La car policy autorise de petites fantaisies.
La car policy autorise de petites fantaisies.

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Dilemme cornélien ?

La voiture de fonction est aujourd’hui concurrencée par un nombre croissant d’alternatives, complexifiant le choix des dirigeants. Tour d’horizon des avantages et des inconvénients de ces différentes solutions.

Prix du stationnement, difficultés pour trouver une place en centre urbain, durcissement des politiques des villes vis-à-vis des voitures, embouteillages, pollution… Combinée aux nouvelles attentes et aspirations de la «génération numérique», au développement de formes de mobilité novatrices et à son coût conséquent, l’évolution de la perception de la voiture a remis en cause le «tout automobile» dans les entreprises.

Au sein des flottes, le véhicule de fonction occupe une place particulière mais se voit lui aussi interrogé. Autrefois signe de reconnaissance sociale, cet avantage en nature deviendrait-il une contrainte ? A l’heure de la multimodalité des déplacements, ce dernier est-il encore la solution qu’il faut pour récompenser/fidéliser les collaborateurs et faciliter leurs déplacements ?

Cadre dirigeants et responsables de flottes s’interrogent. Et ce d’autant plus que l’échéance des Plans de déplacement d’entreprise (PDE) se rapproche. A compter du 1er janvier 2018, toutes les entreprises regroupant au moins 100 salariés sur un même site devront obligatoirement mettre en place un PDE. L’objectif : réduire les émissions polluantes, décongestionner les axes de circulation domicile-bureau, fluidifier et faciliter les déplacements des collaborateurs, en encourageant l’utilisation de transports en commun et de nouvelles formes de mobilité.

Dans ce contexte, le véhicule de fonction constitue donc un sujet de réflexion sensible. Devient-il obsolète, à l’heure où les «baby boomers» cèdent peu à peu la place aux «millenials» dans les sociétés hexagonales ? Est-il plus judicieux de lui préférer de nouvelles alternatives comme l’autopartage, le vélopartage, le crédit mobilité ou encore le covoiturage ? Comment les associer ? Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune de ces solutions potentiellement combinables ?

Fiction : Un repas de famille gâché

Les repas de famille chez les Trondec sont souvent houleux. Mais jamais Henri, le grand-père, n’avait vu le rendez-vous mensuel tourner aussi vite au vinaigre. C’est bien simple, avant même la fin de l’apéritif, le ton est monté. Tout avait pourtant démarré par ce qui semblait être une bonne nouvelle : Guillaume, son petit-fils, jeune cadre dynamique de 34 ans, venait de se voir proposer une voiture de fonction par son patron. Son père, Jean-François, l’a chaleureusement félicité, se rappelant avec émotion du jour où il avait posé les mains sur le volant de la sienne et de la fierté qu’il avait ressentie en croisant le regard envieux de certains collègues (1).

Mais son sourire nostalgique a rapidement fait place à une moue consternée. Guillaume ne semblait pas heureux, et même presque sur le point de se plaindre. Pire : il songeait à refuser. En entendant cela, Jean-François a vu rouge. Les jeunes n’ont pas conscience de leur chance ! Vous leur proposez une voiture de fonction ? Ils se plaignent du temps qu’ils vont passer dans les bouchons, de la difficulté à se garer, se sentent responsables de la pollution et parlent de transport collaboratif. Au lieu d’un véhicule, ils veulent de la flexibilité (2) et des solutions davantage dans l’air du temps…

« Lesquelles ?! », s’est emporté Jean-François, manquant de renverser son verre de porto. Guillaume s’est alors mis à plaider longuement en faveur des nouvelles formes de mobilité. Vantant les vertus de l’autopartage, cette solution permettant selon lui d’optimiser le temps d’utilisation des véhicules (3) – Jean-François a levé les yeux au plafond. Expliquant à son père les avantages du crédit mobilité qui, si le salarié opte pour une voiture de fonction plus modeste, lui offre en échange davantage de souplesse (4) – Jean-François a soupiré bruyamment. Faisant enfin les louanges du covoiturage domicile-travail, une chance pour mieux connaître ses collègues et gagner du temps (5).

Jean-François a failli en avaler ses cacahuètes de travers, craignant que son fils ne se mette à lui parler vélopartage ou marche à pied. Il s’est alors tourné vers Henri pour chercher du soutien, mais ce dernier s’était déjà assoupi, confortablement installé dans son fauteuil en croûte de cuir.

1 – Le véhicule de fonction : un outil toujours attractif

Has-been, le véhicule de fonction ? Pas si vite… « Les mentalités évoluent et de nouvelles formes de mobilité peuvent séduire, mais les voitures de fonction restent un très bon outil de motivation, de rémunération et, plus globalement, de reconnaissance des collaborateurs auquel ceux-ci sont d’ailleurs attachés », tempère Bernard Fourniou, président de l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE). De fait, le véhicule de fonction constitue aujourd’hui encore un outil du package salarial attractif pour les collaborateurs, mis en avant dans les phases de recrutement, et une proposition pertinente de la part de l’entreprise pour couvrir les besoins de déplacements, aussi bien professionnels que personnels, de ses salariés. Cette solution permet en outre à ces derniers d’accéder à de meilleurs modèles. « Bénéficier d’un véhicule pour le salarié au travers de son entreprise lui permet souvent d’accéder à des modèles mieux équipés, récents et à des services associés : entretien, changement de pneumatiques, véhicule relais, assurance, éventuellement prise en charge du carburant. Même si le collaborateur se voit soumis au traitement de l’avantage en nature, il a la possibilité d’accéder à une offre financièrement attractive par rapport à une situation où il aurait dû acheter et entretenir lui-même un véhicule », analyse Barbara Gay, directrice du consulting d’Arval France.

