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Quête de l’expérience unique, retour de l’humain et responsabilité sont les thèmes qui guideront le secteur du MICE cette année, comme sans doute les prochaines.
Début d’année 2020 agité pour le MICE (Meetings, Incentives, Conférences et expositions). Le secteur, qui a, semble-t-il, bien résisté en 2019 aux troubles géopolitiques, au ralentissement de la croissance comme aux perturbations liées aux gilets jaunes, sera-t-il affecté durablement par l’épidémie de propagation du coronavirus dans le monde ? L’enjeu est d’importance pour l’économie française. Selon l’étude inédite de l’Union Française des Métiers de l’Evénement (Unimev) confiée au cabinet EY et publiée en novembre dernier, en 2018, les événements d’entreprise et d’institution ont représenté 32 milliards d’euros de retombées économiques, dont 52 % au bénéfice des entreprises de production événementielle (accueil, aménagement, prestation de contenu, traiteur événementiel, location de site…) et 48 % au bénéfice des acteurs du tourisme (transport d’accès et sur place, hébergement, restauration, commerce). Ces retombées ont permis de créer ou de maintenir 335 000 emplois en France métropolitaine.
L’humain au centre de toutes attentions
Lionel Malard, fondateur d’Arthémuse et consultant pour les professionnels Event & Meeting, n’est pas étonné par le poids économique du secteur. « Si une entreprise organise un évènement, c’est pour transmettre un message au public qu’elle réunit. Le succès de l’évènementiel confirme un besoin impérieux de remettre l’humain au centre des stratégies et des organisations. Selon moi, cette quête de l’humain n’a même jamais été aussi forte qu’actuellement. Un évènement est un moment unique où hommes et femmes se réunissent, travaillent, collaborent, signent du business, s’amusent, refont le monde… ensemble. Les entreprises ont compris la nécessité de rencontrer en direct live leurs clients, leurs collaborateurs… de leur serrer la main et d’échanger avec eux », ajoute l’observateur avisé du MICE. La mise en scène événementielle s’est métamorphosée. Pour que l’évènement atteigne ses objectifs, les professionnels imaginent sans cesse de nouveaux modèles, de nouveaux formats, de nouveaux contenus… pour renouveler l’expérience des participants et leur faire vivre un moment qui sort de l’ordinaire.
Des lieux sur-mesure
Dans ce but, les spécialistes de l’événementiel ne ménagent pas leurs efforts à l’image de Sodexo. La branche spécialisée « Événements Prestige Sodexo » par exemple, s’enorgueilli de disposer 19 lieux « iconiques » comme la Seine Musicale, les salons du Pré Catelan, l’Hôtel des Arts et Métiers, l’Hippodrome de Vincennes ou encore le Lido. « Notre objectif est de répondre aux exigences, de plus en en plus élevées, de nos clients. En 2019, Lieux et Événements Prestige Sodexo a enrichi son portefeuille de 3 nouveaux sites au cœur de Paris (dont le Rive Montparnasse, le salon Gustave Eiffel de la tour Eiffel, le Kluster Business Center – un nouveau rooftop), explique Éric Chauvet, directeur marketing vente et commercial Sodexo Sports et Loisirs. Pour que l’événement soit un plein succès, le lieu doit être en parfaite adéquation avec le message que le client souhaite faire passer et son format. Le Lido par exemple, se prête parfaitement à un événement festif et riche en prises de paroles ».
La technologie, multiplicateur d’échanges
Si le lieu a son importance, ce sont bien les nouvelles technologies qui révolutionnent le secteur. Elles ont pris une place prépondérante avec de nouveaux outils d’immersion ou encore des applications digitales qui améliorent par exemple la relation entre le speaker et le public ou favorisent la rencontre. « De même, les outils digitaux permettent d’allonger la durée de vie d’un évènement avec, par exemple, une communication directe en amont et une résonance sur les réseaux sociaux en aval », précise Lionel Malard. « La technologie ne réduit pas les échanges. Elle les multiple », confirme Hanna Savarin, head of Marketing chez Eventdrive. « Vous arrive-t-il de penser que les rassemblements et les évènements physiques ont moins leur place dans le monde actuel ? Rappelez-vous votre dernier concert à guichet fermé, pensez à la multiplication des festivals, imaginez le nombre de « talks » et d’ « afterworks qui fleurissent chaque soir… Le nombre d’évènements n’a jamais été aussi important, et ce grâce à la magie des nouvelles technologies qui permettent d’en augmenter la portée et le rayonnement », précise-t-elle.
… et de la rentabilité
Les nouvelles technologies permettent de créer de l’émotion, mais aussi des économies. à l’heure du « big data », la mesure de la rentabilité est devenue un enjeu majeur pour les organisateurs d’évènements. « Le secteur est clairement rentré dans une logique de ROI (retour sur investissement). Les events managers veulent tout mesurer. Ils traquent les participants, gèrent les invitations grâce à des outils de plus en plus sophistiqués », ajoute Hanna Savarin. Les organisateurs souhaitent connaître le comportement des participants aux évènements. En effet, s’ils obtiennent cette information, ils seront à même de mieux évaluer les besoins et désirs des participants de la prochaine réunion. Les équipes pourront ainsi ajuster leurs actions au fur et à mesure. « 79 % des consommateurs affirment qu’ils acceptent une offre uniquement si elle a été personnalisée selon les interactions précédentes avec la marque. Une fois cette data en main, les events managers pourront créer et personnaliser des communications efficaces selon les activités et centres d’intérêts des participants » précise Hanna Savarin. Dans la même logique, les organisateurs doivent aujourd’hui prouver l’efficacité du média événement et la nature positive de ses impacts. « Créer systématiquement de la valeur et mesurer précisément les apports pour les parties prenantes sont, pour moi, indissociables du développement de l’événementiel », confirme Lionel Malard.
