Certains cherchent de l'argent à court terme, et ratent des solutions essentielles
Certains cherchent de l'argent à court terme, et ratent des solutions essentielles

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Un financement évolutif

S’il est toujours en forte croissance, le marché de l’affacturage fait l’objet d’une vive concurrence, accentuée par l’essor des fintechs. Pour accroître leurs parts de marché, les factors innovent et se tournent vers l’international.

Longtemps, l’affacturage a pâti d’une réputation sulfureuse. Ce procédé, qui consiste à céder ses créances à un organisme extérieur appelé factor, contre du cash, semblait réservé aux entreprises les plus fragiles. Depuis quelques années, l’image de l’affacturage s’est nettement éclaircie. Pour preuve, selon l’Association française des sociétés financières, à fin septembre, la production cumulée des quatre derniers trimestres s’élevait à 265,7 milliards d’euros, soit un volume annuel d’activité qui a plus que doublé au cours des huit dernières années. Plusieurs raisons expliquent cette dynamique. La première demeure bien sûr le financement du besoin en fonds de roulement au regard des délais de paiement clients trop longs. Le médiateur des entreprises estime ainsi qu’environ un quart des défaillances est imputable aux retards de paiement. La seconde raison est à chercher du côté de l’offre. Le marché fait en effet l’objet d’une concurrence exacerbée, renforcée par la percée des fintechs. Pour s’adapter, les professionnels renforcent leurs offres auprès des TPE-PME. « Le marché de l’affacturage sur le segment des entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires annuel compris entre 250000 et 15 millions d’euros représente en nombre d’adhérents 90% du marché total de l’affacturage. C’est un segment très actif et concurrentiel », constate Cyril de Robillard, associé chez Chateaudun Crédit. Pour se distinguer, les factors renforcent leurs offres et se tournent vers l’international. Autant de démarches qui visent à élargir un marché limité aujourd’hui à 40000 entreprises en France.

Fiction : Quand Enguerrand rate les coches

Reprendre une entreprise dans une conjoncture difficile ? Pas de souci pour Enguerrand, désormais à la tête d’une petite PME de décolletage dans la vallée de l’Arve. Problème, ses donneurs d’ordres, de grands groupes automobiles, rechignent à régler leurs factures en temps et en heure. Comment assurer le besoin de fonds de roulement de la société dans l’attente des paiements ? Enguerrand n’en dort pas de la nuit. Dommage, une étude du marché de l’affacturage lui aurait évité les calmants qu’il ingurgite à un rythme effréné. Enfin informé de l’existence de cette solution de financement, Enguerrand s’inquiète du qu’en-dira-t-on dans une région où tout le monde se connaît. Pourtant, il devrait savoir que l’affacturage confidentiel est devenu monnaie courante . Ni vu ni connu ! Alors que son activité, l’usinage de petites pièces, demande parfois beaucoup de temps, Enguerrand pourrait bénéficier des nouvelles solutions de financement lancées récemment par les factors, pour couvrir les factures intermédiaires par exemple . Mais là encore, il rate le coche et continue de s’endormir en espérant recevoir enfin ces satanés virements. Un jour sur le Net, il tombe sur une publicité pour une fintech proposant une solution de financement à court terme aussi souple que simple. Méfiant à l’égard de ces nouveaux acteurs non bancaires, il préfère fermer la fenêtre de son ordinateur . Conséquence, il continue à souffrir malgré une abondance de commandes. Un donneur d’ordres italien traverse le tunnel du Mont Blanc pour solliciter ses services. La mort dans l’âme, il choisit d’éconduire ce nouveau client étranger. C’est déjà la croix et la bannière pour récupérer une créance en France, alors n’en parlons pas pour l’international, pense-t-il. Encore une fois, il rate là une belle occasion de prospérer…

