Développement économique : comment les agences de développement capitalisent sur les forces de leur territoire

Les agences de dev’ comme aimants dans le processus d’attractivité territoriale
Les agences de dev’ comme aimants dans le processus d’attractivité territoriale

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De l’art du marketing territorial

Favoriser l’accès à l’immobilier tertiaire, orienter vers un interlocuteur idoine pour une question logistique… Les agences de développement économique accompagnent les entreprises dans leur développement au niveau local. Mais ce n’est pas leur seule fonction : elles sont censées avant tout assurer la promotion de leur territoire. Zoom sur leurs méthodes.

Après une mise en concurrence de 28 sites européens potentiels pour cet investissement qui s’élève à 105 millions d’euros, correspondant à la construction d’un centre de R&D et d’une usine de production de silice à destination notamment des pneumatiques écologiques, le géant industriel chinois Quechen a choisi d’implanter sa prochaine plateforme métropolitaine PIICTO à Fos-sur-Mer. Cette arrivée est bien sûr synonyme de création d’emplois à venir pour le bassin régional. L’agence de développement économique Provence Promotion, qui a mené les négociations et réuni autour de la table les différents interlocuteurs (la région, le Grand Port, Quechen, etc.) peut se frotter les mains. Actuellement, les parties sont en train de finaliser les derniers termes de ce qui représente le premier investissement chinois qui soit une totale création industrielle en France, et non un rachat d’entreprise existante. Car derrière cette annonce, c’est tout un territoire qui pourrait être boosté économiquement. « Dans son sillage, beaucoup d’acteurs de la filière du pneu pourraient rejoindre la région. Tout un tas de sites pourraient venir se greffer sur celui-ci. Notamment grâce au concept d’économie circulaire et de mutualisation des moyens. Ce qui est un déchet industriel pour un acteur devient une matière première pour un autre », se félicite Béatrice Aliphat, vice-présidente de la Métropole AMP déléguée à l’industrie et à l’énergie, vice-présidente de Provence Promotion. Voilà un exemple typique du rôle des agences de développement économique : valoriser un territoire pour y attirer des entreprises. Dans le cas présent, l’agence Provence Promotion a envoyé des agents sur des salons internationaux afin de promouvoir le bassin de Fos-sur-Mer, puis, une fois le projet lancé, a dû répondre aux demandes des industriels, notamment sur le juridique ou l’administratif. « Lorsqu’un homme d’affaires chinois passe 48 heures en France, il a besoin de rencontrer les bonnes personnes. Notre fonction est de favoriser la négociation et de lui apporter des réponses cohérentes en rapport avec ses attentes », poursuit Béatrice Aliphat.

