Lille, le virage de la troisième révolution industrielle

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Révolution en 7 actes

Après le charbon et l’industrie, le Nord-Pas-de-Calais amorce sa troisième révolution industrielle : celle des énergies propres. Objectif ? Devenir la région de référence en la matière.

En 1917, la Révolution était rouge et venait de l’Est. En 2014, elle pourrait être verte et venir du Nord. Qu’on se rassure, point de goulag à l’horizon entre Lille et Boulogne sur mer. Mais plutôt l’espoir de créer plusieurs milliers d’emploi à court terme, et jusqu’à 100000 en 2050. Comment ? « En installant la région Nord-Pas-de-Calais en pointe dans la Troisième Révolution industrielle, celle des énergies propres et de l’économie qui s’y rattache », s’enthousiasme Philippe Vasseur, président de la Chambre de commerce et d’industrie régionale. Dans la foulée, l’objectif est aussi de tirer un trait sur une certaine forme de passé et d’image pas toujours très valorisants pour la région. En gros, exit les corons, Germinal et les fricadelles. Place aux smartgrids, aux éco-quartiers et aux start’up innovantes.

Pour justifier ce choix stratégique, l’ancien ministre de l’agriculture est clair : « Nous avons beaucoup souffert par là où nous avons brillé : le charbon d’abord, l’industrie ensuite, automobile notamment. Aujourd’hui, nous souhaitons donner un nouveau souffle à notre territoire. Pour cela, nous cherchons à anticiper, à nous positionner sur ce que seront, demain, les secteurs porteurs. Bref, nous voulons être leaders plutôt que suiveurs. »

Concrètement, cette transition a commencé lors du 6e World Forum tenu à Lille en novembre dernier. Son invité d’honneur, l’économiste américain Jérémy Rifkin, théoricien de la Troisième Révolution industrielle, repart de la capitale des Flandres avec un gros devoir maison sous le bras : la mise en place d’une feuille de route permettant à la région de sauter le pas. Après plusieurs mois de travail et de concertations avec les élus, les entreprises et les collectivités, le plan stratégique final doit être présenté en octobre 2013, lors de la 7e édition de ce même forum.

D’ores et déjà, on en connaît les sept enjeux majeurs (voir ci-contre). Concrètement, les premiers projets devraient voir le jour courant 2014. Ils porteront par exemple sur des chantiers baptisés ZenEville : des éco-quartiers à l’échelle de communes entières, animés d’une préoccupation touchant de près au bien-être des riverains. La liste des villes-pilotes ? Confidentielle pour le moment… Côté développement économique, les efforts porteront sur l’identification puis l’accompagnement d’activités et d’entreprises nouvelles, par l’intermédiaire d’outils financiers dédiés.

Pour réussir sa mue, la région semble bien armée. « Nous possédons une forte tradition énergétique et industrielle, et jouissons d’une situation géographique assez exceptionnelle, énumère Philippe Vasseur. Avec, de surcroît, une façade maritime idéale pour accueillir certaines énergies. Le Nord– Pas-de-Calais représente aussi la plus forte concentration de population après l’Île-de-France, ce qui facilite les mises en réseau d’énergies. Enfin, la région peut compter sur un important tissu d’entreprises, dont certaines ont déjà une longueur d’avance en matière énergétique. »

Ne reste qu’à embarquer la population dans l’aventure, ce que les élus et représentants des chambres consulaires s’efforceront à faire dès le début 2014. Pas gagné tant certains territoires cumulent de difficultés socio-économiques de base dans la région. Ainsi, pas sûr que les élus à qui on demande emploi et éducation soient accueillis à bras ouverts en répondant smartgrids et éoliennes…

Restera ensuite à payer l’adition. Pour l’heure, le processus d’élaboration du plan a coûté 360000€. Et le financement du programme ne doit pas représenter plus d’1% du PIB régional, qui s’élève à 95 milliards. Bref, une paille. D’autant que le jeu semble en valoir la chandelle.

L’efficacité énergétique

C’est l’enjeu qui coiffe l’ensemble du programme. Le Nord-Pas-de-Calais est aujourd’hui la troisième région consommatrice d’énergie, après l’Île-de-France et Rhône-Alpes. Pour seulement 6,6% de la population nationale, elle brûle 8% de l’énergie du pays. Deux secteurs où porter le fer ont déjà été identifiés : l’industrie, qui représente la moitié de la consommation régionale, et le logement puisqu’on estime qu’environ 800000 habitations requièrent une rénovation thermique dans la région.

Les énergies renouvelables

Celles-ci ne représentent que 3 à 4% de la production énergétique de la région, contre 12% à l’échelle nationale. Combler ce retard représente donc un enjeu écologique majeur, mais aussi un véritable espoir en matière de création d’emploi. Une étude de l’US Energy Information Administration datant de janvier 2011 estime en effet qu’en Allemagne, moins de 10% de l’énergie produite par des sources renouvelables a créé presque autant d’emplois que toutes les autres formes d’énergie réunies.

Bâtiments producteurs d’énergies

Beaucoup de chemin reste à parcourir dans ce secteur, par lequel passera à coup sûr le succès de la transition énergétique. Pour l’heure, seuls quelques projets pilotes de bâtiments BBC ont été réalisés, comme les bâtiments Adeo à Ronchin, au cœur de la métropole lilloise ; d’autres, à énergie positive, sont d’ores-et-déjà programmés, comme l’écoquartier du Baroch à Grande-Synthe, près de Dunkerque.

Stockage de l’énergie

Les énergies renouvelables étant, par essence, fortement dépendantes des conditions météorologiques, les capacités de stockage de l’énergie produite sont un enjeu clef de la transition énergétique.

Réseaux intelligents

A nouveaux flux, nouveaux canaux. La conversion aux énergies renouvelables, par essence plus éclatées et plus « liquides » que leurs cousines fossiles, implique la nécessité de repenser les réseaux de transport et de distribution d’énergie.

Mobilité douce

Depuis septembre 2011, les Lillois peuvent, à l’instar des Parisiens, se déplacer en vélo en libre service. Les V’Lille sont l’exemple le plus visible du concept de mobilité douce. Mais la région compte aller bien plus loin, dans l’acheminement des personnes, mais aussi du fret. Et on la comprend : le transport représente 20% de la consommation énergétique régional

Pôles d’excellence

Deux pôles d’excellence vont être créés dans la région. L’un portera sur l’économie circulaire, qui défend le principe d’éco-conception à des fins de recyclage des produits. Le second sera centré sur l’économie de la fonctionnalité, qui promeut la consommation de services plutôt que la propriété des biens. Exemple-type de ce mode de fonctionnement : les véhicules en libre service.

Olivier Faure

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