  1. Les factors aux petits soins

« Le marché de l’affacturage est en plein boom, soutenu par les initiatives de factors qui cherchent à toucher des entreprises de plus en plus petites, à partir de 200000 euros de chiffre d’affaires », indique Gilles Maman, responsable Sales Support & Marketing chez ABN Amro. Selon Cyril de Robillard, associé de Chateaudun Crédit, « le forfait est facturé entre 150 et 350 euros selon les factors pour des sociétés réalisant un chiffre d’affaires compris entre 100000 et 400000 euros, et entre 350 et 750 euros pour des sociétés réalisant moins de 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires par an. Un forfait auquel il convient d’ajouter des frais financiers qui dépendent du montant des factures à payer et de la durée du financement octroyé ». Ces offres appelées « full factoring » proposent en règle générale de prendre en charge la gestion du poste client, incluant la gestion des encaissements, le financement, la relance, le recouvrement, et l’assurance-crédit. Toutefois, beaucoup de TPE ressentent le besoin de mettre leur banque en concurrence, via des courtiers, dans la mise en place d’un contrat d’affacturage. En effet, Cyril de Robillard détaille : «  le délai d’instruction d’un dossier pour la mise en place d’un contrat d’affacturage avec un factor bancaire peut paraître long pour un dirigeant de TPE. Il faut plusieurs jours, souvent plus d’une semaine pour nouer un contrat d’affacturage avec un factor. L’affacturage pour les TPE doit répondre à un critère d’urgence que les réseaux bancaires traditionnels ont parfois du mal à satisfaire. Sur ce point, un courtier permet d’accélérer les processus de décision des factors, par sa connaissance du marché et des offres ».

  1. L’affacturage confidentiel à la portée du plus grand nombre

L’affacturage confidentiel présente la particularité que la relation avec le factor n’est pas portée à la connaissance des clients. Premier atout de cette option  : l’image de l’entreprise ne souffre pas, puisque le recours à une société d’affacturage n’est pas ébruité. Le deuxième avantage : la société conserve la main sur la gestion du poste client ainsi que sur les créances commerciales qu’elle établit. Une façon de pérenniser l’aspect relationnel et, ainsi, d’écarter un des inconvénients de l’affacturage traditionnel : la dégradation de la relation client-fournisseur. « De plus en plus d’entreprises veulent conserver la gestion du recouvrement, la relation client étant stratégique », constate Gilles Maman.  « Autrefois réservé aux multinationales et grandes entreprises, l’affacturage confidentiel est désormais proposé de plus en plus aux PME, leur permettant de garder la gestion du poste client. Nos contrats d’affacturage confidentiels incluent également une assurance-crédit pour protéger nos clients contre l’insolvabilité de leurs débiteurs. Nous acceptons également la délégation d’assurance quand nos clients ont déjà un contrat d’assurance crédit », indique Béatrice Collot, directrice Global Trade and Receivable Finance France chez HSBC France. Cette option a également l’avantage d’être moins onéreuse puisque les services du factor sont plus limités.

  1. Couverture de factures intermédiaires

Pour élargir leur clientèle, les factors font feu de tout bois en diversifiant notamment leurs solutions de financement. Par exemple, les nouvelles offres Cadencio de Crédit Agricole Leasing & Factoring et Pro Situ de Natixis Factor permettent de financer les factures intermédiaires, qui correspondent à des prestations en cours de réalisation. « L’offre Cadencio s’adresse notamment aux secteurs de la construction (marchés publics et privés), de l’informatique et de la fabrication industrielle, où les sociétés sont souvent engagées dans des prestations longues, complexes et coûteuses et confrontées à des problématiques de liquidité et à des contraintes de délais de paiement. Cadencio leur permet de soulager leur trésorerie en bénéficiant d’un financement rapide des créances cédées », explique Orli Hazan, directrice de la relation clients affacturage de Crédit Agricole Leasing & Factoring. FactoFrance, l’entité née du rachat des activités de leasing et d’affacturage de General Electric en France et en Allemagne par BFCM (Groupe Crédit Mutuel), a pour sa part lancé une solution de financement des stocks couplée à de l’affacturage classique. Il y a trois ans déjà, ABN Amro a innové en lançant un produit pour financer les centrales d’achat, dans le sport et les matériaux de construction. « Nous avons combiné le reverse factoring et l’affacturage confidentiel dans ce produit qui sert les intérêts des fournisseurs, des adhérents et de la centrale. L’un des objectifs est de permettre aux adhérents de payer leur fournisseur non pas à 45 jours mais jusqu’à 120 jours, tout en étant en règle par rapport aux délais légaux (LME) », résume Gilles Maman.