L’avènement du « lifestyle »
Finis les événements guindés et solennels, place au « lifestyle ». « Ce mode de vie qui se diffuse progressivement dans la société sous l’impulsion des Millenials, influence de plus en plus le monde du MICE » observe Laurence Rousseau, directrice de la rédaction du media spécialisé, Meet In. Bien sûr, tout dépend de la marque. Les sociétés de la tech, l’univers de la mode et du luxe sont les plus ouvertes au changement. Elles utiliseront les dernières innovations pour immerger leurs participants dans des vidéo-mapping qui investissent tous les espaces et le mobilier. Elles opteront pour la Dataviz qui fera rimer intelligence artificielle et création artistique. « Attention cependant, l’originalité prime. On se souviendra davantage d’une conception ou d’une animation low tech que d’un déploiement technologique déjà vu 100 fois. Par ailleurs, dans ce secteur en pleine mutation, les budgets devront être repensés. A titre d’exemple, le champagne n’est plus la panacée, et les Millenials préfèrent largement vivre une expérience d’immersion unique autour d’un verre de vin blanc que de siroter une coupe avec des petits fours», assure Laurence Rousseau.
Rock’n’Roll attitude
Imaginez de nouveaux concepts d’évènements alliant l’humain et la technologie apparaît donc comme la grande tendance d’une époque que certains comparent à celle des années Folles. Peur du lendemain, envie de s’échapper d’un quotidien anxiogène, d’oublier et de faire la fête ? « Certainement, mais pas n’importe comment car les temps ne sont plus à la gabegie générale », tempère Laurence Rousseau. Selon elle, nous serions plutôt dans les Années 60 c’est-à-dire plutôt Rock’n’Roll, voire Punk (dans sa version écolo). L’idée est de se déconnecter du stress ambiant, de s’évader. « Liberté, refus des codes des aînés, affirmation des différences, envie de déranger et de se frotter aux diversités de points de vues seront à l’ordre du jour. Dans les événements, cela se traduit par davantage de fantaisie, du décalage, des animations un peu « weird » que vous serez allés piocher chez des créatifs ou des savants gentiment fous. On y viendra comme on est, loin des diktats de la mode et des codes du monde de travail désormais désuets. Il faut prendre du plaisir, en servant par exemple des cocktails à base de cannabidiol (ou CBD) », détaille la spécialiste du MICE. Dans cette quête du plaisir, les organisateurs d’événements auront par ailleurs tout intérêt à miser sur les collab’, qui nourrissent le secteur de la mode et de la musique depuis plusieurs années. « L’idée d’associer sa marque avec une autre ou bien avec une personnalité afin de créer un nouveau produit, une collection capsule, et ainsi faire le buzz devrait connaitre un regain d’intérêt. Les médias, les lieux, les traiteurs s’y mettent pour « pimper » de façon éphémère leurs créations. N’hésitez pas à faire appel à des artistes qui vous feront prendre des chemins de traverse par rapport à votre propre histoire et votre ADN », souligne Laurence Rousseau.
Soyons écolo-responsables
Bien sûr, à l’heure du cocktail, la sobriété sera de mise. Il n’est pas question de dresser des buffets bio dressés sur des palettes en bois mais de se montrer créatif et écolo-responsables. « Quand on pense développement durable, on pense réduction des impressions, tri des déchets, tasses réutilisables. Mais le développement durable va au-delà de cette addition de petites actions. Il doit s’inscrire dans l’ADN de votre marque et donc de vos événements », précise Hanna Savarin. Aussi, il faudra à tout prix éviter d’être hors-sol, c’est-à-dire de ne pas joindre les actes aux engagements. « Le mépris des laissés pour compte au détriment d’une communication inclusive sera sanctionné tandis qu’une vigilance de tous les instants vis-à-vis des comportements sexistes et racistes sera de mise. On le sait, la sanction est désormais immédiate et peut être terrible pour les marques (cf. la polémique récente du Slip Français) », explique Laurence Rousseau. Par ailleurs, l’organisation d’incentives à l’autre bout du monde sera très mal accueillie, et plus globalement, la non prise en compte des changements de mentalités et de comportements. Pour Laurence Rousseau, le rôle des agences d’événements apparaît donc déterminant pour conseiller et convaincre leurs clients des risques d’une paralysie éthique. « Il faudra convaincre les décideurs (le top management et pas les managers intermédiaires) et leur rappeler que leur entreprise va désormais être sanctionnée si celle-ci ne dépasse pas ses objectifs économiques pour se projeter dans son objet social », assure-t-elle. à cet égard, la dernière étude de l’Observatoire du Goodvertising est édifiante. 49 % des Français considèrent que la communication « for good » correspond à du « greenwashing ». Seuls 23 % estiment qu’elle se transforme en mesures concrètes dans la réalité. En clair, les Français veulent des preuves, du concret, des actions tangibles, des résultats mesurables. S’en est fini des chartes RSE à rallonge, les engagements doivent être tenus !
Jean-Pierre Lepagnot