Hauts de France : une mine de ressources d’avenir

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Loin des clichés et des réputations trop tenaces, la grande région des Hauts-de-France œuvre pour que ses innombrables projets d’avenir sortent de l’ombre.

Quelle est la place de la betterave picarde, de la course cycliste Paris-Roubaix ou encore des ex-cités minières dans l’économie du 21ème siècle ? Si ils forment des étendards authentiques, garants d’une culture très ancrée, les symboles du nord connus de tous ne sont qu’une infime partie visible de la réalité locale. Celle-ci fait malheureusement plus souvent penser au passé qu’au futur. Les décideurs locaux n’ont pourtant de cesse de souligner les nombreux potentiels que recèlent le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, dans les sciences, les technologies, et même l’industrie, contrairement aux idées reçues. La récente fusion régionale doit servir d’aubaine pour mieux communiquer et révéler aux yeux de toute l’Europe, voire du monde entier, la partie immergée de cet immense iceberg que représentent les Hauts-de-France. « Dans l’économie régionale, la filière Nutrition Santé par exemple pèse très lourd, puisqu’elle représente une grande part des lauréats au concours national du ministère de la Recherche qui vient distinguer des start-ups innovantes », indique Etienne Vervaecke, directeur général de l’Agence régionale de développement économique de la filière Biologie Santé et directeur du pôle de compétitivité Nutrition Santé Longévité (NSL). Un visage innovant de la région bien ignoré. Peut-être faut-il également rappeler que Genfit, dont le siège social est à Loos dans le département du Nord, est la première société de biotechnologie française à franchir la barre du milliard d’euros de capitalisation.

Plusieurs autres secteurs ont été identifiés comme des filières prometteuses du territoire comme l’énergie, l’environnement, les technologies de l’information et de la communication, l’agroalimentaire. A noter aussi que les deux anciennes régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie mettent d’ores et déjà à profit très concrètement leur collaboration accrue et leurs moyens en faveur d’objectifs de développement communs, comme en témoigne la levée de fonds d’un million d’euros de la société Mandarine BS auprès des structures Croissance Nord-Pas-de-Calais, Bpifrance, et Picardie Investissement. Grâce à cette manne, cette jeune société, spécialisée dans l’accompagnement d’utilisateurs à la prise en main de nouvelles solutions informatiques, s’apprête à accélérer son développement en Europe et en Amérique du Nord. « La pertinence du positionnement de Mandarine BS lui a permis de nouer des partenariats avec des grands comptes comme Microsoft », rappelle Marie-Christine Maurice, directrice des participations au sein de Picardie Investissement.

Un renouveau industriel ?

Sous l’impulsion d’acteurs comme le Cetim (Centre des techniques et industries mécaniques) ou le pôle d’excellence mécanique de Nord-Pas-de-Calais Mecanov’, les rencontres industrielles régionales se multiplient, invitant les PME, donneurs d’ordre, et structures d’accompagnement à collaborer pour faire émerger un visage modernisé de l’industrie du Nord. Le tout dans des domaines stratégiques communs à la Picardie et au Nord-Pas-de-Calais. La performance industrielle et l’usine du futur forment un axe de développement transversal majeur autour duquel doivent s’articuler de nombreux projets dans des domaines variés. « Il s’agit de soutenir la performance des process industriels, à savoir les avancées en matière de simulation numérique, d’écoconception, de robotique, de mécatronique, d’agilité au sens large dans le fonctionnement des usines. Les procédés industriels propres, à l’image du développement de nouvelles techniques de modélisation, de prototypage rapide, de contrôle en continu, de catalyse, de mise en forme de nouveaux matériaux figurent parmi les initiatives que nous souhaitons encourager », précise Bertrand Fontaine, directeur régional de Bpifrance Nord-Pas-de-Calais.

Sous la houlette du pôle de compétitivité I-Trans, consacré à la mobilité, aux transports terrestres et notamment ferroviaires, des projets d’envergure ont vu le jour récemment, à l’image de Surfer (Surveillance Active Ferroviaire) qui vise à améliorer la disponibilité des trains de passagers, à optimiser des tâches de maintenance par le biais de solutions de surveillance et de diagnostic embarquées. Le pôle I-Trans a aussi labellisé le projet Simafond dont l’objectif est de produire des pièces ferroviaires dans une fonte particulière, un alliage de fer et de carbone plus léger et économique que l’acier. Un travail mené en association avec l’Université de technologies de Compiègne, l’Ecole centrale de Lille, CM2T Ingénierie, un centre de transfert de compétences spécialisé dans la métallurgie et d’autres industriels.

Une nouvelle rampe de lancement pour l’innovation

L’une des grandes missions pour le développement local consiste à mettre les bouchées doubles pour soutenir les activités innovantes et idées d’avenir. Pour cela, les PME peuvent désormais bénéficier d’une manne exceptionnelle visant à accélérer leur croissance, issue du programme d’expérimentation Partenariats régionaux d’innovation (PRI). Par le biais de l’Etat et du Programme des investissements d’avenir (PIA), 10 millions d’euros sont mobilisés pour le financement de l’innovation des entreprises du territoire. Nord-Pas-de-Calais et Picardie apportent par ailleurs tous deux une autre enveloppe de 10 millions d’euros. Le montant global de 20 millions d’euros est engagé sur une période de 18 mois et mis en place sous forme de subvention ou d’avance remboursable. « L’aide peut atteindre 200000 euros s’il s’agit d’une subvention et 500000 euros en cas d’avance remboursable. Pour déposer une candidature, il suffit d’être une PME au sens où l’entend la communauté européenne, c’est-à-dire une entreprise de moins de 250 salariés », explique Bertrand Fontaine.

