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Chaque année, des milliers de salarié·es retournent en classe pour se former.
Ils·elles ont 25, 30 ou 40 ans et retrouvent les bancs de l’école. Ces Français·es ont fait le choix de la formation continue, la reprise de leurs études après une courte ou – parfois très longue – interruption. Envie d’évoluer dans leur carrière, d’améliorer leurs compétences ou simple sentiment d’inachevé, les adeptes de la formation continue disposent d’une offre très large en France : écoles de commerce, IAE (Instituts d’administration des entreprises), universités… un panel divers qui rend souvent le choix de son établissement difficile. Éclairage pratique.
À qui s’adresse la formation continue ? Pourquoi se former à 30 ou 40 ans ? Comment y accéder ? « La formation ne s’arrête pas, nous nous formons tout au long de notre vie », plaide Éric Lamarque, directeur de l’IAE de Paris. Alléchant sur le papier, mais difficile parfois de retourner en cours pour un·e salarié·e déjà en entreprise et qui parfois a construit une vie de famille. La formation continue requiert de l’engagement et une motivation à toute épreuve. Condition sine qua non pour délivrer à ces « apprenant·es » des diplômes valorisés et qui témoignent de réelles compétences.
Porte d’entrée pour de nouvelles perspectives professionnelles
La formation continue ne date pas d’hier. Mais elle a clairement pris un sacré virage depuis peu : « Le dispositif de formation pendant la vie professionnelle est vieux d’une trentaine d’années chez Audencia, mais on a constaté un véritable coup d’accélérateur ces cinq-dix dernières années », remarque Makram Chemangui, le directeur général adjoint de l’école nantaise. Sans doute pour s’adapter à une demande. Contrairement à la formation initiale, ils·elles en ont fini – le temps d’un instant – avec les études. Et puis il a fallu se (re)former. Pour des raisons multiples : aspiration à un poste plus élevé, reconversion, acquérir de nouveaux savoir-faire pour trouver un emploi. À Kedge Business School, « on ne forme pas moins de 5 000 personnes dans ce cadre chaque année, dont le public historique s’apparente à une clientèle btoc en quête d’une montée en compétences. Ces dernières années, nous constatons une forte évolution du btob et du btobtoc », explique Franck Roger, le directeur du développement formation continue de l’école.
Même son du côté de l’Université de technologie de Compiègne (UTC) : « Notre public se trouve généralement déjà en emploi, mais beaucoup sont porté·es par leur entreprise qui voient en eux·elles les ingénieur·es de demain, d’où cette volonté de préparer un diplôme d’ingénieur·e en formation continue », constate François Velu, directeur de la formation continue de l’UTC. Pour beaucoup de salarié·es qui n’ont pas toujours connu un parcours scolaire des plus brillants durant leur jeunesse, ils·elles se rendent compte de la nécessité d’obtenir un diplôme pour gravir les échelons.
Le caractère professionnalisant attire. Et il demeure incarné par l’ensemble du corps enseignant, imprégné d’une culture d’entreprise. « Nous avons 60 % de nos intervenant·es qui sont issu·es du monde professionnel, et même nos professeur·es académiques ont souvent eu une expérience en entreprise. D’où notre réelle appétence pour ce type d’enseignant·es », se félicite Franck Roger, directeur du développement à Kedge. Idem à l’IAE de Paris qui préfère miser sur des professeur·es capables de valoriser « cette double expérience des mondes de l’entreprise et académique. Beaucoup de professionnel·les viennent aussi restituer leur vécu pour faire le lien avec les entreprises, et c’est cette relation étroite qui fait de la formation continue l’ADN des IAE, avec 80 % de nos étudiant·es en formation continue », souligne Éric Lamarque.
Comment y accéder ?
