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Questions d’intelligence non artificielles
Que d’effets d’annonce concernant la voiture autonome ! Mais si, telle sœur Anne dans La Barbe Bleue, nous ne voyons toujours rien venir, c’est parce que les technologies des prototypes doivent être perfectionnées, mais aussi parce qu’elles soulèvent des questions quasi-philosophiques et non résolues. Que doit faire l’algorithme dirigeant le véhicule, s’il doit, dans une situation catastrophique, choisir entre tuer le passager ou deux piétons dans la rue ? Doit-il être loyal à celui qu’il transporte ? Ou épargner le plus grand nombre de vies humaines dans la cité ? Le sujet de la « morale » de l’algorithme reste à trancher. L’assistant numérique intelligent, qui demain organisera nos vacances et gèrera nos comptes comme l’Enquête le révèle, pourra-t-il accumuler des données sur nous pour le compte des géants du Web, ou sélectionner les informations qu’il nous transmet ? La responsabilité juridique est aussi un casse-tête : qui incriminer en cas d’accident de la voiture autonome ? Les passagers ? Le fabricant de la voiture ? L’entreprise qui a développé l’algorithme ? L’employé de cette entreprise qui a écrit le programme ? Alors que l’IA est amenée à prendre des décisions impactant toujours plus nos vies, comme le Rétrospective le retrace, accordant ou refusant des prêts à la consommation, décidant de verbaliser ou non les automobilistes, permettant des avancées tous azimuts selon le Régions & Territoires, il est temps de se poser des questions sur ce que nous, humains, devons déléguer. L’exemple de la justice, souligné dans le Prospective, est évocateur : une décision de condamnation peut-elle être confiée à des algorithmes-juges ? Des juges d’application des peines inhumains, impartiaux, incorruptibles, non soumis à leur métabolisme – les études démontrant qu’aujourd’hui les juges sont plus sévères avant le déjeuner que juste après ! Il importe de calibrer le rôle de l’IA, en fonction des progrès techniques réalisés. Aujourd’hui nous ne sommes pas capables de concevoir des IA qui aient l’empathie nécessaire pour tenir compte de la complexité humaine de chaque cas. Mais la question se reposera… De même, le « transhumanisme » abordé dans le Tour du Monde de l’innovation doit se réfléchir et parfois se freiner, au nom de la notion d’humanité. Aujourd’hui des innovations sont synonymes de tels bouleversements qu’elles nous questionnent sur ce que nous sommes et voulons. Certaines sont acceptables et même souhaitables, d’autres sont à limiter, en attendant des améliorations, en accord avec des cercles de réflexion philosophiques, sociologiques, universitaires… Encore faut-il connaître le degré d’avancement. L’éducation à la programmation et à l’informatique à l’école, ou encore le reverse mentoring exploré dans le Manager Autrement sont les premiers pas vers une meilleure connaissance des technologies, et donc moins de préjugés face à ces questions ô combien importantes pour la suite…
Jean-Baptiste Leprince
Fondateur & directeur de la publication
Julien Tarby
Rédacteur en chef