Parité homme-femme, les pays et les entreprises qui se démarquent

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L’inspiration vient du Nord

Dans le sillage de l’affaire Weinstein, Emmanuel Macron déclare, le 25 novembre 2017, l’égalité hommes-femmes « grande cause » de son quinquennat. Quatre mois plus tard, les mesures en faveur de l’équité salariale se font toujours attendre. Les exemples d’initiatives ne manquent pourtant pas à l’étranger.

Le 8 mars dernier, pour la journée de la Femme, Edouard Philippe, Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa dévoilent leurs très attendues 50 mesures pour l’égalité hommes-femmes. Parmi elles, une poignée vise le monde de l’entreprise : intégration obligatoire d’un logiciel libre pour comparer les écarts de rémunération dès 2019 (pour les entreprises de plus de 250 salariés) puis en 2020 (pour les organisations de plus de 50 salariés), publication d’une liste des noms des mauvais élèves (le fameux name & shame), multiplication des contrôles de l’Inspection du travail (de 1 700 aujourd’hui à 7 000) et création d’une amende pouvant atteindre 1 % de la masse salariale pour les entreprises qui n’auraient pas résorbé ces différences à partir de 2022. Censées réduire les écarts d’ici trois ans, ces mesures seront finalement examinées fin avril en Conseil des ministres.

Des inégalités en hausse

En France, la loi d’Yvette Roudy impose pourtant déjà, depuis 40 ans, une égalité de rémunération à travail égal. Des sanctions contre les entreprises ne respectant pas ce principe (amende plafonnée à 1 % de la masse salariale ou interdiction de candidater aux marchés public) sont également prévues par d’autres textes. Malgré ces dispositions, l’Hexagone peine à se hisser en première ligne dans ce combat.

Pire, cet arsenal semble bien timide alors que les différences de salaires en fonction des sexes ne cessent de se creuser en France. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce phénomène ne tend pas à se résorber chez nous, bien au contraire », observe l’économiste Erwann Tison, directeur des études du think tank l’Institut Sapiens, spécialisé sur les questions du numérique. « Avec la hausse du chômage et la stagnation des salaires, il tend même à s’accentuer. L’écart s’élève aujourd’hui à 24 % chez les cadres et 9 % chez les employés et les ouvriers. » Ces chiffres placent tout juste la France dans la moyenne des pays de l’Eurostat. Mais la tendance n’est pas favorable. Le jour symbolique à partir duquel les femmes commencent à travailler «bénévolement» à cause de ces écarts a même reculé, passant du 7 novembre en 2016, au 3 novembre à 11h44 précise, l’année dernière, selon les calculs de l’association féministe Les Glorieuses…

La radicalité au Nord, la soft law pour l’Allemagne et l’Angleterre et l’exception suédoise

Cette inégalité est une aberration économique. « Nombre d’études montrent que l’absence même de diversité en entreprise engendre un retard de croissance, déplore l’économiste. Pas uniquement sur le plan comptable, mais surtout en terme de productivité (avec des marges brutes supérieures dans 23 % des cas), de bien-être du salarié (+4 % de taux d’engagement) et d’image de marque. »

Pour accroître la performance de leurs entreprises, d’autres pays font preuve de davantage de volontarisme. En Islande, où ces inégalités s’élèvent en moyenne à 16 %, le gouvernement s’est donné deux ans pour les éradiquer. Pour cela, le pays est devenu le premier à mettre en place une loi rendant strictement obligatoire la parité salariale : depuis le 1er janvier, toutes les entreprises privées et publiques de plus de 25 employés doivent ainsi justifier, document à l’appui, qu’elles appliquent un strict équilibre salarial, sous peine d’amende.

Un peu moins radicale, l’Allemagne (21 % d’écarts) a instauré depuis le 6 janvier dans les entreprises de plus de 200 employés une loi de transparence, permettant aux salariés qui le demandent de connaître le salaire moyen de cinq homologues du sexe opposé. De même, le Royaume-Uni a voté, le 6 avril 2017, une loi obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à déclarer les revenus moyens de leurs 15 millions d’employés et à révéler la répartition par sexe de leur grille salariale. Mais sans prévoir de sanctions financières. En Suède, des incitations pécuniaires sont accordées aux entreprises qui respectent un cahier des charges de bonnes conduites.

La Norvège et le Portugal, meilleurs élèves pour le congé paternité

Le gouvernement d’Emmanuel Macron opte pour une autre voie. « Ce qui apparaît intéressant est qu’il n’a pas seulement la volonté d’utiliser l’arsenal législatif, mais qu’il compte aussi sur d’autres dispositifs comme le name and shame, pour « taper là ou ça fait mal », pointe Erwann Tison. Le risque de réputation peut en effet aboutir à des coûts bien supérieurs à ceux d’une simple amende, comme l’a récemment montré le scandale Volkswagen, par exemple. »

L’économiste prône également d’autres propositions touchant davantage la sphère sociale. « En priorité, la mesure qui a eu le plus de résultats partout consiste à revaloriser les congés paternité et parental. Actuellement, les nôtres font partie des moins attractifs en Europe, avec seulement 11 jours pour le premier et un traitement de moins de 400 euros par mois pendant un an pour le second !, analyse l’économiste. En France, seuls 4 % des pères choisissent de prendre un congé parental et 70 % un congé paternité. » Pour favoriser ce partage plus égalitaire, au sein du couple, entre l’environnement professionnel et privé, le Portugal dispose par exemple d’un congé parental compris entre 80 et 100 % du salaire, pour une durée de 120 à 150 jours. En Norvège, le pays alloue même une somme à partager à discrétion par le ménage.

La peur doit changer de camp

Mais du côté des entreprises françaises, en particulier au sein des grands groupes où les postes de direction restent trustés par les hommes, le choc fait encore peur. « L’égalité des rémunérations devrait conduire à une hausse de la masse salariale, mais aussi à une baisse de l’impôt sur les sociétés, précise Erwann Tison. Mais on remarque que les entreprises qui y parviennent le mieux sont celles qui appliquent des mesures progressives de rattrapage. Il ne faut bien évidemment pas le faire en un exercice, mais viser une croissance de 2,5 % par an des salaires féminins, pour atteindre l’équilibre entre cinq et sept ans. »

Pierre Havez

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