Le rayonnement de la Corse

Une région plus haut placée qu’on ne le pensait de prime abord…
Une région plus haut placée qu’on ne le pensait de prime abord…

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Un rayonnement qui ne vient pas que du soleil

L’Île de Beauté est un des territoires français qui crée le plus de valeur depuis 20 ans. Mais comment parvient-elle à se hisser parmi les bons élèves économiques ?

La Corse, ses saveurs authentiques, ses décors escarpés, verdoyants, soulignés par un franc soleil en toute saison… Dans l’esprit de tous, les atouts naturels de l’Île de Beauté forment les plus grandes particularités de cette terre singulière. Et si, derrière la carte postale, se cachaient d’autres caractéristiques bien plus méconnues ? Qui sait que, sur la période 1990-2012, la Corse affichait la plus forte croissance économique française avec 2,5% en moyenne, contre 2,1% pour les deux autres régions sur le podium, le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et les Pays de la Loire ? Les filières corses à l’origine des développements de l’île ont plus d’un tour dans leur sac. Bien sûr, le tourisme représente une manne précieuse qui assure l’essentiel de l’activité locale. Il emporte notamment dans son sillage une dynamique toujours plus marquée en matière de transports aériens, maritimes, où de nouvelles lignes continuent d’être ouvertes. Et lorsque le temps de la basse saison prend le relais, ce sont les voyageurs d’affaires qui maintiennent l’activité à un niveau plus que satisfaisant. Les richesses de la terre, le potentiel de la construction, du BTP et de l’industrie agroalimentaire constituent d’autres fers de lance qui peuvent porter l’économie de demain.

La bataille du potentiel aérien

En quelques années, la tendance low cost dans le transport aérien a métamorphosé l’activité du secteur sur l’Île de Beauté. C’est la compagnie britannique Easyjet qui fait décoller le phénomène en 2008 avec une ligne entre Genève et Ajaccio. On passe alors rapidement d’une part de 2% du trafic total de la plateforme aéroportuaire à plus de 25% à l’heure actuelle. Easyjet mise sur un développement express et crée des liaisons directes avec Paris, Lyon, Londres, Bâle-Mulhouse, transformant la Corse en une nouvelle destination de choix pour les voyageurs clients des offres low cost. La compagnie espagnole Volotea flaire elle aussi le potentiel de l’île et ouvre en un temps record des vols régionaux vers Bordeaux, Brest, Caen, Lille, Montpellier, Nantes, Strasbourg, Toulouse. Au cours de la seule année 2013, elle inaugure cinq nouvelles lignes. L’acteur scandinave de l’aérien low cost Norwegian rejoint lui aussi ses concurrents avec une ouverture de ligne en 2012 en provenance de Stockholm, puis une seconde ligne un an plus tard avec Oslo. Résultat : en 2014, l’aéroport ajaccien se retrouve ainsi relié à une quarantaine de destinations comprenant une quinzaine de lignes low cost, et un trafic annuel qui représente 1,4 million de passagers.

L’essor ne semble pas près de se tarir. La compagnie low cost Hop !, appartenant à Air France, a annoncé il y a quelques mois qu’elle compte elle aussi déployer ses ailes sur la Corse avec de nouveaux vols à destination des aéroports de Bastia et Calvi. Hop ! avait déjà lancé des connexions avec Lille, Strasbourg, Nantes, Clermont-Ferrand et Pau, qui doivent également être développées. Cityjet fait aussi partie des nouveaux entrants sur le marché. Elle permettra de relier dès 2016 Bastia à Béziers et Avignon. Pour Véronique Valentini-Calendini, directrice de l’office du tourisme de l’agglomération de Bastia, « les nouvelles lignes proposées comme celles de Hop ! contribuent à désenclaver la Corse. Il s’agit d’ouvrir la voie à un fort dynamisme et de créer un vecteur de développement essentiel ». Elle rappelle également que le tourisme sur l’île est franco-français à plus de 70%, ce qui signifie qu’il faut « creuser les opportunités et le potentiel que représentent les autres destinations européennes et internationales des pays émergents ».

Des labels qualitatifs d’avenir pour les plantations

Qui dit climat exceptionnel, dit richesses naturelles. La Corse ne manque pas d’atouts lorsqu’il s’agit d’exploiter ses sols et s’offre même le luxe de miser sur des productions haut de gamme, avec pour objectif de devenir une terre de référence en la matière. Le syndicat AOP Huile d’Olive de Corse Oliu di Corsica a annoncé il y a quelques mois la mise en place d’une filière de production locale de plants d’oliviers certifiés. Le but de cette démarche est de produire des plants d’oliviers sains, authentiques et de qualité. Les premiers plants enracinés devraient être livrés aux pépiniéristes à partir de ce mois de juillet et les premiers arbres prêts pour la plantation vendus à partir de l’automne 2017. A terme, la production doit représenter environ 15000 plants, 60 hectares et un minimum de sept variétés corses. Cette initiative ambitieuse trouve ses racines dans les ravages causés par la bactérie Xylella Fastidiosa Pauca sur les oliveraies de la région des Pouilles, en Italie. Les oléiculteurs corses importaient par le passé près de 80% de leurs plants auprès du voisin italien. En juillet 2015, la fameuse bactérie a été découverte sur l’île, poussant les acteurs locaux à trouver une solution alternative. « La production sur nos terres et par nos soins de plants d’oliviers nous est dès lors apparue comme la seule voie possible, d’autant que nous réfléchissions depuis 2013 à la mise en place d’un réseau de collaboration en R&D afin d’améliorer la connaissance et la conservation des variétés corses », explique Sandrine Marfisi, présidente du syndicat AOP Oliu di Corsica. Celui-ci représente localement 60% des volumes d’huile d’olive produits en Corse labellisés AOP, 628 hectares de vergers et quelque 123000 litres de production moyenne par an.

