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Bureaux à l’anglo-saxonne
Nouveaux comportements, nouvelles tendances managériales et, donc, nouvelle façon de concevoir l’immobilier tertiaire. Moins pressurisant, le management moderne implique un cadre de travail agréable et en phase avec les attentes des collaborateurs. Mais comment adapter ses bureaux à cette vision anglo-saxonne ? Décryptage.
Est-ce de l’humour, de l’autodérision ou de la lucidité ? Toujours est-il qu’Alexandre Pachulski, cofondateur de Talentsoft, leader européen des applications Cloud de gestion RH, a du recul sur lui-même et son entreprise. « Je crois qu’on a tous les stigmates de la boîte moderne qui veut se la jouer cool : table de ping-pong, salle de sieste, décoration geek… Difficile de faire plus cliché », s’amuse t-il. Mais, à la différence de certains mastodontes du Cac 40 qui sont parfois tentés de suivre la mode en mettant un baby-foot dans leur salle de vie, Talentsoft est confrontée à des enjeux qui nécessitent une réflexion sur les nouveaux espaces de travail. Sa population est essentiellement composée de jeunes de trente ans, son marché est extrêmement dynamique, elle enregistre une forte croissance, mais, sur son secteur, les talents sont rares. Donc précieux. Un bon moyen de les attirer, en plus du salaire, est donc de leur proposer un cadre de travail attractif. « Les locaux font partie intégrante de la notion d’expérience de travail, avance Alexandre Pachulski. Vous vous souvenez du concept d’expérience client, censée approfondir la relation entre un consommateur et un produit ? C’est un peu la même chose, sauf que l’on applique l’expérience au sein même de l’entreprise, adaptée aux collaborateurs. » Il est donc crucial, pour l’entreprise moderne, d’adapter son management à ces nouveaux usages. Mais, derrière les décisions prises par la direction, c’est tout l’espace de travail et l’ergonomie qui en découle qui doivent être repensés.
Accompagner les nouvelles mœurs
A la base, ces nouveaux impératifs s’expliquent par la conjoncture de trois forces. Premièrement, la transformation digitale de la vie quotidienne. Explications : le grand écart entre l’expérience de consommation au jour le jour, bouleversée par le numérique, et la vie au travail, devenait trop important. Il a fallu ramener cette dernière dans la normalité. En résumé, le monde dans lequel on entre à 9h30 en passant le seuil de son bureau ne pouvait être éternellement différent de celui dans lequel on est inscrit à 9h29. En second lieu, vient l’extrême facilité pour créer sa boîte aujourd’hui. Une connexion et un laptop suffisent, là où, il y a quinze ans, le concept même de création d’entreprise englobait principalement des notions d’artisanat et d’industrialisation. Un employé mécontent ou malheureux sur son lieu de travail peut aisément sortir du salariat et voler de ses propres ailes et faire un métier davantage en lien avec sa passion. Enfin, vient la quête de sens. Les salariés modernes, surtout en zones urbaines, sont animés par l’idée d’aligner leur manière de gagner leur vie sur leurs aspirations. « Tous ces concepts ont donc, inévitablement, des conséquences en termes d’immobilier d’entreprise, car l’expérience de travail dépend aussi de l’espace », appuie Alexandre Pachulski. Si vous êtes perdus, pas d’inquiétudes à avoir. Certains professionnels du mobilier professionnel ont dédié une partie de leurs services à l’accompagnement et au conseil et ce, de façon sur mesure. « Imaginer ses locaux, les équiper, les installer, les adapter aux besoins de ses effectifs et de leurs missions… Avec Bruneau Aménagement, implanter ou déménager votre entreprise n’est plus une gageure. De la conception à la prestation logistique, nos experts vous accompagnent tout au long du projet : étude personnalisée, plans 2D ou 3D, sélection, livraison,montage… », décrit avec enthousiasme Ludovic Loy, directeur marketing et digital chez Bruneau
La fin des bureaux pour les dirigeants