Des prêts à taux zéro en guise de carton d’invitation

Selon le CNER, la fédération des agences économiques, on dénombre environ 90 entités sur le territoire hexagonal. Toutes n’ont pas vocation à draguer des géants de l’industrie asiatique, mais toutes sont chargées de mettre en valeur leur bassin régional et d’en faire un terreau économique fertile pour attirer les porteurs de projets, puis de les guider dans leur lancement. A l’heure de l’exode rural massif, décentraliser économiquement le pays est devenu un enjeu majeur. Dans cette optique, les agences de développement économique ont leur part à jouer. « Les territoires ne peuvent pas tout attendre de l’état jacobin », prévient Antoine Angeard, délégué général du CNER. Les agences de développement économique sont donc des structures dédiées, dont la mission s’articule autour de trois points. « Tout d’abord, accompagner les entreprises dans leur développement, en favorisant l’accès à l’immobilier tertiaire, ou les aider pour obtenir des financements. Ensuite, renforcer l’attractivité du territoire. Enfin, assurer l’animation du réseau d’acteurs de développement économique : entreprises, collectivités, associations. Les agences servent à porter des projets partenariaux et à les coordonner », souligne Antoine Angeard. Exemple entre autres, avec la Technopole de l’Aube où les entrepreneurs qui s’y installent, peuvent bénéficier de l’aide financière et de l’expertise d’un club de Business Angels. Quelque 4 millions d’euros ont déjà été investis en participation directe ! Isabelle Corbin, directrice de l’agence Pays d’Aix Développement, abonde : « Nous sommes des facilitateurs. On répond au besoin des entreprises et nous les aidons à trouver des produits en rapport avec leur projet, que ce soit des grands bureaux ou un entrepôt de trois mètres carrés. L’enjeu, pour nous, est bien évidemment la création d’activité et d’emploi. » Les agences de développement économique s’adressent aux professionnels de tous secteurs, sauf aux commerces de proximité et à l’hôtellerie-restauration. Mais il ne s’agit pas seulement d’attirer le chaland. « Nous aidons les entreprises à se pérenniser une fois qu’elles sont dans le bain », confirme Isabelle Corbin. Comment ? Pays d’Aix Développement propose par exemple des prêts à taux zéro en amont de la création d’entreprise. Le remboursement débute à l’issue du premier exercice bénéficiaire. Le jury chargé d’accorder ces prêts accepte sept projets par an en moyenne, pour des prêts situés entre 20 000 et 40 000 euros. Le centième lauréat a été fêté en décembre dernier. Un dispositif lancé en 2003 qui a de quoi rendre le pays d’Aix attractif auprès des apprentis entrepreneurs. « Cette mesure a créé plus de 550 emplois depuis son intronisation, relate Isabelle Corbin. Plusieurs entreprises digitales commencent à être connues sur le territoire. 40 000 euros, ça paraît peu quand on connaît les levées de fonds du secteur de l’innovation. Mais avant la création, c’est significatif. Cela permet au porteur de projet de ne pas engager des fonds personnels. »

A chaque région sa problématique

Plus à l’ouest, dans le Morbihan, on privilégie l’accompagnement personnalisé et la mise en avant d’un terreau à la fois fertile économiquement – les métropoles Rennes et Nantes sont à proximité, le tissu universitaire est important et il s’agit du premier département français en termes de retombées économiques de l’agroalimentaire à valeur ajoutée – et agréable en termes de qualité de vie. L’agence Vipe Vannes a dernièrement créé la marque Yes We Vannes pour courtiser les chefs d’entreprise. « Chaque porteur de projet voit son dossier pris en main par un interlocuteur unique et dédié, avance Xavier Colas, directeur général de Vipe Vannes. Il ne s’agit pas que de paperasse. Nous pouvons aussi accompagner un entrepreneur sur la problématique de la mobilité du conjoint. » Selon lui, l’attractivité de son bassin passe par la mise en place de pôles, offrant ainsi aux entrepreneurs en devenir la possibilité d’étoffer leurs réseaux rapidement. Pour faire de la région une place forte du numérique, notamment tout ce qui touche à la cyber-sécurité, Vipe Vannes organise par exemple un concours nommé Cyber Challenge, avec dotation en capital à la clef. Quant à l’événement annuel Planet e-commerce (spécialisé BtoB), il est en train de prendre une place majeure à l’échelle nationale. « Il est l’occasion pour les entreprises déjà implantées de rayonner au delà des frontières locales, et d’attirer l’installation de potentiels nouveaux acteurs», détaille Xavier Colas.

Evidemment, chaque agence doit s’adapter au tissu économique propre à sa région, qui varie d’un territoire à un autre. Francis Bécard, DG de la Technopole de l’Aube précise sur sa région et l’un de ses événements phares: « “Plug & Start”, c’est le rendez-vous annuel entre des personnes qui portent des projets innovants de création d’entreprise et des personnes dont l’expertise et le parcours professionnel peuvent aider l’accélération de ces projets.

