Temps de lecture estimé : 2 minutes
Professeur à l’université de Bourgogne, socio-anthropologue et auteur
Quel est, selon vous, le signe le plus marquant de notre époque ?
C’est l’omniprésence des écrans. Ils sont partout : dans nos relations amicales, amoureuses, professionnelles… Dans les cafés, les restaurants, les brasseries, sur nos chaînes d’info en continu qui tournent en permanence. Nous vivons désormais dans une société écran total.
Et ce n’est pas qu’un jeu de mots : cela signifie que petit à petit nous nous mettons à distance des autres. Dans le monde de l’entreprise, on observe ce même mouvement. Le travail s’est déporté vers le « télé » — qui signifie, en grec, « à distance ». On peut désormais être aux quatre coins du monde et continuer à travailler.
Le Covid a accéléré cette tendance, et l’irruption de l’IA, sortie comme un diable de sa boîte, l’a encore renforcée. Nous voyons apparaître une génération qui ne veut plus mettre les pieds dans un bureau avec des collègues. Leur idéal : travailler avec leur écran de Bali, du Mexique ou d’ailleurs. La numérisation du travail et le télé généralisé sont deux grandes tendances de notre époque.
Qu’est-ce qui vous permet de tenir debout quand tout vacille ?
Un quotidien agréable, une santé robuste, et surtout… les projets ! Les projets d’écriture, amicaux, éditoriaux, de voyage etc. J’ai toujours « le pied poudreux », comme le dieu aux chevilles ailées et les yeux fixés sur l’horizon.
Ce qui me fait tenir et avancer, ce sont mes proches, écrire, parler, voyager, rencontrer, partager, aimer.
Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu ?
Qu’un échec n’est pas un échec, mais une leçon. On apprend bien plus de ses échecs que de ses réussites, à condition d’avoir l’humilité et le recul nécessaires.
Et puis, un autre conseil : la patience. La roue finit toujours par tourner.
Économiquement, où placez-vous l’espoir pour la France ?
Soyons francs, je suis inquiet. Certes, certains indicateurs économiques ne sont pas si mauvais, mais le juge impitoyable, c’est la dette. Et la dette française croît de seconde en seconde : c’est un fardeau terrible pour les générations futures.
J’ai peur, à moyen terme, d’une mise sous tutelle internationale. Ce serait, pour nous, la fin de la récréation. Malgré tout, je place l’espoir dans la capacité française à se réinventer. J’espère que la nouvelle génération, formée à l’international, à l’IA, à l’incertitude et à l’impermanence, saura reprendre les manettes et reconstruire ce qui doit l’être …
Comment tenir debout collectivement quand ça vacille ?
En prenant conscience que nous partageons un destin commun. Il faut réenchanter le collectif, et pour cela, les rites sont essentiels. Ils sont le fil qui relie les perles d’un collier : les individus, les communautés.
Les grands rituels familiaux, communautaires, nationaux nous rappellent que nous faisons partie d’un dessein plus grand que nous. Regardez les JO : tout le monde prédisait le pire, et finalement, ce fut une formidable parenthèse enchantée.
La France a besoin de se donner plus souvent ce type d’expériences collectives, pas seulement dans le sport ou la culture, mais aussi dans la fierté de partager une langue, une histoire, un destin … Comme un grand patchwork qui réunit nos différences pour former un manteau d’Arlequin !






























