Responsable de nos (P)acte(s) ?

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Le premier enseignement du projet de loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) est la qualité du dispositif de concertation publique mis en place par le ministère de l’économie et des finances. Les chiffres à la clôture de la consultation sur la plateforme en ligne parlent d’eux-mêmes : près de 13 000 contributions, 63 502 votes et 7 753 participants. Rarement un projet de loi a su impliquer dans la délibération autant de parties prenantes. Il faut en savoir gré au gouvernement, et saluer sa méthode aussi innovante qu’intelligente.

Par son ampleur, cette loi, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, mériterait de nombreuses chroniques. Ses ambitions, ses objectifs, les mesures proposées… balaient un champ immense de réformes qui toutes requièrent un examen réfléchi : redéfinition de l’objet social des entreprises, réforme des seuils sociaux, intéressement des salariés, ouverture d’un guichet unique à l’exportation, etc. Mais cette chronique étant d’abord destinée à discuter des problèmes éthiques liées à l’univers financier, je m’arrêterai sur une proposition qui me paraît dangereuse et irresponsable : celle de « supprimer la stigmatisation des entrepreneurs ayant connu l’échec ». Cette mesure semble plébiscitée par les votants : 73,20 % l’approuvent. Passons sur le fait que son intitulé fausse le résultat du sondage : parler de stigmatisation, c’est déjà orienter la réflexion des personnes interrogées.

De quoi s’agit-il ? De supprimer l’indicateur 050 de la Banque de France qui « marque les entrepreneurs ayant connu deux échecs au cours des 5 dernières années, et de limiter l’indicateur 060 au seul cas des personnes physiques ayant fait l’objet de décisions judiciaires à titre personnel ». Comment une telle mesure peut-elle favoriser l’orientation de l’épargne vers les entreprises ? Ces indicateurs, qui assurent une certaine transparence, sont utiles aux financeurs (investisseurs et prêteurs) pour s’assurer de la viabilité d’un projet entrepreneurial en tenant compte aussi de paramètres extra-financiers essentiels comme les compétences managériales des porteurs du projet. Cette mesure, si elle était appliquée, limiterait donc l’accès des entreprises au crédit et aux financements. Mais, ce qui m’embarrasse le plus sur le plan éthique, est que cette mesure invite à la déresponsabilisation. Avoir connu l’échec n’est pas une honte : on peut en apprendre beaucoup. Encore faut-il l’assumer et être mis en position de répondre de ses erreurs. Privé de procès en raison de sa maladie mentale, Althusser regretta jusqu’à la fin de sa vie que son crime fut « sanctionné par un non lieu » : l’absence de comparution devant des juges le priva de son droit de répondre de ses actes. Ne pas laisser aux femmes et aux hommes la possibilité d’avoir à répondre de leurs erreurs, c’est, d’une certaine manière, les priver de leur dignité.

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