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Louer n’est pas jouer
Dans la location de courte, moyenne et longue durée, les lignes ont bougé. Petit rafraîchissement.
Le marché des flottes automobile se porte bien, avec près de 800000 véhicules (utilitaires et personnels) immatriculés pour des entreprises en 2016, une hausse de plus de 8% par rapport à l’année précédente. Mais une entreprise qui cherche à se constituer sa flotte se trouve confrontée à un premier choix, celui du mode d’acquisition : la location de longue durée, l’achat, le crédit-bail ? « Tous les modes d’acquisition ne sont pas opposés, estime Olivier Monot, PDG d’Alphabet France. La LLD et la location courte durée sont complémentaires : l’une ne remplace pas l’autre. »
La LLD pour les grandes entreprises
Le principe de la location longue durée (LLD) est simple : contre un forfait mensuel fixe (défini selon l’usage prévu et le modèle), un loueur met à la disposition d’une entreprise des véhicules neufs régulièrement entretenus. À la fin du contrat, il peut être prolongé, ou le véhicule remplacé par un autre – mais l’entreprise ne peut pas, en revanche, racheter le véhicule. « C’est l’usage qui prédomine au choix du mode d’acquisition, souligne Patricia Caulfuty, directeur de la performance commerciale chez Arval. Dès que l’on dépasse les 10000 km par an, on rentre dans des critères qui avantagent la LLD. » Si les grandes entreprises la plébiscitent, c’est pour plusieurs raisons (on considère que la location est de longue durée quand elle est supérieure à un an). Tout d’abord, le coût d’utilisation du véhicule est connu, négociable en fonction des services choisis et de la taille de la flotte, et le tout ne demande pas d’apport initial : la capacité d’investissement est préservée. De plus, les véhicules, avec ce système, sont renouvelés régulièrement, ce qui est bon pour la RSE de l’entreprise (la consommation de carburant est plus faible dans les voitures récentes, qui polluent moins), et la sécurité des conducteurs.
Ensuite, la LLD est, pour elles, la solution la plus simple : ce sont les loueurs qui s’occupent de tout (ou presque), ce qui assure une simplicité de gestion bienvenue. Les services ont d’ailleurs tendance à se multiplier : maintenance, entretien, assurance, dépenses liées à un imprévu… Autant dire que le gain de temps est considérable pour l’entreprise (il suffit de penser au nombre de démarches occasionnées par un vol ou un accident). De plus, un nombre croissant de loueurs propose maintenant des solutions de gestion de flotte intégrant des outils télématiques, avec toutes les nouvelles prestations inclues : optimisation de la consommation de carburant, du taux d’utilisation du véhicule…
La deuxième raison majeure qui fait de la LLD le mode d’acquisition préférentiel pour les grandes entreprises est d’ordre comptable. En effet, elle permet la déduction de la TVA de la redevance, et – pour l’instant – la déduction des loyers du bénéfice imposable de l’entreprise, puisqu’ils sont considérés comme des charges. Comme il s’agit d’une location simple, et non d’un contrat de location financement, les coûts n’apparaissent pas au bilan – du moins jusqu’au 1er janvier 2019. À cette date entrera en vigueur la nouvelle norme comptable IFRS16, qui traitera de la même façon – du point de vue comptable – ces deux principaux types de location, en faisant apparaître dans les comptes les droits d’utilisation du bien loué (actif) et les obligations de paiements des loyers (passif). « L’arrivée de la nouvelle norme va obliger à réévaluer certaines décisions d’acquisition sur la longue durée, estime Hotman Hozman, DG de Vega Systems. D’un point de vue comptable et fiscal, cette évolution supprimera la distinction faite actuellement entre la ‘location simple’ et la ‘location financement’ avec un impact plus ou moins important sur le bilan des entreprises. Les premiers calculs effectués par les grands acteurs de la LLD tendraient à indiquer un impact minime, qui ne modifierait pas significativement l’équilibre actuel (mix entre acquisition et location longue durée). Cela reste malgré tout un changement majeur. »
Enfin, dernier avantage, la LLD offre maintenant un large choix de véhicules. Si le tableau paraît très rose, c’est qu’il l’est en un sens. La LLD n’a que trois inconvénients (si l’on exclut l’absence d’option de rachat) : le plafond kilométrique, les frais de remise en état qui peuvent être élevés en cas de dégâts non réparés, ou d’une vétusté trop importante, et les indemnités de rupture anticipée du contrat, en général très élevées.
TPE et PME penchent vers l’achat
En dépit de tous ces avantages, les TPE et PME montrent une préférence marquée pour l’acquisition de leurs véhicules, que ce soit sur fonds propres ou à crédit – même si elles commencent à s’intéresser à des prestations de type LLD avec des services packagés, dont les prix baissent suffisamment pour qu’elles deviennent rentables. Il est vrai que la méthode présente un certain nombre d’avantages : liberté totale du choix du véhicule (marque, couleur, options), liberté totale lors de la revente, et absence de frais de location qui génèrent, il est vrai, des surcoûts. Qui plus est, les véhicules de tourisme ne sont pas considérés comme un achat de matériel, contrairement aux véhicules utilitaires ou spécialisés pour des sociétés. Cependant, l’acquisition pure et dure a tendance à diminuer. Tout d’abord, si les avantages présentés ci-dessus sont attirants, il faut néanmoins savoir bien gérer sa trésorerie pour ne pas se laisser surprendre par les entrées et sorties lors des achats et vente ; et surtout, il faudra assumer les imprévus – amendes, accidents… – ainsi que l’éventuel vieillissement du parc. Tout cela rend ce mode d’acquisition plutôt déconseillé pour les flottes de taille large, ou les kilométrages trop importants : le risque est trop élevé. De plus, avec le développement constant des solutions de LLD, le choix du véhicule y devient très large, ce qui annule l’un des principaux intérêts de l’acquisition.
