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L’entreprenariat en région se développe avec succès en France, poussé par tout un écosystème.
De plus en plus d’habitants d’Île-de-France, fatigués du stress des transports ou affectés par la hausse de l’immobilier, se disent séduit par une installation en région. L’idée : changer de vie ! Pour le collectif « Quittez Paris pour entreprendre », entreprendre dans la Sarthe ne manque pas d’atouts. Les locaux professionnels sont 2 à 4 fois moins chers, situés sur des axes stratégiques (gares, axes autoroutiers) et équipés du haut débit. Certes, les salaires en Province sont 10 % à 20 % moins élevés que ceux de la région parisienne, mais la masse salariale est plus stable. Un autre atout considérable est la proximité des réseaux d’entrepreneurs et d’accompagnement.
Savoir s’aider des réseaux d’accompagnement
Effectivement, depuis quelques années, régions, collectivités, associations et institutions publiques redoublent d’effort pour attirer des créateurs susceptibles de renforcer le tissu économique. Pour autant, se lancer dans une région que l’on ne fréquente parfois que durant les vacances peut s’avérer périlleux. Laurence Piganeau, responsable éditoriale chez Bpifrance Création, conseille avant tout de ne pas rester isolé. « Les créateurs d’entreprises ou les candidats à un rachat doivent s’approcher des réseaux d’accompagnement, comme BGE, France Active, Initiative France, Réseau Entreprendre, l’Adie, CitésLab, etc. Ces réseaux nationaux, parfaitement implantés en région, connaissent par cœur l’écosystème. Ils accompagnent les porteurs de projets dans leurs réflexions et démarches, leur apportent, pour certains, un soutien financier, les orientent vers d’autres dispositifs locaux comme des couveuses, des pépinières, etc. De plus, en région, tout le monde connaît tout le monde : les accès aux décideurs sont donc plus directs et facilitent ainsi le développement des entreprises. » « Nos plates-formes et comités d’agrément disséminés dans toute la France ont développé une connaissance unique des contextes économiques et institutionnels locaux, qui leur permet d’ouvrir aux porteurs de projets un écosystème d’acteurs essentiels : entrepreneurs, banquiers, experts-comptables, assureurs, juristes, collectivités », renchérit souligne Bernadette Sozet, déléguée générale d’Initiative France.
Bpifrance Création rappelle qu’il est le réseau des réseaux. La banque coordonne les associations, participent à leur animation et les financent. Peu de gens le savent, Bpifrance garantit par ailleurs les emprunts bancaires octroyés par les banques aux créateurs à hauteur de 200 000 euros (voire plus après étude de leur dossier). « Il s’agit d’une mission très importante. Notre engagement rassure les banquiers et favorise ainsi le financement des projets de création », précise Laurence Piganeau. Mais les missions de l’institution ne s’arrêtent pas là. À la demande des pouvoirs publics, Bpifrance s’est engagé depuis le début de l’année, à renforcer les actions de soutien aux initiatives entrepreneuriales dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en renforçant la visibilité et l’accès aux offres de soutien aux entreprises qu’elle porte avec l’ensemble de ses partenaires. C’est dans le cadre de ses nouvelles missions que Bpifrance a structuré, en coopération avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème entrepreneurial, la stratégie « Entrepreneuriat Pour Tous ». Au travers de Bpifrance Création et de la tournée Entrepreneuriat Pour Tous, Bpifrance affirme sa volonté de soutenir les porteurs de projet de tous les territoires, et de leur permettre d’accéder à l’ensemble des dispositifs dédiés, allant de l’information opérationnelle, au financement et à l’accompagnement ciblé. Ce programme s’articule autour de trois axes : faciliter l’accès à l’offre d’accompagnement ; animer les communautés d’entrepreneurs et accélérer les entreprises. Depuis son lancement en mai 2019, ce sont déjà plus de 8 000 entrepreneurs qui ont participé à la tournée Entrepreneuriat pour Tous.
Les soutiens financiers existent
Avec le soutien de Bpifrance et de ses partenaires bancaires, Denis Dementhon, DG de France Active, se bat tous les jours pour soutenir les créateurs en mal de financement, notamment dans les territoires les plus éloignés. « L’inclusion figure vraiment au cœur de notre philosophie et nous cherchons à orienter le flux de financement là où c’est indispensable. 90 % des créateurs d’entreprise sont chômeurs, dont un tiers de longue durée ou aux minimas sociaux. Et 20 % d’entre eux développent leur projet dans des territoires fragiles, c’est-à-dire les zones de revitalisation rurale et les quartiers ciblés par la politique de la ville », précise Denis Dementhon, directeur général de ce réseau qui a mobilisé 330 millions d’euros en 2019 sous forme d’investissements et de prêts bancaires garantis ou solidaires pour 7 000 entreprises. Le réseau privilégie les entrepreneurs engagés qui se fixent des objectifs sociaux et environnementaux et concentre particulièrement ses efforts sur les femmes. « Il y a encore des progrès à faire en France. Certains banquiers restent réticents à soutenir une entrepreneuse, jugeant que le risque est trop élevé, en raison par exemple des enfants. C’est évidemment faux. Ainsi, chez France Active, la moitié des entreprises soutenues ont été créées par des femmes, contre un tiers à l’échelle nationale », explique Denis Dementhon.
