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La techno au service des profils atypiques ?
Utilisées de façon idoine, les nouvelles technologies autorisent un choix plus large et un recrutement plus rapide. La perle n’est plus si rare.
D’origine australienne, le robot Matilda, à peine 40 cm, a été conçu pour être exploité dans le cadre de la silver economy. En d’autres termes, le robot, par sa capacité à décrypter les expressions du visage et les émotions, adapte son comportement pour assister, aider ou divertir les personnes âgées. Loin de sa vocation première, ses concepteurs ont déjà pensé à décliner ses capacités pour le monde du recrutement. Retour à la réalité. L’intelligence artificielle n’est pas encore arrivée en salle d’entretien mais les nouvelles technologies progressent dans les outils RH. EcoRéseau Business vous distille quelques méthodes avant-gardistes qui redessinent les façons de recruter.
Gagner du temps et mettre le candidat au centre du processus
Le recrutement ne fait pas figure d’exception à l’ère de la digitalisation des entreprises. Publication d’annonces, sourcing, évaluation et branding de la marque employeur connaissent leur cure de jouvence informatique. Si 95% des grands groupes sont équipés de robots filtreurs, non pas pour la cafetière mais pour soulager les RH dans le tri de CV, ces nouveaux us numériques recourant aux ATS (Applicant Tracking System) ne sont plus seulement l’apanage des grands groupes et se démocratisent aux PME voire aux TPE. Souvenons-nous que Google avait reçu 75000 candidatures pour une vague de 6000 recrutements dans le monde entier ! La digitalisation qui se concentre sur les tâches à faible valeur ajoutée dans les process de recrutement est à l’initiative de nombreuses start-up qui décloisonnent la fonction. La technique n’est cependant pas exempte d’inconvénients ; l’écueil le plus dangereux demeurant celui de priver l’entreprise de profils atypiques en mettant trop le paquet sur les compétences. Piège qui, d’ailleurs, n’est pas le seul fait des nouvelles technologies. Mais la démarche de ces filtres devient très délicate sur les profils dits en pénurie, où les compétences techniques prennent le pas sur le reste lors du recrutement.
« La tendance à noter, c’est une ré-allocation du temps pour les fonctions RH. Aujourd’hui, on passe parfois 15 minutes sur un site carrière alors qu’on réalise un achat sur Amazon en deux minutes. L’idée est donc celle du gain de temps, tant chez le recruteur que pour le candidat », explique Jéremy Lamri, fondateur de la start-up Monkey Toy et du Lab RH.
C’est dans cette optique que s’est développée une nouvelle génération d’applications RH s’inspirant des sites et applications de rencontre. A l’image de Qdos qui reprend le principe du « swip » cher à Tinder pour zapper ou garder des candidatures, ou encore Shapr, application lancée par Ludovic Huraux également fondateur d’Attractive World, qui décline les codes de la rencontre amoureuse aux rencontres affinitaires entre services RH et candidats : sélectivité, communauté, exclusivité, géolocalisation. « Dans le recrutement moderne, soit nous tâchons de moins retenir le candidat, soit nous le gardons pour lui apporter du feedback presque immédiatement. C’est un des objectifs de Monkeytoy, qui livre en très peu de temps un bilan gratuit de personnalité en tant qu’élément de développement personnel », note Jérémy Lamri son fondateur. Et Emmanuel Estrat pour Hays de compléter : « Nous recourons à des prestataires tels qu’Assesfirst pour expérimenter un nouveaux mode d’évaluation qui consiste à faire matcher par affinité un candidat avec un service, le style de management, la culture d’entreprise ».
Choisir de nouveaux tamis pour évaluer le candidat
« Recruter par le CV, cela ne fonctionne plus en 2017. De même, il faut se détacher du diplôme qui ne signifie plus grand chose si ce n’est l’appartenance à une CSP, estime Jérémy Lamri. 65% des métiers recherchés d’ici cinq ans n’existent pas encore. S’il n’y a pas de diplôme, ni d’expériences significatives dans ces nouveaux métiers, il faut nécessairement recruter autrement. » Pôle Emploi œuvre dans ce sens en mettant en place des recrutements sans CV tout en mettant davantage l’accent sur la personnalité des candidats et les résultats des mises en situation et jeux de rôles. En parallèle, les RH devront également se pencher sur de nouvelles compétences pour améliorer leur recrutement notamment en matière de data analytics et de programmation. L’idée étant de croiser quatre grands types de compétences et de les évaluer via assesment : compétences techniques, compétences cognitives, compétences citoyennes (sens des responsabilités, vivre ensemble, valeurs personnelles et valeurs d’entreprise), et la personnalité. « En France, nous sommes fâchés avec les sciences cognitives. Si l’on vulgarise, les compétences cognitives mettent en relief une personne capable d’apprendre, de réfléchir et d’interagir. Les outils pour évaluer cet aspect se développent mais ne sont pas encore rentrés dans les mœurs », précise le fondateur du Lab RH.
Ouvrir les vannes et coopter autrement
Sur la forme, les entreprises cassent les codes des rounds d’entretien « à la papa ». En différé ou en temps réel, en présentiel ou en virtuel, via les réseaux sociaux ou des applications dédiées, l’idée est à la fois d’ouvrir un maximum les vannes numériques en touchant un maximum de candidats tout en créant de l’attachement pour l’entreprise. Les liens se resserrent autour de la marque employeur entre RH, communication et service marketing via la création de blogs, de pages ou de contenus sur les réseaux sociaux, ou encore de tchat dédiés. « Sur la partie sourcing, d’énormes efforts ont été fournis pour être présents sur les réseaux sociaux. Nous avons même recruté pour créer du contenu et du trafic et lancer notre blog. Le travail sur la marque employeur s’accélère », explique Emmanuel Estrat, directeur de bureau chez Hays.
Ouvrir les vannes revient également à reconsidérer la cooptation et la recommandation à l’aune des nouvelles technologies. En interne d’abord, de nombreux logiciels, essentiellement aux Etats-Unis, se développent sur le marché BtoB pour permettre aux entreprises de réaliser des recrutements participatifs en incluant les collaborateurs. L’idée est d’inviter un ou plusieurs salariés à recommander des candidats en interne. Enfin les codes de la cooptation ne sont plus les mêmes. Si hier, on se fiait à l’avis d’un ami ou au conseil du réseau d’alumni ou bien l’on subissait la vindicte de sa direction, aujourd’hui force est de constater que la communauté sur les réseaux sociaux fait force de recommandation : désormais un influenceur, un prestataire, un client, des confrères, peuvent tout autant suggérer avec crédibilité une candidature. Impensable avant l’âge d’or des réseaux sociaux…
Geoffroy Framery