville dont le prince est un enfant.


Borne : « La Première » quitte la piste · Ciao Bella ! Après vingt mois à Matignon, Élisabeth Borne retrouvera dans un mois les travées de l’Assemblée nationale, siégeant pour la première fois en tant qu’élue du peuple. D’ici là, un peu de vacances, peut-être dans son riad de Marrakech. Sans être trop chafouin, il semble qu’il n’est pas encore si aisé d’être une femme au sommet de l’État. Remarquons d’ailleurs que l’hypothèse de la remplacer par une autre (Olivia Grégoire par exemple) n’a même pas été évoquée. Comme s’il était évident, pour une macronie aux airs de club anglais, qu’il était temps de refermer une parenthèse incongrue. Quid du hashtag #JamaisSansElles ?

crédits : shutterstock

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