Si la formation continue fait des émules, pas de place garantie. L’entrée au sein de la formation s’opère après l’étude du dossier : « On préfère sélectionner et ainsi éliminer l’échec en amont », avance le directeur de l’IAE de Paris, « pour certains programmes, l’accès se fait sur concours notamment le programme grande école, mais sinon pour la plupart, nous regardons les dossiers, qui déboucheront sur une phase d’admissibilité, avant un entretien oral d’au moins une heure composé d’un jury de deux personnes », énumère Franck Roger pour Kedge Business School dont l’offre est assez large : « Un tiers de nos formations ont été adaptées spécifiquement pour un public de formation continue. »
Bien sûr, pour le·la futur·e apprenant·e, il faudra se montrer capable de faire des sacrifices. Jamais simple de retrouver le chemin de l’école quand on arpente déjà les murs de l’entreprise pendant un certain nombre d’années ou lorsque l’on doit s’occuper de ses enfants. De là, la motivation du·de la candidat·e se devra d’être sans faille. Pour Makram Chemangi, directeur général adjoint d’Audencia, mieux vaut le concours de son entreprise : « S’engager dans une formation continue diplômante constitue un réel investissement personnel et professionnel. Donc, effectivement, si le projet n’est pas coconstruit avec l’entreprise, l’apprenant·e pourra éprouver de grandes difficultés à supporter les exigences du programme. Mais si le choix de la formation continue est encouragé par l’entreprise, alors il ou elle saura mieux s’adapter. »
Pour aider au mieux cette conciliation vie professionnelle et personnelle, certains emplois du temps se révèlent aménageables pour faciliter l’organisation de la personne en formation. C’est vrai à l’UTC : « Il est possible de travailler en temps partagé, par exemple dans le cas d’une formation sur trois ans, le·la formé·e pourra se retrouver sur les bancs de l’UTC deux jours et demie par semaine et bénéficiera de six mois en entreprise », précise François Velu, directeur de la formation continue. À Nantes, « des classes virtuelles sont mises en place pour plus de flexibilité », annonce Makram Chemangui et les horaires de cours s’étalent entre midi et deux ou le soir pour combiner l’emploi du temps de l’apprenant·e avec celui de son entreprise.
Des diplômes valorisés et très peu d’échec
Plusieurs formules existent. Là où certain·es poursuivent une formation continue diplômante, d’autres souhaitent simplement décrocher un certificat ou valider des modules. Un jargon complexe. Bien sûr, les titres délivrés n’offrent sans doute pas les mêmes perspectives, un diplôme se montre logiquement plus complet qu’un module, mais en aucun cas – à titre équivalent –, sortir diplômé·e d’un cursus en formation continue relève d’une moindre valorisation comparativement à un diplôme qui aurait été préparé en formation initiale. Au contraire, « les entreprises se rendent bien compte que l’apprenant·e est parvenu·e à sortir de sa zone de confort, témoigne de son évolution, elles voient d’un très bon œil la reprise d’études et n’hésitent pas à l’accompagner », affirme Franck Roger. Pas de doutes non plus chez Makram Chemangui : « Nous ne délivrons pas de diplômes maisons ! Les diplômes de la formation continue sont accrédités au même titre que les programmes en initiale, on retrouve le même degré d’exigence », estime le directeur général adjoint d’Audencia. Les diplômé·es en formation continue pourraient même se démarquer des autres via « tout leur background et leurs expériences professionnelles passées », plaide François Velu. Le fameux tandem théorie-pratique, très convoité par les entreprises.
Avant la remise du diplôme, indispensable de passer par la case « examens ». Pour Éric Lamarque, directeur de l’IAE de Paris, attention à ne pas tomber dans une évaluation unique des soft skills : « Nous dispensons 360 heures de cours hard skills qui se concentrent sur les notions de rentabilité ou de risque, par exemple. Je crois qu’il faut d’abord se montrer compétent·e dans son métier avant de développer le savoir-être. » Illustration : pour valider un cursus en formation continue à l’IAE de Paris, les apprenant·es devront se confronter aux travaux en groupe mais aussi au… « bon vieil examen sur table, seul·e devant sa copie », souligne Éric Lamarque. Ce goût pour le savoir-être et les projets de groupe reste a priori plus prononcé au sein des grandes écoles de commerce. « Difficile de mesurer le leadership d’une personne sur une copie », ironise Makram Chemangui. À l’arrivée, très peu d’échec, « 98 % de réussite », se réjouit Audencia, « un pourcentage très faible d’échec », note Franck Roger à Kedge Business School.
Peu importe votre âge ou votre parcours, se former demeure toujours possible. Avec une bonne dose de motivation bien entendu pour suivre le rythme imposé par la formation continue. Sans compter vos activités périphériques, qu’elles soient professionnelles ou familiales. Si vous vous sentez prêt·es, reste alors à choisir l’établissement qui correspond le plus à vos attentes. Hormis les écoles et universités que nous avons déjà mentionnées, la formation continue existe aussi dans d’autres établissements comme l’EM Lyon Business School, l’Essec Business School ou encore l’IAE d’Aix-Marseille. La balle, futur·es apprenant·es, est dans votre camp
Geoffrey Wetzel