L’anxiété fabrique de l’extrémisme

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Nous le savons depuis longtemps, et les sondages le confirment, les Français considèrent que les médias anxiogènes constituent l’une des raisons de notre pessimisme collectif.

Il convient d’aborder cette question avec réalisme.

Oui, le système médiatique, autant pour des raisons de conformisme que d’audience, privilégie l’accroche sensationnelle et les mauvaises nouvelles. L’ouverture des JT en est le meilleur exemple. Même lorsqu’aucune catastrophe n’est disponible, on cherchera toujours l’angle le plus négatif ou, en plein hiver, le froid ou la neige.

Il existe une dimension sacrée dans le journalisme, celle de la vérification des sources, de la priorité des faits sur le commentaire, celle pour laquelle des hommes et des femmes risquent leur liberté et leur vie. Il y a également une dimension économique. Il faut bien que les télévisions aient des téléspectateurs, les radios des auditeurs, la presse écrite des lecteurs… et tous des performances et de la publicité.

Néanmoins l’audience c’est nous qui la faisons. Et nous la faisons parce que les Français adorent se faire peur. D’abord pour des raisons psychologiques évidentes. Jules Renard disait « Il ne suffit pas d’être heureux. Il faut encore que les autres ne le soient pas ». Plus nous noircissons le monde autour de nous, plus nous rehaussons nos performances individuelles. Si moi, le grand Français, je m’en sors dans cet univers hostile, c’est que je suis vraiment formidable. Là est l’une des explications de cet oxymore français entre 80% des Français qui se déclarent plutôt heureux dans leur vie personnelle et à peu près les mêmes qui constituent l’un des peuples les plus pessimistes du monde.

Ensuite parce que, même si nos vraies angoisses sont personnelles et concernent nos proches, les peurs collectives font lien, nous rapprochent, nous rassemblent.

Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot la peur était un vice, elle est devenue une vertu, presque un devoir et même une idéologie.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi nous sommes comme le lapin pris dans les phares, obsédés ou en tout cas attentifs à tout ce qui est moche, triste, effrayant. Nous finissons par avoir peur de tout et de rien. Luc Ferry en dresse un constat effarant : « A tort ou à raison on finit par avoir peur de tout, alcool, tabac, cotes de bœuf, nanotechnologies, réchauffement climatique, micro-ondes, mondialisation, etc. ». On peut y ajouter la peur de se retrouver au chômage ou SDF, la peur du déclassement.

Cette peur de perdre se développe dans la société française et alimente un pessimisme exacerbé ou surfait. Car lorsqu’on a peur de perdre c’est que l’on a quelque chose à perdre. Les personnes qui sont à terre ne redoutent pas de tomber. Elles n’ont qu’une idée c’est se redresser.

On pourrait se contenter d’évoquer l’analyse qui précède d’une manière légère, détachée. Il faut pourtant la traiter avec gravité. Dans son remarquable livre «Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez» (Editions les Arènes), Jacques Lecomte écrit : « Les discours catastrophiques sont contreproductifs. Ils mènent à l’immobilisme, voire à la soumission à une politique autoritaire ».

Je vais plus loin, ils alimentent l’extrémisme qui gagne du terrain en France, en Europe et dans le monde. L’émergence du ressenti à l’encontre des faits et des données rationnelles marginalise les capacités de raisonnement et la contextualisation, laissant place à ces grands travers humains très en vogue en France : l’exagération des risques et des souffrances, la victimisation, la recherche de boucs émissaires.

En accentuant le désir de soumission, on finit par renoncer à des libertés au profit de la sécurité ou, pire, de héros vengeurs. Le marketing du malheur conduit au repli, au nationalisme, à la haine de l’autre.

La peur d’un monde qui nous échappe entraîne le syndrome de la dépossession comme si nous n’avions plus prise sur notre vie personnelle et notre destin de nation. Et quand on n’a rien à perdre, on est prêt à faire n’importe quoi.

L’exploitation éhontée de toutes les peurs qui viennent d’être évoquées fait reculer toutes les grandes valeurs positives qui font et feront une société plus forte et plus unie : le respect, la tolérance, la bienveillance, l’engagement solidaire.

Nous ne sommes pas des optimistes béats. Nous ne rêvons pas d’un monde plus beau qu’il n’est. Mais nous affirmons que dans ce monde en transition, avec ses risques et menaces, jamais les progrès de la science, de la recherche, de la médecine, des technologies n’ont été plus spectaculaires. Jamais la chance de trouver des solutions à la famine, aux virus, à la pénurie d’eau n’a été plus grande. Et malgré la crise, les atouts de la France restent considérables. C’est pourquoi nous voulons valoriser les traceurs, les innovateurs, les entrepreneurs, les associations, les collectivités qui, chaque jour, font monter du terrain des initiatives qui apportent des solutions au lieu de créer ces problèmes dont on parle tant.

Voilà qui est salvateur contre tous les prophètes de malheur, les vieux démons et les idéologies rancies. Là est l’espoir incarné par toutes celles et tous ceux qui mobilisent des énergies positives.

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