Concrètement, les deux régions s’approprient les projets financés dans le cadre d’un dialogue visant à uniformiser l’ensemble du nouveau territoire en cohérence avec les actions stratégiques prioritaires. Ce soutien financier a vocation à se positionner sur des projets assez structurants. Le montant minimum est de 100000 euros, pour la partie allouée sous forme de subvention. Celle-ci se destine à financer 50% du coût d’un projet, ce qui signifie que ce dernier s’élève à 200000 euros au minimum. Les PME visées par cette initiative sont donc plutôt des structures ayant déjà deux ou trois années d’existence au moins. Le dispositif se destine à être reconduit. 70% des projets financés à l’heure actuelle concernent trois filières majeures : la santé, l’agroalimentaire et les technologies de l’information et de la communication.

Des accompagnateurs toujours plus présents

« Par opposition au contexte existant il y a une quinzaine d’années, nous sommes désormais l’une des régions les plus dynamiques en matière de création d’entreprises. L’immense travail d’accompagnement et de stimulation apporté par les structures dédiées et les événements comme le salon Créer explique en grande partie ce nouvel élan », se réjouit Laurent Degroote, vice-président de la CCI Grand Lille. Les Hubhouses, consacrées au développement de la culture entrepreneuriale auprès des étudiants, ou encore le concours Creative Startup organisé localement par la Serre Numérique, sont quelques unes des nombreuses initiatives récentes pour faire en sorte que les potentiels régionaux ressentent le goût d’entreprendre. Autant d’acteurs présents lors de la grand’messe annuelle de l’entreprenariat que représente le salon Créer, qui se veut être un rendez-vous le plus concret possible pour les porteurs de projets. « L’idée de l’événement est de faire se rencontrer les professionnels et profils ayant des intérêts communs, de favoriser le partage de savoir-faire et de connaissances au travers d’ateliers », mentionne Laurent Degroote. Il souligne par ailleurs l’importance de l’accompagnement pour les entrepreneurs : « Des statistiques nationales indiquent qu’un créateur d’entreprises a 50% de chances de pérennité. Il n’y a pas de fatalité. Dès lors qu’il y a accompagnement par la CCI par exemple, le taux monte à 80% ».

Un secteur Biologie-Santé en grande forme

« Sur les 15 premiers déposants de brevets du territoire des Hauts-de-France, 12 sont issus de la filière Santé Nutrition », indique Etienne Vervaecke, attestant de la vitalité du secteur et de son importance dans l’activité et les développements locaux. Une tendance de fond se développe actuellement au carrefour de la nutrition et de la santé, avec l’essor de produits alimentaires à visée bénéfique sur le plan sanitaire. La région tient à parier sur l’émergence de cette filière, comme en témoignent les travaux variés du pôle de compétitivité Nutrition Santé Longévité (NSL) qui se penchent aussi bien sur l’innovation thérapeutique et diagnostique, que nutritionnelle. « De grandes entreprises agroalimentaires membres du pôle NSL comme Bonduelle ou Ingredia s’investissent de plus en plus en activités de R&D pour élaborer cette offre d’avenir », indique Etienne Vervaecke. Les produits anti-stress de la société Ingredia, les substituts au sucre produits par Roquette, ou encore Lesaffre et ses levures ayant des propriétés intéressantes contre le diabète et pour le confort intestinal, figurent parmi les grandes réussites de la région.

Les projets relatifs aux pathologies liées aux troubles métaboliques et au vieillissement constituent un autre axe majeur de développement. Les professionnels s’appuient sur une recherche académique de qualité qui sert de socle essentiel pour mener des projets dans le champ des maladies cardio-métaboliques, neurodégénératives, gastro-intestinales. Certains projets de recherche collaborative jouent un rôle central, à l’instar de l’entreprise Alzprotect, qui œuvre dans le développement de médicaments pour le traitement de la maladie d’Alzheimer, en collaboration avec le laboratoire d’excellence Distalz, positionné sur l’étude de solutions innovantes pour contrer cette pathologie.

Des TIC de pointe

Au dernier CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas, la plus grande vitrine high-tech du monde, les nouvelles technologies des Hauts-de-France étaient sous les feux de la rampe, à l’image de la start-up Giroptic, incubée au sein du pôle de la métropole lilloise EuraTechnologie, et à l’origine de la création d’une caméra capable de filmer à 360°. Eliocity, autre jeune star du Nord, a également brillé avec son boîtier Xee Connect qui permet de rendre une voiture entièrement connectée grâce à une quinzaine d’applications prévues pour des contrôles à distance. Des acteurs qui sont les témoins de l’émergence d’une filière promise à un bel avenir dans la région.

Plusieurs structures de recherche s’apprêtent à jouer un rôle déterminant dans l’essor de ces activités, à l’image du Labex MS2T, consacré à la maîtrise des systèmes complexes. Son rôle est essentiellement d’apporter des améliorations en termes de sécurité et de robustesse, notamment en matière d’interaction et de coopération entre systèmes (traitement distribué, gestion des flux…), de gestion des incertitudes par la modélisation numérique. L’Université numérique régionale de Picardie (UNRP) joue elle aussi un rôle clé dans l’évolution rapide du secteur, en particulier en raison de son modèle original visant à rapprocher le monde académique de celui des transferts de technologies et des entreprises du territoire. Outre les rapprochements avec les centres de recherche et d’innovation, l’UNRP œuvre dans deux grands domaines : d’une part, la mise en place cohérente de plateformes en mutualisant des équipements pour le calcul de haute performance, le stockage de données, la simulation numérique et la visualisation de données, d’autre part la mise en place d’équipements de réalité virtuelle.

Mathieu Neu

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