  1. L’essor des fintechs profite à tous

Depuis près de deux ans, le marché de l’affacturage est bouleversé par l’émergence de nouveaux acteurs, les fintechs, à l’instar de Finexkap, Creancio, Urica ou encore Aston iTrade. « Nous venons de dépasser le cap des 50 millions d’euros de factures financées depuis notre lancement début 2015. Le service offert par Finexkap affiche une croissance d’environ 20% par mois depuis le début de l’année. Les TPE/PME s’intéressent de plus en plus aux services des fintechs comme la nôtre. Surtout, elles nous font de plus en plus confiance. Ainsi, 60% de nos entreprises clientes utilisent le produit offert par Finexkap comme l’une des sources principales de financement court terme. Cette récurrence illustre l’atout du financement non bancaire en ligne », se félicitent Arthur de Catheu et Cédric Teissier, fondateurs dirigeants de Finexkap. « C’est sur la demande forte de réactivité (réponse online) et de dématérialisation (100% digital) que les fintechs ont basé leur communication. Ainsi, le marché a beaucoup évolué ces dernières années (offres au forfait, pas de minimum annuel, pas d’engagement annuel, facturation réduite si pas d’utilisation) cherchant à innover tant sur les prix que sur les produits », constate Cyril de Robillard. Pour autant, les factors traditionnels ne semblent pas inquiets de cette concurrence finalement motivante. « Les fintechs sur l’affacturage sont complémentaires aux acteurs bancaires : le digital n’est pas une fin en soi mais un moyen de nous adapter aux attentes et aux usages de nos clients, 100% humain/100% digital », indique Orli Hazan. Actuellement, Crédit Agricole Leasing & Factoring investit massivement pour adapter ses offres, sa relation client et ses applications. « Nous étudions également avec intérêt le business model des fintechs, qui mettent en avant leur simplicité de fonctionnement et leur rapidité de financement. Leur arrivée sur le marché nous pousse, en tant que factor banquier, à réfléchir à l’évolution de notre business model auprès de notre clientèle de professionnels et de TPE, pour qui l’affacturage peut être perçu comme une solution compliquée », reconnaît Orli Hazan. « Afin de le simplifier auprès de ces clients, les différents factors français se sont d’ailleurs associés pour mettre en place une clarification des frais inhérents à l’affacturage, en les rendant plus lisibles grâce à un récapitulatif des frais payés annuellement et à un glossaire commun qui explicite les terminologies liées à cette solution court terme », poursuit-elle.

  1. Cap sur l’international

Pour élargir leur clientèle, les factors misent de plus en plus sur l’international. « Pour se développer aujourd’hui, les entreprises, et notamment les ETI, mettent en place des projets d’expansion à l’international. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le développement à l’international est bien reflété dans les chiffres du marché de l’affacturage », explique Orli Hazan. Depuis quelque temps, la part de l’activité à l’étranger augmente et tend vers presque un tiers des opérations d’affacturage en France, puisqu’elle représente aujourd’hui 29,1% du total des opérations à la fin du premier semestre 2016, contre 18,8% il y a trois ans. « Cette information nous apporte deux éléments : une augmentation de l’activité à l’international mais aussi un nombre croissant d’entreprises qui font appel à l’affacturage pour se développer », souligne Orli Hazan. Crédit Agricole Leasing & Factoring propose par exemple deux offres qui sont particulièrement adaptées pour accompagner la croissance à l’international. « Pour les entreprises françaises actives à l’export, notre offre inclut le financement des créances, la relance et le recouvrement adaptés aux spécificités locales, la couverture du risque client, ainsi que la gestion administrative et comptable. Pour les entreprises ayant des filiales en Europe, notre offre European Pass permet de bénéficier d’une gestion centralisée des contrats », détaille la directrice de la relation clients affacturage de Crédit Agricole Leasing & Factoring. De son côté, Natixis Factor, qui accompagne déjà les entreprises françaises dans 15 pays, vient d’ouvrir une filiale au Danemark. « Les sociétés d’affacturage accélèrent clairement leur développement à l’international. Une tendance logique qui accompagne l’exposition croissante des PME-TPE aux marchés européens, voire à d’autres continents. HSBC, présent dans 55 pays, tire son épingle du jeu en proposant des services dédiés pour l’Europe, l’Asie et les Etats-Unis », conclut Béatrice Collot.

Pierre-Jean Lepagnot

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