Dans un contexte où la qualité des produits issus de la terre gagne en importance sur les marchés, cette filière en structuration pourrait bien devenir l’une des grandes réussites actuelles et venir voler la vedette à la clémentine de Corse qui forme aujourd’hui, en termes d’exploitation de la terre, la deuxième filière économique de l’île, derrière la vigne. Dans ce domaine aussi, « ce sont avant tout des critères qualitatifs qui font la particularité des productions », indique Françoise Piazzoli, membre de l’Aprodec (Association pour la promotion et la défense de la clémentine de Corse).

Développer les filières en cohésion avec la région Paca

S’appuyer sur les réseaux consulaires des départements voisins pour soutenir l’essor des activités. Telle est l’une des stratégies de la Corse pour construire l’avenir économique. La CCI de Haute-Corse et son homologue du Var ont signé il y a quelques mois une convention afin d’intensifier leurs échanges et développer des coopérations. Un accord qui inscrit la collaboration jusqu’en 2020 et se veut être un cadre apportant des services communs en matière de création-transmission de sociétés, d’aide aux structures en difficulté, de soutien à l’export, d’animation commerciale, d’apprentissage et de développement durable. Le tourisme est bien sûr au cœur des secteurs ciblés, mais les échanges concerneront également l’agroalimentaire, le nautisme, la cosmétique, décrits comme des filières prioritaires. Les ports figurent également parmi les thématiques abordées, et notamment les développements relatifs aux croisières, à la grande plaisance, au transport maritime et à l’aménagement. Jacques Bianchi, président de la CCI varoise, voit dans ce rapprochement « une manière de mieux répondre à l’ensemble des appels à projets, en unissant les forces en présence, dans le but d’agréger les partenaires italiens à un axe solide en Méditerranée occidentale ».

Se rapprocher du continent par la mer

Les professionnels du tourisme corse ont de bonnes raisons de tabler sur une nette augmentation de la fréquentation pour ce qui est de l’année 2016, et même pour les futures saisons. L’offre commerciale de la compagnie maritime italienne Moby Lines s’apprête à connaître un fort développement dont va directement profiter l’Île de Beauté. Dès cette année, près de 1000 traversées doivent être effectuées entre Livourne, Gênes, Nice et Bastia. La société de navigation profite de ses ambitions du moment pour lancer son nouveau navire Moby Zaza qui achemine les voyageurs sur une nouvelle ligne reliant depuis le mois de juin les villes de Bastia et Nice. Celle-ci est synonyme de 322000 places disponibles dont 280000 sur la période juin-septembre, avec une escale par jour.

Un projet qui est accueilli avec un large sourire du côté corse, d’autant que la CCI de Nice Côte-d’Azur a lancé une campagne de promotion visant à faire de Nice une porte privilégiée vers la Corse. Au sein de la CCI de Haute-Corse, la direction des concessions portuaires n’a pas manqué de rappeler que la compagnie Moby représente le deuxième opérateur à Bastia avec 12% des parts de marché. Le président de la CCI locale Paul Trojani se réjouit « des retombées économiques intéressantes que laissent entrevoir ces nouveautés, à l’occasion de la saison estivale, mais aussi pendant le reste de l’année. Ce choix stratégique confirme Bastia dans son positionnement géographique privilégié dans l’arc thyrénéen, en face de la Toscane et au cœur du golfe de Gênes ». Et si le succès est au rendez-vous, le navigateur italien ne se contentera pas d’intensifier les fréquences des traversées, mais ambitionne de connecter Nice au port de l’Île Rousse. Le dirigeant de l’entreprise Fabien Paoli estime même indispensable que Bastia se dote d’un nouveau port de commerce en raison de l’impossibilité d’étendre véritablement l’activité avec les infrastructures actuelles, qui atteignent leurs limites et qu’un nouveau projet permettrait de hisser à la hauteur des ambitions économiques de l’île.

Le numérique, nouvel élan économique de l’île

Dans le document de synthèse de la Stratégie régionale d’innovation corse, censé définir les grands axes de développements, le territoire ne manque pas de souligner que les technologies de l’information et de la communication constituent « un moyen de surmonter les barrières de l’insularité ». Elles sont décrites comme la solution pour améliorer la visibilité du savoir-faire local et trouver de nouveaux consommateurs et de nouveaux marchés. Les efforts de soutien en la matière se sont donc multipliés au cours des dernières années.

Le résultat est l’émergence d’offres d’avenir comme celle de Bowkr, une jeune société lancée par deux anciens étudiants de Corte. Il s’agit d’une application s’adressant à tous les demandeurs d’emplois, dont les compétences professionnelles diffèrent des carrières traditionnelles, et dans laquelle employés et employeurs se confondent. Les opportunités d’emplois sont mises à jour en temps réel. Lors de son lancement, l’application a comptabilisé quelque 900 téléchargements en seulement 72 heures. Autres exemples : le lancement il y a moins d’un an de l’application de diagnostic Santé DocForYou, déjà téléchargée plus de 150000 fois, ou la création d’une application pour iPad visant à faire découvrir aux plus jeunes l’histoire des monuments et des sites remarquables qui les entourent. Ce dernier projet baptisé Holoquid a été soutenu par l’incubateur d’entreprises innovantes Inizia.

Pour soutenir les projets à fort potentiel, la plateforme CorsicanTech a vu le jour récemment. Il s’agit d’un accélérateur d’initiatives numériques en tout genre. Son objectif est de dynamiser l’économie insulaire en proposant des accompagnements appropriés, faire collaborer les start-up et grandes entreprises dans une logique de partenariat, mais aussi attirer les investissements des acteurs numériques internationaux.

Mathieu Neu

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