C’est aussi l’addition d’une expertise solide, d’un territoire bienveillant et d’idées innovantes.  : le territoire est en ébullition pendant 48 h et près de 200 personnes sont mobilisées ! » Si la région en question possède une forte tradition industrielle ancestrale, sa mission et ses actions diffèreront de celles d’une agence dont le territoire de base est prisé par les touristes. Mais, Antoine Angeard en est sûr, chaque bassin a des atouts à faire valoir pour inciter des entrepreneurs à s’y installer : « Un jour, quelqu’un d’une collectivité m’a dit «ça me paraît impossible d’attirer qui que ce soit sur mon territoire, il n’y a rien». Mais justement ! C’est aussi valorisable. Les enjeux sont simplement différents. Pourquoi ne pas souligner auprès des porteurs de projet le fait qu’il est plus facile d’y faire de l’expérimentation économique que dans un milieu ultra dense ? » Le délégué général du CNER cite volontiers l’exemple de LVMH, un géant mondial, qui établit des ateliers dans des territoires ruraux, pour s’éviter un fort turnover au sein de ses effectifs. « En territoires dits reculés, les gens sont implantés. LVMH met donc le paquet sur la formation et ensuite conserve sa main d’œuvre durant de longues années. C’est un atout à valoriser pour les bassins dépourvus de métropoles. » Si, de fait, les agences de développement économique se retrouvent en situation de concurrence dans leur prospection – chacun voulant inviter des entreprises à s’établir sur son propre territoire –, elles savent aussi travailler en bonne intelligence. « Elles ont avant tout conscience de se battre pour le territoire français », analyse Antoine Angeard, qui assure que le CNER diffuse également des bonnes pratiques. Pour leur rayonnement à l’international, plusieurs agences normandes se sont regroupées sous une bannière commune : Normandie Avenue. C’est sous celle-ci qu’elles vont à la rencontre de grands groupes sur des salons hors de nos frontières. Antoine Angeard salue cette initiative : « Lorsque l’on est sur un événement à Tokyo, la Normandie au sens large ça évoque quelque chose. Dieppe ou Rouen, un peu moins. Donc autant y aller ensemble et mutualiser les coûts pour ce type de prospection. »

Au service des entreprises, les agences de développement économique se veulent également au cœur de l’expérimentation. Dernièrement, le CNER a signé un partenariat avec Orange et Nordnet, le fournisseur d’accès à Internet par satellite, pour l’opération «Ma Petite Entreprise Connectée» dans le but de se mettre au service du développement des entreprises et des territoires en apportant, au travers des agences de développement, une solution numérique pour soutenir leur développement. Le concept ? Les agences de développement ont identifié des entreprises disposant d’un débit inférieur à un méga. En février, une vingtaine d’entreprises seront sélectionnées pour bénéficier gratuitement d’une connexion Internet haut-débit par satellite pendant un an. Les entreprises lauréates pourront ainsi tester cette technologie et mesurer son impact sur leurs activités économiques. « Les territoires impliqués s’engageront ainsi dans une logique d’aménagement numérique basé sur un mix technologique efficace à court-moyen terme. Ainsi, ce n’est pas parce qu’une zone est peu couverte en réseau qu’elle ne doit pas être attractive pour des sociétés », note Christophe Outier, directeur commercial chez Nordnet, en charge des relations avec les collectivités locales. La fracture numérique étant parfois un frein à l’implantation de nouvelles sociétés dans des territoires non éligibles à l’ADSL ou à la fibre, une telle mesure, si les retours d’expérience sont bons, peut potentiellement réanimer l’activité dans des territoires traditionnellement peu dynamiques. « Il y a une réelle problématique d’accès au haut débit pour les professionnels, insiste Christophe Outier. Le e-commerce explose, le télétravail se développe : à l’heure du numérique, l’accès à une connexion Internet haut-débit est indispensable à la compétitivité et à la transformation digitale des entreprises. » L’opération «Ma Petite Entreprise Connectée» va leur permettre de développer de nouveaux usages auxquels elles n’avaient pas accès, comme l’entretien de la notoriété via les réseaux sociaux, partager des dossiers volumineux… Le premier bilan est prévu pour dans six mois.

Marc Hervez

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