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Jusqu’à maintenant cette rubrique était consacrée à des villes françaises et à leurs territoires alentours. EcoRéseau ne déroge pas à la règle avec São Paulo : 30 000 Français vivent au Brésil, dont 10 000 dans cette mégapole de 21 millions d’habitants. Bouillonnante d’activité, fascinante, mais aussi inquiétante, la cité pauliste doit relever le défi de son urbanisation galopante…
São Paulo, poumon économique, industriel et financier du Brésil, principal centre d’affaires de toute l’Amérique Latine. L’activité économique trépidante y fait migrer beaucoup de Brésiliens et d’Européens. « On y vient pour faire de l’argent, pas du tourisme », nous confie cet entrepreneur français. Selon le site My Little Brasil créé par deux françaises, São Paulo fait ainsi partie des villes les plus chères d’Amérique Latine. Ses atouts ? Un réseau urbain dense, un niveau de formation élevé, le dynamisme de ses entrepreneurs, un optimisme à toute épreuve. « Sampa » n’est pas une ville axée sur le tourisme. Mais on y travaille. Selon le magazine São Paulo Outlook, les visiteurs internationaux ne représentent en effet que 10% du tourisme de la ville, alors que 20% viennent des autres États du Brésil et que 70% sont ici pour affaires.
Mais pour São Paulo le développement a un prix. « Même si elle a tendance à ralentir, la croissance urbaine y a été délirante », explique Guillaume Sibaud, directeur de l’agence d’architecture franco-brésilienne Triptyque. Établie à São Paulo depuis 2000 et à Paris depuis 2008, Triptyque se confronte aux problématiques de la ville émergente, à l’urgence de développer une démarche modifiant l’évolution des espaces urbains et du bâti contemporain. « La structure urbaine se diversifie de plus en plus. Les frontières entre quartiers, restées longtemps poreuses, s’érigent et isolent les beaux quartiers, les quartiers résidentiels des classes moyennes et les quartiers populaires ponctués d’immenses ensembles de logements sociaux », analyse l’architecte. Les favelas, en augmentation constante, caractérisent ce tissu urbain. Les plus grandes d’entre elles font l’objet de régularisation foncière et d’équipements nouveaux comme Heliópolis, la plus grande favela de la ville (120000 habitants). En perpétuelle construction, São Paulo est également une cité marquée par la ségrégation et la fragmentation. Les immeubles de luxe et les hypermarchés surveillés par des gardes privés forment des îlots économiques modernes clos par des murs, qui sont autant de barrières contre les pauvres et les exclus. « Depuis cinq ans, les acteurs du marché immobilier réagissent, des règles se mettent en place », constate Guillaume Sibaud, mais « la vitesse de croissance des villes du Brésil a été trop rapide, il faut maintenant du temps ». Néanmoins, la mairie a récemment lancé des chantiers encourageants comme l’actualisation du plan directeur de la ville (datant de 2002) et un projet de transports ambitieux. Mais le Brésil n’échappe pas une réalité mondiale : les municipalités n’ont plus d’argent, l’Etat non plus. Et demain ? Selon Jean-François Ambrósio, conseiller d’Ubifrance au Brésil, « l’enjeu des prochaines années sera la mobilité urbaine, dans une ville où les transports ont été pensés et définis sur une dominante « voiture », mais aussi l’aménagement des anciens quartiers industriels en friche et la reconquête du centre-ville par la classe moyenne ».
Véritable jungle urbaine avec ses six millions d’automobiles et ses hélicoptères zigzaguant entre les buildings, São Paulo reste un lieu de vie et de culture formidable où le charme des Brésiliens opère comme partout ailleurs au Brésil. La ville possède un patrimoine culturel et architectural remarquable, ce qui lui vaut le titre de capitale culturelle du Brésil. « São Paulo ressemble à New York il y a 20 ans. Une ville hyperactive, un peu intimidante par sa dimension, mais stimulante car elle est traversée par une colossale énergie qui se ressent dès que l’on débarque de l’avion. ».
Le design made in Brésil
Le pays met en avant ses créatifs, vrais ambassadeurs de sa culture, qui exportent outre les frontières latino-américaines une identité forte qu’ils revendiquent haut et fort au travers de sublimes œuvres, éclatantes de bonne humeur. Le design brésilien véhicule une image de joie, d’ouverture vers le monde, ainsi qu’un message de fraternité ; un brin extravagant, c’est là l’incarnation principale de l’ADN brésilien. Quelques noms incontournables à retenir : Etel Carmona, Gezo Marques, Carlos Motta, sans oublier les frères Campana très présents sur la scène internationale. Aucun ne se destinait à être designer. L’un a été avocat, l’autre architecte. Enfants, ils ramassaient des coquillages sur les plages et des morceaux de bois aux alentours de la ferme familiale, à 200 km de São Paulo. Ensemble, ils s’amusaient à fabriquer des objets bizarres… Dans leur atelier, Fernando et Humberto Campana conçoivent un design « tiré de la rue », avec pour matériaux de prédilection des objets de récupération. La culture du Brésil est leur principale source d’inspiration : la diversité des influences, la mixité sociale, l’économie de moyens et l’artisanat. Les frères designers ont présenté leur première exposition parisienne « Barroco Rococo » l’année dernière au Musée des Arts Déco de Paris, suscitant un véritable engouement. Nul doute qu’ils seront présents en août prochain pour la deuxième édition de la DW’ (São Paulo Design Weekend), sorte de « Fashion Week » des designers, pressentie comme le plus grand évènement international de ce type en Amérique Latine.
