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La semaine dernière a été rythmée par de nombreuses affaires judiciaires, concernant notamment deux ministres toujours en poste.

Après le verdict du procès du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, le ministre du Travail, Olivier Dussopt a comparu toute la semaine pour favoritisme. Le timing n’aurait pas pu être plus parfait. Cette même semaine, Jérôme Cahuzac, ex-ministre du Budget, condamné, tente de faire son retour en politique. Avoir un pied en politique va-t-il de pair avec des déboires avec la justice ?

Petit rappel des faits, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, avait été soupçonné d’avoir profité de son poste pour régler ses comptes avec quatre magistrats qu’il avait critiqués du temps où il était avocat. Cependant, il a par la suite été déclaré non coupable de prise illégale d’intérêts devant la Cour de justice de la République (CJR). C’est d’ailleurs la seule instance à même de juger des ministres pour des faits commis au gouvernement. Il a donc été relaxé, le mercredi 29 novembre. Olivier Dussopt, lui, est poursuivi pour favoritisme. Il comparaît, depuis lundi 27 novembre, devant le tribunal correctionnel de Paris. Les faits qui lui sont reprochés, remontent à son mandat de maire d’Annonay, en Ardèche. Le verdict sera rendu mi-janvier. Mercredi dernier, dix mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende ont été requis.

Le tribunal, nouveau point de ralliement

Les accusations récentes ne s’arrêtent pas là. Souvenez-vous de cette accusation à l’encontre de Gérald Darmanin, l’actuel ministre de l’Intérieur. En effet, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé, en janvier 2023, le non-lieu prononcé en faveur de Gérald Darmanin, accusé de viol par Sophie Patterson-Spatz. Cette dernière avait fait appel de l’ordonnance de non-lieu rendue par un juge d’instruction à Paris, le 8 juillet 2022, dans le cadre d’une enquête ouverte pour viols à l’été 2020. La même année que la nomination de Gérald Darmanin comme ministre de l’Intérieur.

Ainsi, M.Darmanin prenait part au gouvernement alors même qu’il était au cœur d’une enquête judiciaire. Il est d’ailleurs resté en poste sans être inquiété, durant les presque trois années d’instructions suivantes. Gérald Darmanin est loin d’être un cas isolé. Marine Le Pen candidate à l’élection présidentielle de 2022 et actuelle députée RN (Rassemblement National) du Pas-de-Calais, est accusée de détournement de fonds publics. Alors même qu’en 2020, puis en appel en 2023, le RN, à l’époque sous sa présidence, a été condamné pour « recel d’abus de biens sociaux », dans l’affaire des kits de campagne utilisés par les candidats du parti lors des élections législatives de 2012. Le tout dans l’indifférence la plus totale.

Des élus condamnés puis réélus ?

Ce qui couronne le tout, c’est le retour en fanfare de Jérôme Cahuzac. Pourtant lourdement condamné à quatre ans de prison (dont deux ans de prison ferme), ainsi qu’à cinq ans d’inéligibilité et 300 000 euros d’amende pour fraude fiscale lorsqu’il était ministre. Alors oui M.Cahuzac a purgé sa peine, mais au nom de quoi son come-back en politique est-il souhaitable ? Déjà pas à celui de la morale publique…

La politique gouvernée par la morale est donc un leurre ? Aujourd’hui, un procès, semble s’inscrire comme une ligne supplémentaire, et presque anodine dans le CV d’un élu. Ces jours-ci, l’embouteillage au tribunal n’a même plus l’air d’émouvoir, ni d’inquiéter quiconque. Même pas lorsqu’il s’agit de l’ex-Président, Nicolas Sarkozy. Il était une fois encore convoqué, mais ici pour l’affaire Bygmalion. De même pour François Bayrou, jugé pour détournement de fonds publics.

Quand les ministres mis en examen démissionnaient…

De plus, sous les prédécesseurs d’Emmanuel Macron, les ministres démissionnaient dès leur mise en examen. Si juridiquement, rien n’oblige un ministre mis en examen à démissionner, Bernard Tapie est par exemple le premier qui a dû se plier à l’usage. Alors ministre de la Ville, l’homme d’affaires est attaqué par son ancien associé Georges Tranchant pour « abus de biens sociaux » dans une société de distribution de la marque Toshiba. Quelques jours avant sa mise en examen, il démissionne de son poste en mai 1992, à la demande de Matignon. Après l’obtention d’un non-lieu, il réintègre le gouvernement quelques mois plus tard.

De même en septembre 2014, lorsque Matignon annonce à la surprise générale la démission du secrétaire d’État au Commerce extérieur, Thomas Thévenoud. En effet, c’est à la suite « d’une situation découverte après sa nomination » que l’homme reconnaît des « retards » dans le paiement de ses impôts, avant que la presse ne révèle qu’il ne les avait en réalité pas réglés depuis des années.

Les pratiques démocratiques régressent ?

Si le président de la République maintient ses ministres à leur fonction, la règle pourtant en vigueur depuis 1992 sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy vise à demander la démission « d’un ministre ou d’un collaborateur mis en examen – ou susceptible de l’être après l’ouverture d’une information judiciaire ». Sous le président Macron, il y a alors une nuance. C’est seulement après une condamnation que les ministres seraient dans l’obligation de quitter leurs fonctions. On peut dés l’or noter la régression de nos pratiques démocratiques après le changement de cette règle.

Désormais, les membres du gouvernement ont bel et bien l’onction du président pour s’accrocher à leur poste jusqu’au bout. Ils demeurent ainsi présumés innocents. Politiquement, cette pratique reste très risquée vis-à-vis de l’action publique. Un ministre, qui représente l’État peut-il voir sa mission, pourtant d’utilité publique, entachée par un procès ? Doit-on s’habituer à ce nouvel agenda politique : la journée au tribunal, le soir au gouvernement ?

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