L’autre solution utilisée par les entreprises qui veulent acquérir leurs véhicules est le crédit-bail (aussi appelé leasing ou location avec option d’achat, LOA, même si ce dernier terme est théoriquement réservé aux particuliers). Des sociétés spécialisés – souvent des banques – achètent les véhicules et les louent à l’entreprise pendant une durée définie ; au bout du contrat, la société peut lever une option pour racheter les véhicules à un prix résiduel, défini au début du contrat, et souvent très inférieur au prix du neuf. « Le crédit-bail est en fait un mode de financement sans service associé, souligne Patricia Caulfuty. Toutes les démarches administratives et de gestion incombent au locataire. » Cependant, le crédit-bail présente plusieurs avantages : l’entreprise garde ses actifs intacts, ne s’occupe pas des frais d’assurance, et peut déduire ses mensualités (considérées comme des charges), ce qui préserve sa capacité d’endettement et d’emprunt. En revanche, les conditions d’utilisation du véhicule sont très strictes ; il est impossible – ou très prohibitif – de racheter ou de résilier le contrat avant terme ; si l’option d’achat n’est pas levée, les frais de remise en état peuvent se montrer élevés – et surtout, la location de la voiture ne s’assortit d’aucun service.
L’essor de la moyenne durée
En dehors de ces trois modes d’acquisition, on trouve aussi la location de courte durée – pour des besoins très ponctuels –, et de façon croissante, la location de moyenne durée, qui est probablement la solution qui se développe le plus ces temps-ci. « La location de moyenne durée suscite un vrai intérêt, car elle répond à une demande des clients », souligne Vinzenz Pfanz, Chief Sales Officer de Sixt Leasing SE. Elle répond en effet à des besoins spécifiques, de façon flexible, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise ou de la flotte, par exemple équiper un CDD d’un véhicule, pour un chantier spécifique, pour de l’intérim… Cette montée en popularité traduit également une autre tendance de fond du marché : les entreprises veulent, de plus en plus, optimiser leur flotte. C’est ce qui explique le développement de deux autres tendances fortes : le fleet management, et l’autopartage. « Nous avons développé une solution de mise à disposition de véhicules partagés par les collaborateurs, décrit Olivier Monot. Cela va dans le sens de l’évolution des pratiques. Nous fournissons à nos clients des parcs de véhicules liés à un système d’exploitation, déployé chez le client. » Le conducteur accède à la voiture qu’il a réservée avec une carte et son téléphone, sans aucune clé. Le tout est lié à un système de gestion de la qualité du parc. « La voiture est, de loin, l’actif le moins utilisé : le taux d’usage tourne autour de 5%, souligne Vinzenz Pfanz. L’autopartage est, certainement, l’avenir ; une voiture partagée peut en remplacer entre quatre et sept. »
Le fleet management est l’autre versant de cette optimisation. La flotte représente probablement le deuxième ou troisième poste de dépense pour un gros transporteur : les enjeux sont d’importance. « Avant, la gestion de la flotte était effectuée par une personne avec un tableau Excel, sourit Hotman Hozman. Aujourd’hui, il existe des solutions de fleet management, aussi bien en interne qu’en externe, qui offrent des outils performants. »
Un reporting précis permet, par exemple, d’ajuster les kilométrages des contrats selon les usages réels, et ainsi d’optimiser le coût de sa flotte, notamment en LLD. Une gestion attentive est devenue maintenant indispensable, non seulement d’un pur point de vue de performance, mais aussi pour pouvoir répondre à certains points de légalité (par exemple, si un véhicule est frappé d’une amende, l’entreprise est dans l’obligation de désigner le conducteur). La bonne nouvelle, c’est que toute entreprise – quel que soit le mode d’acquisition choisi – peut s’équiper de telles solutions ; et elles incorporent même des fonctionnalités qui aident à la décision lors d’acquisition de véhicules. L’arrivée de la télématique permettra d’améliorer encore l’efficacité de ces solutions. « Nous développons des API pour que les clients puissent utiliser les données récoltées de façon unifiée avec celles de la solution de gestion de flotte », précise Amandine Christolhomme, porte-parole de Fleetmatics. Mais si les coûts de la télématique se réduisent, et que le ROI est rapide, cela reste un investissement supplémentaire. « Nous préconisons notre solution pour des flottes d’au moins cinq véhicules », décrit Amandine Christolhomme. En deçà, si les bénéfices sont là, la rentabilité est plus difficile à retrouver.
Jean-Marie Benoist