2 – Un intérêt différent selon les générations

L’avis est unanimement partagé : l’intérêt pour le véhicule de fonction varie considérablement selon l’âge des salariés. Si les collaborateurs plus anciens restent fortement attachés à l’aspect « prestige » de celui-ci ainsi qu’au statut qu’il leur confère (et sont souvent réticents à l’idée d’opter pour une autre solution), les jeunes générations de cadres entretiennent un rapport plus distant avec l’automobile. « Plus qu’attachés à « l’objet » et à sa valeur matérielle, les jeunes collaborateurs sont davantage soucieux d’optimiser leurs temps de déplacement », souligne Julien Honnart, fondateur et président de WayzUp, société à l’origine d’une application de covoiturage sur les trajets domicile-travail. En clair : d’aller le plus vite et facilement possible d’un point A à un point B. Accéder à un véhicule de fonction ne sera pas nécessairement la solution la plus intéressante pour ces « consommateurs de la mobilité », car elle manque de flexibilité. Encore une fois, la communication reste la clé. L’employeur devra ainsi vérifier auprès de son salarié sa motivation à l’idée d’obtenir ou non un véhicule de fonction, et évaluer ses attentes, car les actifs plus jeunes pourraient préférer se voir proposer une alternative.

3 – L’autopartage : optimiser le temps d’utilisation des véhicules

« Alors que le coût d’un parc automobile représente l’un des principaux postes de dépense dans les entreprises et les collectivités, l’autopartage permet d’optimiser la taille de ce parc et de la réduire, en moyenne, de 25% », explique Alexandre Fournier, directeur marketing chez Mobility Tech Green, spécialiste de l’autopartage. Cette solution, qui séduit de plus en plus d’entreprises françaises, dont Orange ou La Poste, permet également d’optimiser le temps d’utilisation des véhicules de la société, alors que les voitures de fonction peuvent avoir tendance à… prendre la poussière sur un parking. « Il favorise des déplacements plus faciles et permet de forts gains de temps. Chacun peut en effet réserver le véhicule avec son smartphone et gérer son emploi du temps en toute autonomie, l’entreprise n’a quant à elle pas à consacrer de ressources supplémentaires à la gestion des véhicules placés en autopartage », note Barbara Gay, directrice du consulting chez Arval France, qui propose depuis peu des solutions d’autopartage, de covoiturage et de vélopartage. Par ailleurs, ces parcs de véhicules en autopartage sont de plus en plus souvent équipés en voitures électriques qui peuvent donc être rechargées lorsqu’elles ne sont pas utilisées. Autre avantage de l’autopartage : réduire les frais de déplacement annexes (taxis…) tout en restant souple. L’entreprise peut proposer à ses salariés de réserver ces véhicules pour un usage privé le week-end, moyennant une faible contribution. L’acceptation par les collaborateurs peut en revanche être difficile si cette solution est proposée en remplacement d’un véhicule de fonction individuel – communication et pédagogie constituent alors des points-clés.

4 – Crédit mobilité : le choix de la flexibilité

Le crédit mobilité est une alternative intéressante au véhicule de fonction. « Il s’agit d’une enveloppe budgétaire virtuelle mise à disposition du collaborateur qui opte pour cette solution, en complément ou en remplacement de son véhicule de fonction », précise Steve Besnard, directeur marketing et de la communication B2B chez Ubeeqo, qui propose cet outil et compte notamment L’Oréal, Sanofi ou encore Pernod-Ricard parmi ses clients. Le salarié peut ainsi se voir proposer une voiture de fonction plus petite, en complément d’un crédit mobilité qu’il pourra dépenser en taxis, VTC, train ou autre. Le crédit mobilité peut également être adossé à la mise en place d’un système d’autopartage dans l’entreprise. Principal avantage de cette formule: la flexibilité, qui répond aux attentes des jeunes collaborateurs. « Ils ont tous une manière de se déplacer qui est différente, et varie selon les conditions. La voiture de fonction n’est pas toujours la meilleure solution. Ils ont besoin de souplesse », complète Steve Besnard. Cet outil, qui intéresse de plus en plus de sociétés, ne dispose toutefois pas de cadre fiscal spécifique et peut se heurter aux réticences des cadres plus âgés, fortement attachés au « prestige » de leur véhicule de fonction actuel.

5 – Le covoiturage, un complément à envisager

Sur le papier, le covoiturage domicile-travail ne semble pas spécifiquement viser la population de salariés « éligibles » à un véhicule de fonction. Pourtant, la société WayzUp, spécialisée dans cette nouvelle mobilité, s’est vu demander par certaines entreprises clientes d’adapter son application à ce cas de figure, en ajoutant une option spécifique dans son offre. Alors que le trajet est habituellement facturé 10 centimes/km à chaque passager, il est proposé à titre gratuit si le véhicule utilisé est une voiture de fonction. « Il s’agit vraiment d’entraide, de solidarité entre collègues, précise Julien Honnart, président de WayzUp, qui équipe par exemple Vinci et Veolia. Des cadres dirigeants s’en servent – plus que ce à quoi nous nous attendions. » Cette solution permet de dé-saturer les parkings des sociétés en réduisant le nombre de voitures sur le site. Avec celle-ci, les salariés utilisateurs réalisent des économies de temps et de moyens et peuvent tisser de nouvelles relations. Elle se heurte cependant à des obstacles contraignants (réticences de nombreux salariés à l’utiliser, contraintes d’horaires et itinéraires semblables…) et s’adaptera difficilement à certaines catégories de collaborateurs (commerciaux…).

Julien Fournier

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