De grands projets urbanistiques
La municipalité de São Paulo a entrepris depuis une dizaine d’années de repenser la ville et de créer de nouvelles dynamiques économiques et humaines. D’anciens quartiers industriels en friche au centre-ville ont été réaménagés afin d’inverser les flux migratoires et d’encourager le retour en centre-ville de la classe moyenne qui vit aujourd’hui en périphérie, loin des centres d’affaires. Plusieurs projets ont vu le jour : Arco Tietê (réaménagement d’une zone équivalente à l’ile de Manhattan) ; SP2040 (grand projet de réflexion sur l’avenir de la ville) ; BHNS (construction de nouveaux couloirs de bus à haut débit). L’Etat de São Paulo a de son côté participé au financement de la Casa Paulista (construction de 20000 logements au centre-ville pour des familles de classe moyenne), de projets liés à la mobilité urbaine (construction de nouvelles lignes de métro et de monorails) ainsi qu’à des travaux d’assainissement (dépollution du fleuve Tietê).
Des entreprises françaises bien implantées
São Paulo regroupe plus de 62% des sièges des filiales françaises implantées au Brésil, notamment dans les secteurs suivants :
– Mobilité urbaine : travaux de la ligne 4 du métro de São Paulo par RATP Dev en partenariat avec le brésilien CCR ; financement de la ligne 13 du réseau CPTM par l’Agence française de développement.
– Urbanisme : participation d’architectes et urbanistes français au projet Arco Tietê.
– Tourisme : attribution de la concession du centre d’exposition Imigrantes à GL Events ; omniprésence du réseau Accor, premier opérateur hôtelier au Brésil et à São Paulo.
– Environnement : contrat de coopération entre la région Île-de-France et la ville de São Paulo dans les domaines de l’environnement, de la mobilité urbaine et de l’urbanisme. Le contrat a été signé en décembre 2013, lors du voyage officiel de François Hollande au Brésil.
Culture : la Biennale de São Paulo
La ville fête cette année la 31e édition de sa Biennale, qui se tient chaque automne d’une année paire. Créée en 1951 par l’industriel italo-brésilien Ciccillo Matarazzo, c’est la deuxième plus ancienne biennale au monde, après celle de Venise (1895). « La Biennale de São Paulo est une des plus grandes expositions d’art au monde. Nous voulons consolider São Paulo comme pôle artistique », a déclaré le président de la Fondation Biennale, Heitor Martins. En 2012, elle avait accueilli 130000 visiteurs et 111 artistes venus du monde entier (plasticiens, architectes, compagnies de théâtre, chorégraphes). Le 6 septembre 2014, au milieu d’une vraie jungle urbaine, la foule se pressera dans le parc d’Ibirapuera en direction du MAC (Museu de Arte Contemporânea) – ce long bâtiment dessiné par Oscar Niemeyer (1907-2012), architecte star du modernisme brésilien. Pour cette 31e édition, São Paulo a choisi le thème du voyage par l’art et dans l’art.
Ubifrance, au service des entreprises françaises
Ubifrance Brésil est née en septembre 2010, mais la présence de l’agence française de développement international y est bien plus ancienne, car la structure a hérité du réseau commercial des Missions Economiques (présentes au Brésil depuis des décennies). La mission d’Ubifrance est d’accompagner les entreprises françaises dans le cadre de projets export ou de projets d’implantation. Ubifrance possède deux bureaux au Brésil, à Rio de Janeiro, mais aussi à São Paulo. Et pour cause : la France compte plus de 600 filiales au Brésil, qui emploient environ 500000 personnes. 62% se trouvent dans la cité pauliste. Les équipes (30 personnes au total) sont réparties en quatre grands pôles : Agrotech (agrobusiness et équipements agricoles), MHS (mode, habitat, santé), ITI (infrastructures, transports, industrie, énergie, environnement) et NTIS (nouvelles technologies, télécoms, services).
Ville des superlatifs
Un attrait pour les investisseurs
– São Paulo, ville de l’argent et du pouvoir, mais aussi ville du sport de haut niveau : quatre équipes de football en première division ; des centres de formation renommés ; berceau d’Ayrton Senna, triple champion du monde de Formule 1, dont on célèbre cette année le 20ème anniversaire du décès.
– Elle est la plus grande ville de l’hémisphère sud.
– São Paulo est surnommée la capitale des Italiens car elle y abrite la plus grande communauté italienne du monde, 6 millions d’habitants (Milan, la plus grande ville d’Italie, en compte 4,3).
– 4ème ville au monde où les personnes sont les plus gentilles et agréables, selon le Reader’s Digest.
– Elle possède la plus grande flotte d’hélicoptères au monde.
– São Paulo a le cinquième plus grand jardin zoologique du monde.
– La rue Oscar Freire est une des huit plus luxueuses du monde, selon le magazine Mistery Shopping International.
– Le plat le plus consommé dans la ville est la pizza, en concurrence avec New York, avec une production d’ 1 million d’unités chaque jour.
Anne Diradourian