EcoRéseau Business n°43

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Cuisine de rentrée

Les gourmets, lorsqu’ils passent entre Rhône et Saône, ne sont pas insensibles à la cervelle de canut. Mais peu d’entre eux savent que cette faisselle aux herbes tient son nom de la révolte des ouvriers de la soie, qui commença lors de la monarchie de Juillet en 1831, et fut réprimée dans le sang cinq années durant. Déjà à l’époque, sur les pentes de la Croix-Rousse, des hommes luttaient avec acharnement contre l’innovation – symbolisée par la machine à tisser Jacquard – par crainte de perdre leur emploi et de se retrouver à la rue. D’autres arguaient que cette avancée allait dégager des gains de productivité, du temps de loisir pour les gens, tout en créant de nouvelles formes d’emploi plus agréables. En 1930, l’économiste anglais John Maynard Keynes prédisait d’ailleurs – dans une fiction – qu’un siècle plus tard, donc en 2030, on pourrait se contenter de travailler 15 heures par semaine, quand le principal problème résiderait dans la répartition du travail. C’est cet éternel débat entre optimistes et pessimistes qu’a ouvert une fois de plus Benoît Hamon avec son idée de revenu universel, partant lui aussi du principe que le travail était limité. Les ruptures que promettent les robots et l’intelligence artificielle sont telles que certains en viennent à prédire une mutation totale, voire une disparition du travail humain. Des dispositifs doivent en tout cas accompagner cette « destruction créatrice », déstructurant la société, comme expliqué dans le Grand Angle. Sachant que les jobs de demain ne sont pas encore connus, la manière – de recruter d’après le Région & Territoire –  de se former selon le Prospective – de se fédérer (syndiquer) aussi comme le prédit l’Hexagone – vont évoluer. La technologie remodèle et dépoussière des secteurs comme celui de la construction et de l’immobilier analysé dans l’Enquête, ou de la traduction instantanée d’après le Haute Résolution. Mais elle fait peur à la majorité des salariés, car elle peut les mettre « hors-jeu » en un tournemain, ou permettre certains abus de contrôle et surveillance sous couvert de les aider à mieux faire leur travail, le décryptage sur les outils de productivité en attestant. Quoi qu’il en soit elle prend une place majeure dans nos vies et obligera les gens à travailler d’une autre manière. Ils n’auront plus le même statut, devront être plus autonomes. Le droit du travail va devoir évoluer, le changement du Code du travail de cet automne n’étant qu’une des prémices. Le management va forcément être révolutionné. Les liens de subordination se distendent, l’autonomie s’accroît, la culture du résultat progresse. Le fait que des entreprises proposent les vacances illimitées – comme relaté dans le Manager autrement – prouve que les relations de travail ont commencé à muer. L’entreprise et le CDI ne seront plus cet horizon indépassable et l’on voudra parfaire constamment son employabilité. L’ère des prestataires individuels, des freelances, des périodes de chômage et des formations longues ne fait que commencer. Des mesures doivent être prises, individuellement et collectivement, pour profiter de cette myriade d’innovations en gestation, et non subir ces algorithmes aptes à remplir des tâches humaines toujours plus efficacement. Une capacité synonyme de bouleversements, mais aussi de progrès humains si l’on s’y prépare. Ce numéro de rentrée sociale donne quelques pistes, pour que les fromages du futur soient affublés de nominations plus pacifistes…

Jean-Baptiste Leprince
Fondateur & directeur de la publication

Julien Tarby
Rédacteur en chef

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