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Passée des rings aux bancs de Sciences Po, Sarah Ourahmoune s’est forgée dans les sports de combat les qualités mentales qu’elle entend insuffler aux clients de ses séances de team building.
Son histoire est de celles que l’on raconte dans les salons parisiens, lorsqu’il semble judicieux de vanter les mérites de l’intégration par le sport. Celle d’une gamine de banlieue qui montre d’étonnantes dispositions pour le sport et qui, une fois sa carrière d’athlète de haut niveau assurée, s’ouvre finalement les portes d’une grande école, avant de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale à 30 ans. Si ce n’est que cette fois-ci, l’histoire est bien réelle. Si ce n’est que cette fois-ci, l’histoire est celle d’une jeune femme pesant à peine 50 kilos pour moins d’un mètre soixante. Si ce n’est que cette fois-ci l’histoire est celle d’une jeune femme devenue championne du monde de… boxe.
A 15 ans, lorsqu’elle entre pour la première fois dans la salle de boxe d’Aubervilliers, Sarah Ourahmoune est une jeune fille comme toutes les autres. Ou presque. Avant que sa famille ne s’installe quelques mois plus tôt dans la cité du nord-est parisien, elle pratique le taekwondo à Clichy, où elle vit avec ses parents et ses cinq frères et sœurs. En quittant la ville où elle a grandi, Sarah est également contrainte de laisser le club où elle s’entraînait chaque semaine. Saïd Bennajem, l’entraîneur du Boxing Beats d’Aubervilliers, lui propose alors un nouveau défi. Il l’initie à la boxe anglaise. « À partir de là, tout est allé très vite, explique-t-elle en souriant. Au début, je n’avais pas le droit de combattre, car la boxe féminine n’était pas autorisée en compétition. Je pouvais juste m’entraîner, mais j’ai tout de suite aimé le côté ludique de ce sport et l’ambiance de la salle. »
Étudier l’adversaire et élaborer une stratégie
Deux ans plus tard, néanmoins, enfin autorisée à combattre, elle fait ses débuts sur un ring. Un moment fort, inoubliable, qui constitue la première étape d’une course vers les sommets. Un premier combat, une première victoire et, quelques mois après, elle décroche son premier titre de championne de France à seulement 17 ans. Apothéose de ce parcours, elle est sacrée en 2008 championne du monde, à l’issue d’un tournoi organisé en Chine. La plus belle des médailles vient récompenser les efforts qu’elle consent depuis plusieurs années pour concilier une vie professionnelle d’éducatrice spécialisée dans un centre pour jeunes handicapés, des études de communication sur les bancs de la Fac et les heures d’entraînement.
« C’est lourd, naturellement, mais j’aime ce rythme, affirme-t-elle. Et puis, j’adore mon sport. » Il suffit de regarder Sarah Ourahmoune pour comprendre que derrière cette passion se cache autre chose que le plaisir de bombarder de coups le corps et la face de ses adversaires. « J’aime me mettre en danger. Dans les vestiaires, avant de monter sur le ring, j’aime sentir cette pression, où se mêlent à la fois l’excitation et une forme de peur. Cette poussée d’adrénaline me fait avancer. Ensuite, une fois sur le ring, il faut étudier l’adversaire et élaborer une stratégie pour gagner. » Une démarche qui s’apparente finalement à celle du dirigeant d’entreprise, obligé de concocter les recettes du succès face à la concurrence.
C’est pourtant loin de la salle de boxe qu’elle se découvre une âme d’entrepreneur. « En 2012, j’ai suivi une initiation à l’entrepreneuriat à Sciences Po pendant un semestre. À l’issue de cette période, j’étais convaincue d’avoir trouvé une voie dans laquelle je souhaitais m’engager. » Son projet professionnel n’était pourtant pas encore clairement défini à ce moment-là. « Je voulais qu’il tourne autour de la boxe, mais je ne savais pas encore comment mettre en œuvre cette démarche. » Le cadre se dessine pourtant peu à peu. Sous le statut d’auto-entrepreneur, dans un premier temps, puis avec la volonté de créer une structure pour donner plus d’ambition au projet.
Ouvrir de petites salles de boxe loisir
Les statuts de la SAS qu’elle a constituée avec Francky Denis, boxeur lui aussi, ont été déposés au mois de mai 2014. Baptisée Boxing & Company, la société vise deux marchés dans un premier temps : les cours de boxe en entreprise et le team building. Bien que le phénomène soit récent, le concept de la boxe en entreprise se développe peu à peu en France. Néanmoins, c’est plus sur le team building que Sarah Ourahmoune fonde le plus d’espoir pour doper la croissance de la société dès cette année. Le marché existe déjà et les entreprises, toujours en quête de nouvelles approches et expériences pour souder et motiver leurs équipes, sont séduites par le principe. « Nous intégrons des séances de boxe dans le cadre de séminaires. Si l’entreprise le souhaite, nous pouvons également intégrer des modules sur la gestion du stress et des émotions, l’aptitude à rebondir après un échec… » Lancée, dans un premier temps, dans une démarche de prospection de proximité, la présidente de Boxing & Company entend bien dépasser rapidement les frontières de la région parisienne.
Toutefois, Sarah Ourahmoune voit déjà plus loin. « A plus long terme, mon ambition est d’ouvrir de petites salles de boxe loisir. Il y a une véritable demande pour ce genre d’activité. La boxe attire un public de plus en plus large. Les gens ont compris qu’il y avait autre chose que de la violence derrière ce sport. D’ailleurs, la boxe loisir repose sur la souplesse, la vitesse de déplacement, la maîtrise de son corps et l’esquive. Il n’est pas question de puissance. » Elle aimerait donc ouvrir des salles totalisant entre 200 et 300 m2, où les gens viendraient travailler leur jeu de jambes dans une ambiance conviviale. « Si nous respectons notre plan de marche, nous devrions ouvrir une première salle au début de l’année 2016. » Ensuite, le développement pourrait se faire progressivement, peut-être sous forme de franchise. « Finalement, dans ma démarche entrepreneuriale comme dans mon sport, j’ai besoin de me fixer des objectifs, d’avoir de grandes échéances devant moi », analyse Sarah Ourahmoune. Avec l’espoir de décrocher une nouvelle fois de grandes victoires..
Jacques Donnay