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Nouveau venu dans la vie de bureau, le passager clandestin profite du travail collectif en partisan du moindre effort… Les démasquer devient impératif.
Par flemmardise, malignité, découragement ou simplement incompétence, le passager clandestin se révèle comme un frein tenace à la productivité.
C’est un sujet tabou. Et pourtant, il touche presque toutes les entreprises. Le passager clandestin, faussaire de la vie de bureau, est un partisan du minimum syndical. Parfois par simple paresse, il saura utilement tromper son monde. Parfois aussi par malveillance, il cherchera à trahir l’entreprise qui l’emploie…
Henri Prévost, expert en stratégie managériale et CEO de BSPK conseille et accompagne chaque année des dizaines de chefs d’entreprises en Europe.
Il précise le profil type de cette véritable plaie managériale : « Il s’agit de personnes qui montent dans une entreprise, veulent voyager avec elle sans apporter la moindre contribution. » Et de préciser : « Les tire-au-flanc existent : leur modus operandi consiste à se reposer sur les autres. Le passager clandestin bénéficie judicieusement de l’effort collectif : confortablement assis dans l’avion, il profite du travail de tous sans en supporter le coût ni la pénibilité. Le passager clandestin contribuera très peu, se réveillant seulement lorsqu’il risque d’être démasqué ou mis en lumière. »
« Une spirale de médiocrité »
Certains passagers clandestins sont la conséquence de ce qu’Henri Prévost nomme un « mauvais onboarding. » En clair, une erreur d’intégration après un recrutement : « Ce collaborateur ne s’adaptera pas à la structure parce que l’on aura pas pris soin de l’intégrer, le former, l’entraîner, l’encadrer. À un moment, il va s’inscrire dans une spirale nourrie de médiocrité, entraînant une baisse de motivation et une insatisfaction à l’égard de son emploi qui peut même être transmise au reste de l’entreprise, et mécontent de son onboarding il va également partager sa mauvaise expérience avec autrui, ce qui peut dissuader de potentiels talents de postuler aux offres d’emploi de l’entreprise et même bien pire faire fuir des clients chez vos concurrents ! Mais ne l’oublions pas, tout dépend de sa volonté ! »
Henri Prévost rappelle son mantra : « Ce n’est pas la fonction qui fait l’homme, mais l’homme qui fait la fonction ! »
Entre absentéisme et présentéisme
Le télétravail n’est-il pas un accélérateur de cette tendance clandestine ? « Il y a eu une grosse poussée de passagers clandestins après la pandémie, car beaucoup se sont retrouvés à être payés à ne rien faire, ce qui bouscule forcément les habitudes. Le phénomène de l’absentéisme, facteur clef du passager clandestin, peut également se muer en présentéisme… Ils sont les premiers arrivés au bureau, communiquent à outrance avec leurs pairs car la sympathie est le doux privilège de la médiocrité… et ils vous comblent de mails, utile moyen pour noyer leur incapacité sous une montagne de processus. »
Notre interlocuteur conseille ainsi d’étendre au plus possible la période d’essai, afin d’éviter la mauvaise surprise… Et de citer ces banques luxembourgeoises ou monégasques imposant une période d’essai de douze mois en plus d’examens éliminatoires très poussés : « Il faut être très exigeant, méthodique, précis et professionnel dans l’encadrement des nouveaux collaborateurs : avant, pendant et après leur arrivée au sein d’une société pour familiariser efficacement avec l’environnement de travail et les objectifs attendus. »
« Illusion, myopie, enfumage »
Comment démasquer le passager clandestin ? « La spirale est simple à comprendre : illusion, myopie, enfumage. On devient clandestin lorsque le déclin apparaît, lorsqu’on commence à perdre sa légitimité, c’est-à-dire l’adéquation entre le job description et le travail effectivement fourni. Il faut qu’il y ait un équilibre entre le travail fourni, la commande et l’adéquation. Plus le déclin avance, moins il devient rationnel pour le passager clandestin de compenser ses propres dysfonctionnements. Voilà pourquoi l’entretien individuel régulier, idéalement trimestriel, en toute franchise est capital. »
Henri Prévost sans blabla rappelle que : « Quelqu’un qui vous parle n’est pas un passager clandestin. Bien communiquer en interne peaufine la collaboration et l’esprit d’équipe, vous favoriserez l’émulation des idées et propagerez de l’enthousiasme. Les objectifs seront mieux compris, les tâches mieux réalisées. Avec une bonne communication au travail, c’est le rendement global de l’entreprise qui progresse. »
La vraie question est donc celle de la responsabilité individuelle. N’y a-t-il pas une différence entre une grosse société et une petite PME de dix personnes où tout se voit très vite ?
« Non. Assez étonnamment, la proximité aide le passager clandestin car il y a souvent plus de pathos dans une petite structure. Et puis on a tellement investi dans le recrutement, la prise de fonction… L’échec se révèle ainsi beaucoup plus flagrant pour le dirigeant. Donc on masque, on diffère. » Pour Henri Prévost : « On ne peut partager que les richesses que l’on crée ! Quelle que soit la taille de l’entreprise ! »
Démasquage et confrontation
Comment le confronter vraiment ? « S’il est repéré, le passager clandestin va se protéger. Souvent, il tentera d’embarquer avec lui deux ou trois colistiers dans son aventure… Il va ensuite tenter de faire une théorie pour expliquer que ce sont les rouages de l’entreprise qui ne tournent pas rond. » C’est pas moi, c’est le système, les autres, la faute à pas de chance… » Il réussirait à démoraliser un bataillon de marines ! Le clandestin devient alors très contagieux et donc dangereux. Ce râleur peut saper la productivité d’une entreprise toute entière. »
Le passager clandestin est grandement aidé par les nouvelles interactions sociales, peu marquées par le respect de la parole donnée et le sens de l’honneur… « En plus de n’avoir pas payé son billet, le passager clandestin se plaint du service à bord, de la taille du siège et des turbulences ! » Ainsi, Henri Prévost conclut sur la nécessité d’un véritable « parler-vrai » au sein de l’entreprise, loin des novlangues et d’une langue de bois qui n’arrange rien.
Henri Prévost préconise d’effectuer régulièrement un diagnostic managérial poussé pour analyser comment les fonctions et job descriptions sont prescrites pour tracer des organigrammes hiérarchiques et opérationnels efficients. Ce diagnostic permet aux organisations de mieux travailler et de favoriser le développement, l’innovation. Le diagnostic est un judicieux investissement dans les relations de l’entreprise qui fait grandir et permet aux individus et aux collectifs de donner le meilleur d’eux-mêmes.