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Faire bouger les lignes de l’entreprise, effet de style ou réalité avec un MBA ou un EMBA en poche ?

Dans le marché ultra-concurrentiel de l’executive education, le MBA et l’Executive MBA tiennent toujours le haut du pavé. Les raisons sont évidentes. Ces formations réservées à une poignée d’élus donnent toujours le moyen en 2020 de négocier une hausse significative de salaire (24 % après l’Executive MBA à Audencia), d’accéder à des postes clés dans l’organigramme de l’entreprise, de construire un réseau international et de, pourquoi pas, dans de rares proportions, tenter sa chance dans le conseil ou l’entrepreneuriat… 

Pour séduire entreprises et candidats, les établissements doivent jouer des coudes. Faire évoluer les formats (hyperpersonnalisation des parcours, spécialisation et mise à jour des électifs, contenus de plus en plus immersifs lors des séminaires et autres learning trips…), les rendre attractifs et surtout les corréler avec les enjeux actuels et à venir de l’entreprise sont devenus des impératifs. De nombreuses initiatives sont prises, comme chez Kedge Business School qui entame deux partenariats avec Frankfurt School of Finance and Management ainsi que SDAB, Bocconi School of Management pour « réfléchir sur l’avenir de nos MBA, nos pôles de compétences, échanger les bonnes pratiques », précise Hervé Remaud, professeur senior de Marketing chez Kedge et directeur du Kedge Global Executive MBA.

Malgré ces efforts, plusieurs ombres au tableau demeurent au moment où les candidats souhaitent de nouveau s’asseoir sur les bancs d’une école : convaincre l’entreprise d’un tel projet et trouver la bonne formule pour concilier projet professionnel, vie privée et formation.

Complexité RH, marque employeur et fidélisation des talents

Une première distinction est à souligner, du moins pour les formations françaises. Le MBA ou global MBA se destine à un public de trentenaires avec une expérience de cinq ans au minimum. La formation se déroule généralement à temps complet d’où les appellations Full time MBA. L’Executive MBA, à l’image de ceux d’ESCP, de HEC ou encore de l’Essec et d’emLyon proposent des formules à temps partiel : 83 % de la cohorte est en activité à Audencia, 98 % chez Kedge. Vous l’aurez compris, l’Executive MBA s’inscrit dans une dynamique RH complexe. Il s’agit de maintenir la personne en poste et de la faire évoluer en consacrant ses temps libres et une partie de son temps professionnel à l’obtention d’un MBA. Le tout en adéquation avec la hiérarchie directe et la direction RH pour valoriser cette prise de hauteur que constitue le MBA.

Dans ce cas de figure où l’entreprise cofinance la formation, il n’est pas rare que le participant réponde directement à des questions d’ordre stratégique de son entreprise dans le cadre même de son MBA. L’entreprise qui décide d’envoyer son cadre en formation doit trouver l’équilibre entre le coût généré et les indisponibilités qu’engendre le MBA, et les retombées de la formation sur le plan stratégique de l’entreprise : internationalisation du portefeuille client, optimisation de la gestion budgétaire, implémentation de l’innovation non technologique dans les mécanismes RH, etc.

Investir pour un collaborateur brillant, reconnaître son potentiel et, finalement, le promouvoir après l’obtention du diplôme, devient un argument dans la retenue des talents. Le retour sur investissement se mesure à la fois sur cette capacité à garder les talents et sur la valeur ajoutée indéniable qu’apporte la formation. La logique de collaboration entreprises-participants aux MBA pourrait cependant varier. C’est par exemple le cas lorsque les sociétés partenaires présentent d’abord une étude pratique dans le cadre du MBA sur un développement produit ou sur une réorganisation stratégique et réalisent le potentiel de recrutement par rapport aux solutions proposées. Ce procédé pousse les étudiants à se faire identifier et à se valoriser directement dans l’écosystème des entreprises.