La plus-value du parrainage
Entreprendre en région nécessite un soutien des acteurs locaux et, pourquoi pas d’un parrain. 8 810 entrepreneurs étaient parrainés par l’une ou l’un des 4 430 marraines et parrains du réseau Initiative France en 2018, toujours plus nombreux (+6 % par rapport à 2017) à se mobiliser aux côtés des entrepreneurs. Cette augmentation traduit l’importance du parrainage par des bénévoles expérimentés et concrétise les efforts menés pour la professionnalisation et le recrutement des marraines et parrains. « Le parrainage est une vraie plus-value de notre réseau qui contribue à la pérennité des entreprises que nous soutenons. 92 % d’entre elles sont encore en activité 3 ans après leur création, souligne Bernadette Sozet. Notre objectif est de fédérer 5 000 marraines et parrains à l’horizon 2020. » Signe de leur conscience des enjeux territoriaux, certaines plates-formes ont initié des actions d’accompagnement spécifiques pour les professionnels de santé en zones rurales ou les entrepreneurs issus de quartiers de la politique de la ville. D’autres ont développé un savoir-faire unique dans les zones rurales et les centres de villes moyennes. « Nous voulons donner toutes les chances de réussite aux entrepreneurs qui partagent avec nous la volonté d’être acteurs du développement économique du territoire », explique ainsi Zakia Belgahri, chargée d’affaires au sein de la plate-forme Initiative Alpes de Haute-Provence.
Créer son entreprise est parfois aussi un moyen de s’inventer son propre emploi, là où les opportunités sont rares. « Notre action dans les territoires fragiles s’est intensifiée en 2018, explique Bernadette Sozet. C’est là que les gens ont le plus besoin de nous. Nous sommes là pour les accompagner dans les premiers stades de vie de leur projet, mais aussi pour leur permettre d’envisager l’avenir avec confiance, une clé pour pérenniser son emploi et en créer d’autres ».
Des régions et collectivités locales dynamiques
Résultat, en 2018, Initiative France a financé 10 274 projets d’entreprises en création, soit 59 % de l’ensemble des entreprises soutenues. Les commerces et les services aux entreprises restent les secteurs d’activité les plus représentés, devant les hôtels-cafés-restaurants. De nombreuses autres activités ont pu voir le jour grâce à l’action des plates-formes d’Initiative France. Des médecins ont pu s’installer en zones rurales, des entreprises innovantes à fort impact social ou environnemental se sont créées et des entrepreneurs se sont lancés dans des projets agricoles.
À côté de Bpifrance et des réseaux, les régions et collectivités locales aussi peuvent être un soutien de poids en favorisant l’installation d’incubateurs, de technopoles, de centres technologiques, de pépinières, etc. Depuis plusieurs années, la région Nouvelle Aquitaine s’emploie à booster les entreprises innovantes et à les accompagner dans leur conquête de marchés, pour créer des emplois et renforcer le tissu industriel régional. La Région met en place des actions de sensibilisation, de formation et d’accompagnement (pour les entreprises, start-up, porteurs de projets) pour valoriser et faire partager largement cet état d’esprit de l’innovation, y compris sur le numérique et les PME. Récemment, pour encourager la création d’entreprise, la Région a mis en place une offre d’accompagnement intitulée « Entreprendre, la Région à vos côtés ». Le souhait est d’offrir un appui à près de 10 000 porteurs de projets de création et/ou reprise d’entreprise jusqu’à son développement. Dans les Haut-de-France, des sociétés peuvent bénéficier d’un accompagnement sur mesure grâce à l’Accélérateur PME lancé par la Région, Bpifrance et le fonds de dotation Entreprises et Cités. En Corse, région parmi les dynamiques de France, la collectivité est également très impliquée. En plus des dispositifs de droit commun français et européens, l’Île de Beauté met en œuvre à travers l’Agence de développement économique (Adec) des mesures spécifiques visant à accompagner les entreprises tout au long de leur vie, de la phase création à la phase reprise transmission, mais aussi pour faciliter les recrutements ou dans le cas de difficulté ou de mutation.
Les investisseurs à l’affût
Preuve du dynamisme de nos régions, les investisseurs plébiscitent la France, a confirmé en janvier dernier le baromètre dédié à l’attractivité industrielle de la France pour les investisseurs étrangers réalisé par le cabinet EY. En 2018, la France a vu se réaliser 339 projets de création et d’extension d’unités de production. Surtout, les investissements industriels étrangers se localisaient essentiellement en région (seuls 3 % des nouveaux projets d’investissements industriels ont pris la direction de l’Île-de-France). La région des Hauts-de-France, le Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes ont particulièrement tiré leur épingle du jeu, captant à elles trois 45 % des décisions d’investissements. Les raisons : l’effet gravitationnel des leaders industriels français, puissants et exportateurs dans l’aéronautique, la construction navale ou l’agro-alimentaire, mais aussi des bassins d’emplois et de compétences sophistiqués, équipés et mieux soutenus par l’effort public.
Pierre-Jean Lepagnot