Pierre Pelouzet, le médiateur des entreprises

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« La médiation fait partie de la culture du rebond »

Un nominé particulier puisque tout entier tremplin de rebond et non « rebondisseur ». Mais le médiateur des entreprises sait que l’intervention « républicaine » bénévole de son entité est en soi un rebond pour l’entreprise qui en appelle à lui.

Des échecs ? « Comme tout le monde j’en ai eu dans ma vie, mais ce n’est pas pour cette raison que je suis le médiateur des entreprises. » Pierre Pelouzet, ne lui déplaise, a peu connu l’échec. Cet expert des achats aura passé sa carrière, d’ExxonMobile à la SNCF en passant par Cegelec, à négocier avec des fournisseurs dont il a mesuré la fragilité et compris l’importance de les sauvegarder. Son parcours, du reste, se pave d’associations qu’il crée, Pacte PME où les grandes entreprises et les collectivités aident les petites à se développer ou l’Observatoire des achats responsables, dont il demeure le président. En 2012, de retour en France, « on » le pousse à présider la Médiation des entreprises, créée un an et demi plus tôt sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Parmi les « on », les anciens ministres Fleur Pellerin et Arnaud Montebourg, de quoi montrer que cet « outil extraordinaire » qu’est la médiation, comme dit Pierre Pelouzet, dépasse les partis politiques pour rejoindre le bon sens.

Levier de réussite, les délais de réponse

« Mon rôle, dit le médiateur, est de recréer de la confiance entre les acteurs de l’économie. » Très vite, une petite entreprise sous-traitante d’une plus grosse entité risque de perdre beaucoup, jusqu’à la faillite, pour des retards de paiement de facture – imparable : un chef d’entreprise dont les factures restent impayées ou tardivement honorées, et même si son carnet de commandes est plein, ne va pas embaucher –, des ruptures brutales de contrat, des pénalités diverses et variées, jusqu’aux variations du prix de matières premières, « tout ce qui fait la vie d’une relation contractuelle entre deux entités économiques ».

La médiation ? C’est tout simplement faire en sorte que deux interlocuteurs en conflit « se parlent, s’écoutent, qu’ils trouvent une solution et qu’ils continuent à travailler ensemble. C’est le but. On n’est pas un tribunal, le médiateur des entreprises s’efforce de recréer une relation commerciale et une relation tout court entre deux personnes. On travaille beaucoup sur la personne et ça marche remarquablement bien. » Pour l’intercesseur qui a considérablement élargi les domaines de la médiation, le deuxième terrain d’intervention est lié à l’innovation : le crédit d’impôt recherche, les relations entreprises-laboratoires, la propriété intellectuelle deviennent à leur tour des pièges à conflit, des risques de défiance.

Concrètement, le médiateur n’agira que s’il est saisi par un entrepreneur – en ligne, par courrier… À partir de cette première démarche, la recette miracle de Pierre Pelouzet tient à la rapidité de la réponse : « On rappelle très vite le demandeur. Dans les trois ou quatre jours, une semaine au plus tard. C’est extrêmement apprécié. Ils disent : “C’est incroyable, j’ai été rappelé en trois jours.” » Puis la médiation se met en place. Là encore, la course contre la montre s’enclenche : en moyenne, la médiation va durer quelque trois mois jusqu’à l’accord, s’il est possible. Les variables : le temps mis par les médiateurs pour convaincre l’autre partie de venir rue de Richelieu, siège de l’autorité, ou de se déplacer vers les relais en région. Commence alors ce que le jargon de la médiation baptise du beau mot de « purge ». « On déballe tout », sourit Pierre Pelouzet. Quand tout est dit, on passe au mode constructif : que fait-on concrètement ? Les parties sont censées trouver elles-mêmes les solutions. En pratique, la soixantaine de médiateurs dont 45 en région, agents de l’État volontaires comme juristes, juges ou chefs d’entreprise à la retraite, bénévoles, suggèrent parfois : « Auriez-vous envisagé… ? »

Prévenir, c’est rebondir

Sous de pareils auspices, il était tout naturel que le mouvement associatif et citoyen des Rebondisseurs français (www.lesrebondisseursfrancais.fr) s’associe au médiateur (et réciproquement). Accord signé tout début septembre : les services du médiateur des entreprises interviendront aux côtés des Rebondisseurs pour « faciliter le rebond de ses membres ». Y compris à travers les outils mis en place par l’autorité (lire encadré). Depuis l’impulsion qu’il a donnée à son organisme public et l’élargissement de ses domaines, le médiateur mesure le parcours. À son arrivée, la médiation des entreprises soldait une centaine de rapprochements fructueux dans l’année. Ils se chiffrent désormais à une centaine par mois. À raison de 10 000 entreprises depuis six ans, pour 75 % de réussite.

3D Ceram de Limoges en sait quelque chose : cette entreprise qui produisait une petite pièce pour un constructeur se développait à 80 % à l’ombre de son client majeur. Jusqu’au jour où ledit client résilie les contrats, persuadé qu’il pourra s’attacher la main-d’œuvre spécialisée qui réalise la pièce en question. Acculée, l’entreprise en appelle à la médiation dont il ressortira une indemnisation grâce à laquelle 3D Ceram se reconvertit à l’impression 3D céramique en jouant son va-tout. En deux ans, le rebond aboutit à l’équilibre, avec un actionnaire majoritaire japonais.

Le jour où la médiation des entreprises se comptera par centaine de milliers d’interventions…

 

Olivier Magnan

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