Concilier les intérêts de l’entreprise et les intérêts personnels

Au préalable, il faut bien sûr s’assurer que son projet professionnel soit en adéquation avec la formation choisie. Anne Villate, responsable recrutement Executive MBA à Audencia, met en garde : « Si une personne est intéressée par un MBA et veut poursuivre sa carrière à l’international, si elle a prélablement ciblé un marché ou des opportunités, le choix de réaliser un MBA à l’étranger semble tout indiqué. Cela dit, il faut mesurer les risques. Par exemple, un MBA aux États-Unis se réalise sur deux ans et pourrait vite atteindre un montant de 100 000 dollars… [65 000 euros pour l’EMBA de HEC, 38 500 euros à Audencia et 39 000 euros du côté de Kedge, d’après nos informations]. Une fois la formation obtenue, il faut se montrer vigilant sur l’évolution de son visa et avoir conscience de son employabilité par rapport à la constitution d’un nouveau réseau sur un marché du travail dont on ignore souvent les règles. On se trompe en se disant que l’EMBA est d’abord un passeport pour travailler dans une multinationale à l’étranger. »

L’art de la souplesse pour séduire les plus occupés

À l’image d’autres programmes, notamment de formation initiale, MBA et EMBA tendent vers des formules plus flexibles et plus personnalisées.

« La flexibilité se concrétise dans les rythmes de formation. Certains veulent accélérer la cadence et reprendre une mission sur un an, d’autres se positionnent sur des missions stratégiques et veulent lisser leur formation. Concrètement, le parcours représente 72 jours de formation et se boucle en 12 mois [9 mois pour le MBA de Montpellier Business School, 10 mois pour le Global MBA d’Edhec Business School, 14 mois pour l’EMBA de Toulouse Business School]. Mais il se lisse parfaitement sur presque deux ans si le participant le décide », explique Anne Villate.

Fidéliser en investissant ?

Investir dans les talents reste l’un des fondamentaux de la fidélisation des salarié/es et un fer de lance de la marque employeur. Sur ce sujet, l’EMBA et le MBA constituent tous deux de vrais leviers de rétention des hauts potentiels. Anne Villate : « Cofinancer ce type de programme, c’est montrer à son son/sa collaborateur/trice le désir de le/la faire évoluer vers des missions stratégiques. On pense toujours que l’EMBA est une façon de partir. Mais non, il favorise également les mobilités internes. Imaginez, au contraire, une entreprise qui se ferme à l’idée de financer ou d’autoriser son collaborateur à ce type de programme. Ce type de profil ne restera pas longtemps dans ce type d’organisation. »

Vendre du conseil stratégique

La dimension conseil stratégique devient également un argument de poids pour pencher en faveur de ces programmes. Un haut potentiel, entouré de pairs, ou un cadre senior épaulé par un collège d’enseignants et d’experts internationaux ne peuvent que faire progresser les organisations de l’intérieur. « Notre EMBA répond à un cahier des charges qui découle des multiples accréditations. De nombreux livrables sont prévus et respectent un cahier des charges rigoureux avec une méthodologie éprouvée. Ce type de publication est déjà un premier ROI pour l’entreprise. De quoi permettre également au participant de prendre part à la stratégie de développement de son entreprise et de s’engager sur de nouveaux projets. Finalement, on redonne du sens aux missions des participants et l’on reçoit un conseil stratégique de la part d’une personne qui connaît l’entreprise de l’intérieur », explique Anne Villate.

Le coaching : garantie d’un changement de posture managériale ?

Autre point commun à mettre en avant entre le MBA et l’EMBA, le focus accordé au développement personnel. Chez Audencia, le développement du leadership en face à face représente 12 % du programme EMBA. À quoi s’ajoute le coaching collectif. Ce côté introspectif de la formation est une tendance, dans l’air du temps. Hervé Remaud, professeur senior de marketing chez Kedge et directeur du Kedge Global Executive MBA, le confirme : « Il n’existe pas de motif unique qui pousse les talents à entreprendre un EMBA. Mais il existe un maître-mot, le changement. L’EMBA est une démarche continue pour “se changer”, et j’entends par là changer de braquet, de réflexion, mûrir les compétences. Il s’agit bien plus de se changer pour atteindre un c-level que de changer de structure. » Pour accompagner ses cohortes, Kedge fait ainsi bénéficier chaque participant de 18 heures de coaching, lequel d’ailleurs commence dès le moment où le participant souhaite vendre son projet de formation en interne. « Nous proposons dans cette perspective du coaching collectif à Kedge pour que le candidat mobilise les bons arguments et se fasse accompagner sur la partie financement », souligne Bénédicte Germon, en charge du développement pour l’EMBA chez Kedge.

Geoffroy Framery

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