« L’inégalité économique à la française » par Jean-Luc Ginder

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L’économie française, après trois ans de croissance insuffisante, connaît une croissance de +0,6 % par trimestre en moyenne. Cette année affichera sans doute la plus forte croissance depuis 2011, à savoir + 2,1 %. Cela résulte d’un superbe concours de circonstances depuis 2017 : taux d’intérêts incroyablement bas, prix des matières premières à un niveau particulièrement bas. Toutes les économies du monde affichent une croissance à la hausse, plus particulièrement les pays de l’Union européenne et également la France. Il en découle donc une reprise de l’industrie qui enclenche une accélération des investissements, reprise soutenue par une politique budgétaire accommodante. Depuis des années, la croissance française était anormalement plus basse que celle des pays voisins, c’est pourquoi nous ne faisons que constater «un effet zone Euro». On assiste à un décalage conjoncturel entre l’Europe et les USA, on rattrape le retard que nous avons en 2011 nous-mêmes provoqué.

Cette nouvelle croissance française est forte et solide car toutes les raisons sont réunies. D’abord parce que la France a un retard à rattraper en matière de croissance d’activité et en matière d’emplois et d’investissements. Il existe une bonne dynamique de la demande extérieure et une bonne dynamique de la croissance intérieure et les salaires commencent à augmenter, surtout dans l’industrie (plus de 2 %). Donc s’inscrit dans le moyen terme en France une bonne dynamique économique. Néanmoins en 2018, la dette publique française continuera de croître en volume car la France dépense plus que ses voisins en termes de retraites ou d’aide au logement par exemple. En 2018, la France passera de la 5e à la 7e dans l’échelle des puissances mondiales.

Cependant, cette reprise économique constatée n’est pas ressentie par tous en France. Il ne s’agit pas d’un hypothétique problème psychologique mais la réalité d’une reprise inégale au niveau régional et territorial. Certaines régions ont une croissance de 9 % alors que d’autres ont une décroissance de 7 %. La reprise française est donc présente mais de manière inégale.

L’économie n’est pas une science exacte, c’est une science humaine. Les questions humaines sont un paramètre majeur.

La reprise est au rendez-vous mais la reprise de l’emploi ne suit pas. On peut l’expliquer par l’effet ralentisseur du système de protection sociale ainsi que par la lenteur de la reprise de confiance en l’économie. Cette confiance ne se trouvera pas tant que le commerce extérieur sera fortement déficitaire et que le déficit des dépenses publiques sera élevé.

Pour poursuivre dans le registre de l’optimisme, il est à noter que les indicateurs fondamentaux sont au vert surtout celui de l’investissement. L’économie française a un besoin majeur d’investissement (tout comme l’économie mondiale), on change de modèle économique et donc il va falloir investir massivement (en milliers de milliards USD) à l’échelle mondiale et de dizaines de milliers de milliards d’euros en France directement injectés dans l’économie réelle, dans les infrastructures et équipements des entreprises, dans le capital humain, c’est-à-dire un investissement productif.

Modérons à cet endroit notre optimisme national pour 2018. Comme déjà trop souvent évoqué, je reviens sur le terme de l’injection trop abondante de liquidités monétaires par les banques centrales dans l’économie financière créant une situation historique incroyable, presque une folie au regard des théories économiques connues.

En pratiquant de la sorte, les banques centrales se sont elles-mêmes placées dans une voie sans issue, et ne savent plus comment sortir de cette situation d’injection massive de milliers de milliards de liquidités en USD ou Euros dans l’économie financière souvent trop virtuelle. Cela veut dire que le système financier reste très fragile et que nous nous trouvons est dans une économie de bulle financière tout comme nous l’étions en 1910, bulle qui déclencha la guerre de 14-18. Pour preuve de cette dangerosité, le niveau extrêmement haut du Dow Jones qui n’a jamais été aussi élevé. Ce pointeur est vraiment inquiétant.

La dette française est début 2018 de 30 % plus élevée à ce qu’elle a été avant la crise de 2008 alors qu’elle fut un des éléments déclenchants de cette dernière. Concrètement nous sommes à la veille d’un tremblement de terre financier, dévastateur et dont personne n’est en mesure de prédire avec précision le lieu où il va se produire et la date à laquelle il va se produire. Le danger est que nous sommes à fond dans la phase de financiarisation de l’économie (économie = finance). En d’autres termes, nous sommes en pleine «destruction créatrice», les économies traditionnelles n’arrivent plus à se mettre à jour, n’ont pas assez investi, vont souffrir et les salariés souffriront avec, alors qu’il existe un potentiel de croissance exceptionnel grâce aux nouvelles technologies.

Pour en revenir aux marchés financiers, il est à noter que ces derniers ne réagissent plus aux informations économiques, ni aux décisions des banques centrales, mais essentiellement aux nouvelles géopolitiques. Le facteur géopolitique peut devenir en toute logique l’élément déclencheur de la crise économique à venir.

Le vieux marché essaie de muter. Le nouveau monde essaie de naître, malgré cette crise de 2008 qui a initié l’injection de masses monétaires considérables. Et maintenant surgit l’appréhension d’un dérèglement géopolitique.

Il nous faut regarder en face que la stabilité actuelle des marchés financiers est artificielle. Nous sommes dans une période de dérèglement d’appréciation des risques alors que l’épargne des Français est garante de ces risques, alors que tous les actifs financiers sont en régime de bulle.

Mais rassurons-nous la France restera une grande puissance en 2018 garantie par nos bas de laine et nous verrons le pouvoir d’achat des Français s’améliorer cette année…

*Jean-Luc Ginder est auteur de Réflexions économiques, Corps & Âme Editions, 2018

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