Sauf qu’en 2018, l’espace de travail ne désigne pas que les locaux. Avec les nouveaux modes de management, se sont développés les «tiers-lieux». Car le travailleur moderne est nomade. Le concept désigne un espace de travail qui ne se situe ni au sein d’une entreprise, ni au domicile du collaborateur. Généralement, il s’agit de locaux alternatifs que l’on va partager, pour favoriser la créativité et la synergie. Au hasard : des espaces de co-working ou fablabs, prisés par les salariés souhaitant déménager loin de Paris sans pour autant démissionner de leur emploi. Ce système s’avère également idéal pour les équipes commerciales, qui par définition ne sont pas amenées à être au siège social derrière un ordinateur la majeure partie de leur planning. Alors que le télétravail se répand comme une traînée de poudre (un salarié se sentira toujours bien considéré lorsqu’on ne lui imposera pas sa présence si la nounou est malade, par exemple), « les entreprises ont besoin d’optimiser l’espace. Voilà la raison de l’avènement du flex-office : si un collaborateur est absent pour une raison X ou Y, il ne monopolise pas un poste de travail, puisqu’aucun siège ne lui est attribué. Un autre salarié peut donc prendre sa place », remarque Jean-Charles Dodeman, fondateur d’Action Ergo, cabinet de conseil spécialisé en ergonomie et aménagement d’espace de travail. Evidemment, qui dit gain de place dit aussi économie. Dans leurs murs également, les entreprises du tertiaire développent des modes de travail toujours plus collaboratifs. Bye bye l’open space uniformisé et le bureau individuel, place au flex-office (bureau non attribué), aux salles de réunions informelles, et aux lieux d’échange, comme par exemple le coin cafeteria. Voilà ce que l’on appelle les tiers-lieux. Nicolas Paugam, directeur général de l’agence Artdesk, spécialiste de l’aménagement d’espaces de travail, confirme la tendance. Ces nouveaux modes de travail innovants ont été assimilés il y a déjà plusieurs années. « Nos collaborateurs n’ont plus de postes de travail fixes. Ils se déplacent un peu partout, tout au long de la journée et utilisent différents espaces connectés et parfaitement adaptés à chacune des activités du moment. Même moi, cofondateur, je n’ai personnellement plus de bureau. » Après tout, Mark Zuckerberg ne disait-il pas que les réunions n’étaient pas planifiées mais se créaient, de fait, là où il se baladait. Voilà un mode de fonctionner bien loin des codes enseignés aux responsables des ressources humaines durant leurs études, mais pourquoi pas ? Nicolas Paugam reprend : « Finalement, cette tendance invite le top management et le middle management à évoluer au cœur même des échanges et des équipes. C’est aussi une tendance que nous préconisons en ce moment à nos clients dans l’agencement de leurs nouveaux locaux. »
Quid du mobilier ?
En ce qui concerne, le mobilier et la décoration, il faut croire que l’espace de travail de demain est amené à ressembler de plus en plus à l’appartement. Canapé, grands coussins, cuisine pratique, salles de jeux… « Le graal, c’est bien sûr de faire quelque chose qui s’approche de la maison idéale, comme fantasmée dans les série US », note Alexandre Pachulski. Ainsi, chez Talentsoft, ce sont les salariés eux-mêmes qui ont été sondés pour assurer l’aménagement des locaux. Résultat ? « Un condensé de tous les clichés geek », rigole le dirigeant. Ainsi, du merchandising Star Wars a été installé dans des salles de réunion. Les étages se nomment «movies» ou «music», et les différents espaces ont été baptisés en fonction de titres de chansons ou de films. « Au moins, ils se sentent bien, car les trentenaires ont choisi eux-mêmes leur univers de travail. Il n’y a rien de pire que des top-managers de 45 ans qui décident de l’aménagement pour des salariés de 30, dans l’optique de leur faire plaisir. En général, ils tombent à côté. » Et Ludovic Loy, directeur marketing et digital chez Bruneau d’ajouter : « Si vous voulez un environnement de travail à votre image. Si vous ne trouvez pas exactement le produit ou l’équipement que vous désirez, le service My Bruneau le cherche pour vous. Et s’il n’existe pas, nous pouvons aussi l’inventer, grâce à nos solutions sur-mesure. » Vous n’avez plus d’excuses pour revoir vos exigences immobilières et mobilières à la hausse.
Le travail de demain
Top 6 des changements qui vont être opérés selon les salariés
-Outils de travail : 38 %
-Contrats de travail : 33 %
-Contenu du travail : 28 %
-Organisation du travail : 26 %
-Espaces de travail : 16 %
-Pratiques de management : 14 %
Source : Etude menée par Revolution@work et Ipsos sur un panel de salariés provenant de France, des Pays-Bas, de Grande Bretagne et des Etats-Unis.
Marc Hervez